PFAS: une brèche judiciaire s’ouvre en Italie

Pour la première fois en Europe, les dirigeants d’une usine de PFAS, accusés d’avoir contaminé l’eau potable de près de 350 000 personnes en Vénétie, ont été condamnés au pénal le 26 juin. Une décision qui donne « un grand espoir » aux citoyens du sud de Lyon engagés dans des procédures juridiques contre les industriels de la plateforme de Pierre-Bénite. Par Blandine Lavignon.

« On aimerait que cela soit un précédent pour toute l’Europe ». Les mots de Michela Piccoli du collectif « Mamme no PFAS » face à l’aboutissement d’un combat qui dure depuis 8 ans, en disent long sur cette décision juridique historique. Ce jeudi 26 juin, onze managers de l’industriel italien Miteni viennent d’être condamnés pour « désastre environnemental » et « empoisonnement des eaux » à 141 années de prison par le tribunal de Vicenze, dans la province du Veneto, en Italie.

C’est la première fois en Europe qu’un producteur de PFAS et ses dirigeants sont reconnus coupables devant une juridiction pénale. Entre les indemnisations pour la région de la Vénétie et celles pour le ministère de l’Environnement, les personnes tenues responsables du désastre devront verser 64,5 millions d’euros

« La décision peut faire effet boule de neige »

À des centaines de kilomètres plus loin, au sud de Lyon, les citoyens engagés dans des procédures juridiques contre les industriels de la plateforme de Pierre-Bénite ont suivi la décision avec beaucoup d’espoir.

« Le temp judiciaire est long, on a parfois l’impression que l’on ne verra jamais la fin de ce combat car c’est le pot de fer contre le pot de terre, citoyens face aux industriels. Cette nouvelle nous redonne de l’espoir » témoigne ainsi Emmanuelle De Carolis, habitante de Pierre-Bénite et fille d’un ancien salarié de l’usine Arkema. Testée positive aux PFAS comme son père, elle a rejoint la plainte collective civile déposé contre l’industriel Arkema. « La décision italienne peut faire effet boule de neige au niveau européen, et inciter les politiques à s’emparer sérieusement du dossier » ajoute-t-elle.  

En France, du sud de Lyon à Rumilly en Haute-Savoie, en passant par la Seine-Maritime, des nouveaux foyers de pollution industrielle aux PFAS sont révélés chaque jour.

« Nous ne sommes plus seuls »

« C’est une grande satisfaction. La décision de la justice italienne est une première et prouve que cela est possible. On craignait que l’affaire ne soit enterrée. Désormais, nous ne sommes plus seuls. Nous allons prendre rapidement attache avec nos confrères italiens » réagit l’avocat Jean-Baptiste Jusot, avocat lobbyiste qui représente les collectivités en procédure contre les industriels de Pierre-Bénite.

« C’est d’autant plus réjouissant que les collectivités ont été partie prenante dans ce dossier, bien qu’étant de bords politiques différents. C’est un peu ce que nous avons essayé de faire ici en réunissant dans une même plainte toutes les communes, en faisant fi des étiquettes politiques » ajoute l’avocat.

« Ce sera une bataille de plusieurs années »

Même son de cloche du côté de son associé, l’avocat Jean-Marc Hourse à l’origine de la plainte contre  X pour le compte de 32 communes et d’une communauté de communes du Rhône, mais aussi de 36 personnes physiques.

« C’est une brèche judiciaire qui s’ouvre. La décision de justice italienne ne peut pas laisser indifférent les autorités publiques et judiciaires françaises. Il faut cependant garder en tête que cette décision fera sûrement l’objet d’un appel, d’un pourvoi en cassation, peut-être d’un recours devant les instances européennes. Ce sera une bataille de plusieurs années » détaille cet avocat lyonnais spécialiste en droit de l’environnement.

Les deux avocats sont en contact avec Interpol qui pourrait, à l’avenir, diligenter une enquête au niveau européen.

Avec Emilie Rosso et Bénédicte Millaud

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