Les collectivités Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val-de-Seine et Grand Orly Seine Bièvre, appuyées par le Conseil départemental de l’Essonne, s’adressent aux maires des villes desservies par le réseau interconnecté du sud francilien (RISF). Elles font le bilan de la captation réalisée par Suez sur le dos des usagers et les appellent à rejoindre l’initiative du syndicat mixte sous maîtrise publique. En exclusivité, nous révélons la boîte noire des négociations avec Suez, le compte-rendu de la réunion du 20 juillet 2021 entre Suez et les collectivités.
L’alimentation en eau potable de plus d’un million trois cent mille habitants du sud francilien dépend d’un ensemble d’usines de traitement et de conduites de transport d’eau potable dénommé Réseau Interconnecté du Sud Francilien (RISF), exploité par Eau du Sud Parisien, filiale du groupe Suez.
Suez revendique encore aujourd’hui la propriété de certains de ces ouvrages, et tout particulièrement les usines, construits pour la plupart il y a plus d’une cinquantaine d’années avec le développement des villes nouvelles et largement amortis par plus de cinquante ans de factures d’eau payées par les habitants et les usagers du service.
Le monopole privé d’alimentation des collectivités du sud francilien a déjà été épinglé par le Conseil de la Concurrence le 3 novembre 2005, dans sa décision relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’eau potable en Ile de France, sans que cette situation n’ait évolué depuis.
En 2016, avec la création des agglomérations et le transfert de la compétence eau et assainissement résultant de la loi NOTRE, puis en 2019 sous l’égide du Conseil départemental de l’Essonne, les intercommunalités dépendantes du RISF se sont réunies pour étudier les moyens de sortir de ce monopole de fait.
Trois intercommunalités, Cœur d’Essonne, Grand Paris Sud et Val-d’Yerres Val-de-Seine, puis l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres, accompagnées par le Conseil départemental de l’Essonne ont engagé des discussions avec Suez en vue de l’appropriation publique des ouvrages. Elles ont ainsi délibéré, toutes à l’unanimité, sur le principe de création d’un syndicat mixte pour garantir le maintien de l’intégrité du RISF mais sans a priori sur le futur mode de gestion de ces futurs équipements publics.
L’ensemble de ces collectivités représentent aujourd’hui 56% du volume vendu par Suez aux collectivités dépendantes du RISF et, par ailleurs, des discussions sont encore en cours avec deux autres intercommunalités : la communauté d’agglomération Paris-Saclay et l’établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.
Bilan d’une année d’échanges avec Suez
Après une année d’échange avec l’entreprise Suez, nous tenons à vous informer des avancées obtenues. Si la compétence relève désormais des EPCI, il nous paraît essentiel de vous informer directement de cette démarche en votre qualité de Maire. Il est évidemment question du prix, de la qualité et de la préservation de cette ressource essentielle.
D’abord, le principe de transfert de propriété du RISF au futur syndicat mixte est acquis, sous réserve d’en arrêter les conditions et de le différer au terme d’un nouveau contrat de fourniture d’eau en gros.
Ensuite, il faut souligner que nous avons désormais obtenu de Suez une partie importante des informations sur le coût réel du service de fourniture en gros d’eau traitée. Il est avéré aujourd’hui que le coût moyen pondéré d’exploitation et d’investissement du RISF ramené aux volumes vendus s’inscrit dans une fourchette entre 43 et 46 centimes d’euro hors taxe par m3, soit loin des tarifs pratiqués par Suez dans les conventions d’achat en gros des collectivités du sud francilien. Il nous semble que ces données justifient ainsi pleinement notre démarche.
La question de la valeur de cession du RISF fait évidemment l’objet de discussions : si nous nous basons sur la valeur nette comptable, Suez préfère se baser sur une « valeur de poursuite d’usage » des ouvrages pourtant largement amortis.
C’est donc une étape décisive des négociations qui débutera d’ici à la fin de l’année 2021, concomitamment à la stabilisation de l’actionnariat et de la direction générale du « Nouveau Suez ». La baisse des conditions économiques de fourniture d’eau en gros qui en résultera sera d’autant plus conséquente que nous, élus et collectivités du sud francilien, serons nombreux à rejoindre l’initiative du syndicat mixte pour peser dans les discussions.
Il aura en effet vocation à se substituer à la filiale Eau du Sud Parisien de Suez. Ainsi se construira un nouvel acteur public du service de l’eau potable en Île-de-France, à la bonne échelle, respectueux des attentes des territoires, maître des investissements essentiels, soucieux de la bonne coopération avec les autres acteurs publics régionaux pour éviter les investissements superflus et donner la priorité à la protection des ressources en eau.
Il ne s’agit pas de contester le savoir-faire du secteur privé, sur lequel nous nous appuierons nécessairement, d’une manière ou d’une autre, pour continuer à opérer ce service public de l’eau, mais de confier la gestion de ce bien commun essentiel aux garants de l’intérêt général que nous sommes toutes et tous, représentants élus de nos habitants.
Nous sommes convaincus que seule cette maîtrise publique permettra une vision à long terme de cette ressource qui tend à se raréfier dans les années à venir. La nécessaire transition écologique dans la gestion de notre eau potable est compatible avec la préservation du pouvoir d’achat de nos populations. Ce sont les deux missions que nous fixerons à ce futur syndicat de production et de transport de l’eau potable.