Sur les mois de juin et juillet 2022, le Réseau « Sortir du nucléaire » a fait analyser toutes les semaines par le laboratoire de l’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest) l’eau potable de Choisy-Le-Roi en région parisienne. Le résultat est sans appel : 100% des échantillons prélevés contenaient du tritium, un élément radioactif quasi inexistant à l’état naturel. Si les taux demeurent en dessous des limites de potabilité [1], cette contamination chronique pose question notamment en cas d’accident.
Conférence de presse organisée le vendredi 14 octobre à Choisy-le-Roi (en face de la médiathèque) par le Réseau « Sortir du nucléaire » en présence de David Boilley, président du laboratoire de l’ACRO, et Clémence Guetté, députée du Val de Marne.
Des substances radioactives dans la Seine… et dans l’eau potable de millions de Francilien·nes !
En cause, la centrale de Nogent-sur-Seine, située à plus de 100 km en amont de l’usine de potabilisation de Choisy-Le-Roi, et qui rejette régulièrement dans la Seine tritium et autres pollutions chimiques et radioactives. Alors qu’à l’état naturel, ce radioélément n’est présent qu’à l’état de trace, l’activité mesurée dans l’eau potable des robinets de la ville est comprise entre 10,4 et 22,1 becquerels par litre (Bq/L). Ce chiffre n’est pas anodin d’autant plus que, pendant la période de réalisation des analyses, seul l’un des deux réacteurs de la centrale de Nogent fonctionnait, le deuxième étant à l’arrêt pour maintenance sur les mois de juin et juillet 2022.
Ces mesures viennent corroborer les données déjà compilées sur la période 2016-2017 par l’ACRO, qui faisaient état d’une contamination moyenne de 10 Bq/L pour Choisy-Le-Roi. La présence de tritium dans l’eau du robinet y est donc un fait depuis plusieurs années au moins.
Les habitant·es de Choisy-Le-Roi ne sont d’ailleurs pas les seul·es à boire de l’eau contaminée au tritium : l’usine de potabilisation de la ville alimente 56 communes, soit près de 2 millions d’habitant·es des banlieues sud et ouest de Paris. Si les taux de tritium relevés restent inférieurs aux seuils de potabilité (par ailleurs fixés très haut), il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas de seuil d’innocuité pour l’exposition à la radioactivité.
L’Île-de-France n’est pas la seule concernée
Depuis plusieurs années, le collectif « Loire et Vienne Zéro nucléaire » effectue avec l’ACRO une surveillance régulière de ces deux cours d’eau et de l’eau potable. Les taux de tritium relevés y sont encore plus élevés. Rien d’étonnant, puisque pas moins de 14 réacteurs y déversent régulièrement de l’eau contaminée ! Les communes de Châtellerault, Angers et Saint-Martin-la-Rivière sont particulièrement touchées avec des taux qui dépassent régulièrement les 20 Bq/L dans l’eau potable. En janvier 2019, un pic de 310 Bq/L a même été mesuré dans la Loire vers Saumur.
Cette contamination touche aussi la flore aquatique. Afin de compléter son étude, le Réseau « Sortir du nucléaire » a fait analyser par le laboratoire de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité) des plantes aquatiques en aval de la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne). Malgré l’arrêt complet d’un des deux réacteurs et la période peu propice (les algues n’ont pas encore atteint leur stade de croissance maximale à cette saison), des taux significatifs de tritium et de carbone 14 ont été détectés, ce qui confirme la contamination chronique et persistante de la Garonne par l’installation nucléaire. Contamination qui impacte aussi des villes comme Agen qui pompe son eau potable en aval de la centrale de Golfech.
Une porosité très préoccupante en cas d’accident
La présence de tritium doit lancer l’alerte car en cas d’accident sur une centrale nucléaire, d’autres éléments radioactifs pourraient être également être rejetés. Ces résultats démontrent que dans un tel cas l’eau potable de millions de citoyen·nes pourrait être impropre à la consommation. Et s’il peut être envisagé de ravitailler de petits villages par des camions citernes, quid de la situation dans les métropoles et, évidemment, en région parisienne ? En cas de rejets massifs à Nogent, ce sont 4 millions de Francilien·nes qui seraient exposé·es et qu’il faudrait approvisionner en eau potable…
Le Réseau « Sortir du nucléaire » demande au Gouvernement de prendre des mesures d’urgence
Dans un courrier envoyé ce jour et co-signé par France Nature Environnement, le Réseau « Sortir du Nucléaire » interpelle Agnès Pannier-Runacher, ministre en charge de la transition énergétique et lui demande que soient menées des analyses régulières des rejets de tritium dans l’eau par un organisme indépendant. Actuellement, c’est le pollueur, c’est-à-dire EDF lui-même qui doit déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire toute activité volumique anormale en tritium : une aberration ! Autre demande : celle d’une étude pluraliste sur les conséquences sur la santé et sur l’environnement d’une exposition chronique aux faibles doses de tritium.
Au delà de ces mesures d’urgence, alors que cet été a vu se multiplier les dérogations pour permettre à certaines centrales de poursuivre leurs rejets d’eau chaude, les associations rappellent que les enjeux liés à la ressource en eau dans un contexte de changement climatique interrogent la pérennité du recours au nucléaire et imposent la remise en question des projets de construction de nouveaux réacteurs.