Quel bilan de la conférence de l’ONU sur l’eau?

En 1977 se tenait la première conférence onusienne sur l’eau où la communauté internationale se fixait l’objectif d’assurer l’ensemble des besoins en eau de la population mondiale d’ici 2000. Il a fallu attendre 46 ans pour que la seconde se tienne. Entre-temps, la population mondiale a doublé, plus de 2 milliards d’humains n’ont toujours pas accès à une eau potable sûre. L’appel à une nouvelle gouvernance de l’eau démocratique, orientée vers la réalisation du droit à l’eau tou·tes, doit enfin être entendu. Extrait d’un article d’Anne LE STRAT, ex-présidente d’Eau de Paris, consultante senior pour UN-Habitat.

Depuis que la conférence s’est tenue, beaucoup saluent le caractère historique de cet événement et insistent sur les espoirs d’action concrète que cela suscite. Cependant, les résultats tangibles sont maigres. N’étant assortie d’aucun engagement négocié contraignant pour les Etats, elle a n’a pu qu’exhorter l’ensemble des parties prenantes à prendre des engagements volontaires à enregistrer dans le « Water Action Agenda ». Des centaines ont déjà été envoyés, qui vont de la présentation d’un projet d’une ONG à un engagement national porté par un ministère. Le processus d’enregistrement d’engagement volontaire sera continûment ouvert sans qu’on sache précisément quels enseignements ou orientations en seront tirés. L’annonce-phare de la conférence est la création d’un nouveau poste onusien, un.e envoyé.e spécial.e dédié.e à ce sujet. Si cela marque la volonté de prendre plus au sérieux le suivi des engagements internationaux, personne ne pense que cela va réellement accélérer la mise en œuvre concrète du droit à l’eau.

Toutes lourdes et bureaucratiques qu’elles soient, les instances multilatérales sont pourtant indispensables comme espaces d’échange, de coopération et de règlement des conflits. La reconnaissance du droit humain à l’eau en 2010 a permis à des collectifs de s’appuyer sur cette reconnaissance internationale pour revendiquer une plus grande justice autour de l’eau. Mais ces instances ne peuvent se substituer aux rôles essentiels des gouvernements et services locaux dans la mise en oeuvre de ce droit. Ils doivent être entendus dans l’expression de leurs besoins et des difficultés specifiques rencontrées. Cette réalité du terrain est essentielle à l’atteinte des ODDs: il est dès lors grand temps d’élargir les interventions dans les instances onusiennes aux gouvernements locaux, aux entités publiques et organisations communautaires afin de mieux représenter et diversifier les voix et les intérêts exprimés.

Alors qu’une autre conférence similaire est envisagée pour clôturer la décennie en 2028, il pourrait également être suggéré qu’elle se tienne de façon décentralisée sur chaque continent, ce qui faciliteraient les coopérations entre pays et une meilleure prise en compte des spécificités régionales. Cela éviterait d’avoir encore une trop grande prééminence des pays occidentalisés et de leur approche dans l’analyse des crises et des réformes proposées.

Selon les mots du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres lui-même, l’eau doit être gérée comme un bien commun, car elle est essentielle à la vie. La gestion de l’eau doit reposer sur une approche écosystémique et participative, nécessairement de long-terme et liée aux territoires, aux bassins fluviaux et aux aquifères. L’adaptation au changement climatique, la lutte pour restaurer les cours et nappes d’eau se conçoivent et se déclinent sur les territoires. La question de l’eau est également par essence transversale et transdisciplinaire. Elle doit se penser en interconnection avec les autres secteurs et politiques (habitat, agriculture, énergie, etc.). Ressource naturelle essentielle au vivant humain et non-humain, elle doit être gérée selon l’intérêt général et il y a urgence à reconsidérer l’eau et le cycle de l’eau comme un bien commun mondial à défendre. La restauration et la préservation de l’eau doivent être considérées comme un objectif public d’intérêt général, configurant de facto les stratégies institutionnelles et financières et les politiques menées en matière d’investissement et d’approvisionnement. Cet appel à une nouvelle gouvernance de l’eau, publique et démocratique, internationale et locale, orientée vers la réalisation du droit à l’eau et à l’assainissement pour tou.te.s d’ici 2030, doit enfin être entendu.

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