Archives de catégorie : Droit à l’eau & Tarification

Coupures d’eau illégales : une prise d’otage inadmissible des locataires

Le jugement du tribunal d’instance de Thionville donne raison à Mme B. soutenue par la Fondation France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, victime d’une coupure d’eau illégale, contre son propriétaire et la régie publique Syndicat des Eaux et Assainissement de Fontoy-Vallée de la Fensch (SEAFF).

Le juge des référés a ordonné la réouverture immédiate du branchement en eau sous astreinte de 100€ par jour de retard, et interdit de procéder à une nouvelle coupure pour une durée d’un an. Il a condamné la régie publique et le propriétaire à verser 1.500€ de dommages et intérêts (1.000€ et 500€ respectivement) et 1.400€ de remboursement de frais de justice (700€ chacun).

Ce jugement éclaire une situation absolument inadmissible qui concerne pourtant de nombreux locataires en France et met en lumière les pratiques intolérables des distributeurs d’eau en France.

Les précédents jugements rendus à ce jour (Soissons / Bourges / Valenciennes) concernaient des impayés de factures qui liaient directement un usager et son distributeur et ont confirmé l’illégalité des coupures d’eau dans toutes ces situations à deux acteurs. Mais ce n’est pas le seul cas de figure. Nous sommes régulièrement alertés par des locataires (ou des copropriétaires) en habitat collectif qui, comme Mme B., payent leurs loyers et leurs charges aux échéances convenues et subissent une coupure d’eau du fait d’un litige entre leur propriétaire ou leur syndic et le distributeur. Nous n’avions pas encore réussi à porter ce type de cas devant le tribunal, car un locataire (ou copropriétaire) a toujours préféré régulariser la situation à ses frais pour retrouver l’eau. L’urgence l’emporte alors sur le temps nécessaire pour mener une action en justice.

Cette pratique, non seulement illégale, est aussi scandaleuse puisqu’elle prend en otage des usagers qui sont en règle et à qui l’on doit l’accès à l’eau. Cette situation s’apparente à du racket lorsqu’un distributeur exige du locataire de payer à la place du syndic ou du propriétaire défaillant, d’autant que les sommes en jeu sont plus importantes et que le distributeur peut donc saisir la justice pour obtenir le règlement de l’impayé d’un syndic.

L’interdiction de couper l’eau dans un immeuble d’habitation doit être strictement appliquée quel que soit le litige entre le propriétaire ou le syndic et le distributeur. Nous demandons à ce que cette interdiction soit clairement stipulée dans l’ensemble des règlements de service d’eau sur le territoire français.

Nous comptons sur la réaction immédiate des distributeurs d’eau afin qu’ils cessent ces pratiques violentes, malhonnêtes et illégales. La loi du plus fort ne peut plus être la règle. Il nous faut construire un espace de réconciliation qui permette de penser le service public comme l’espace non violent nécessaire à la construction de notre société.

Lire le jugement du tribunal de Thionville

ANNEXE : témoignages de coupures d’eau en habitats collectifs que nous avons reçus

– Gagny (93) : un immeuble dont l’eau a été coupée trois fois pour cause d’impayés de la part de certains propriétaires.
– Montfermeil (93) : menace de coupure d’eau dans tout l’immeuble pour impayés de deux factures.
– La Courneuve (93) : le syndic n’a pas réglé la facture d’eau et les 19 foyers de la copropriété ont subi deux coupures d’eau.
– Saint Denis (93) : un immeuble resté sans eau pendant près d’une semaine à cause d’un impayé de la part du syndic pour quelques propriétaires négligents qui ne payaient pas leur part de charges.
– Montreuil (93) : un immeuble menacé de coupure d’eau suite à une facture bien trop élevée que les locataires et propriétaires tentaient de clarifier avant de payer, sans succès : silence de Veolia. La facture a finalement été réglée sans plus d’information sur sa justification.
– Saint Ouen (93) : Suite à un retard de règlement de la part du syndic, cette copropriété s’est trouvée privée d’eau pendant plusieurs jours.
– Pont-à-Mousson (54) : un propriétaire endetté ne règle plus ses factures à la SAUR, tandis que les locataires continuent de payer leurs charges. La SAUR exige des locataires le règlement de la facture pour leur remettre l’eau.

Lettre ouverte de l’association « Les Mur’eau » à la Maire de Meulan (78)

« Vous allez proposer au conseil municipal de se prononcer sur la gestion du service public de l’eau potable pour la ville de Meulan.

Vous avez l’opportunité de diminuer sensiblement la facture d’eau de vos administrés, tout en participant à l’évolution de la société initiée par le forum alternatif mondial de l’eau qui s’est tenu du 14 au 17 mars 2012 à Marseille.  Nous nous permettons de vous citer  quelques extraits de la déclaration finale :

«… nous partageons une vision commune de l’eau. Nous la considérons comme un bien commun et non comme une marchandise. »

« …l’eau est la condition de toute vie sur la planète et que le droit à l’eau et à l’assainissement est un droit humain fondamental et inaliénable ; nous insistons sur le fait que la solidarité entre générations présentes et futures doit être garantie ; nous rejetons toute forme de privatisation de l’eau et déclarons que la gestion et le contrôle de l’eau doivent être publics, coopératifs, participatifs, équitables et non orientés vers le profit. »

« …Nous considérons qu’il est urgent et indispensable d’instaurer une « démocratie réelle: les populations concernées doivent participer et se prononcer sur les décisions portant sur l’usage, le partage et la protection de l’eau, comme, par exemple, le choix du mode de gestion ou la réalisation  d’un grand projet. Les citoyens et les associations doivent être parties prenantes de la gestion de l’eau. »

Dans cette dynamique, une bonne centaine de collectivités locales françaises ont repris la gestion de l’eau en régie publique (Castres, Saint Malo et Nice… mais aussi, Grenoble, les lacs de l’Essonne, Rouen, Paris…).

Vous pouvez engager, dés maintenant, un audit de l’existant et une étude de transfert en régie publique, dont le coût peut être financé en partie par le Conseil Régional.

Nous sommes une association loi 1901 qui a commencé son action sur la ville des Mureaux, et nous avons l’objectif de l’étendre à tout le territoire environnant. Nous sommes à votre disposition pour vous présenter les enjeux et les avantages pour la collectivité de la mise en place d’une telle régie.

La comparaison des tarifs entre des délégations de service public confiées à des sociétés privées et des régies montre que près de 150€ d’économie annuelle sont envisageables par famille.

Près d’ici, le Maire de Courgent avait signé un contrat qui transférait au privé une régie publique. Le coût de du m3 d’eau avait été multiplié par deux pour les usagers. Ils ont obtenu, devant la justice, la résiliation du contrat. »

Noël sans eau: les fournisseurs d’eau continuent leur scandaleux racket!

A la veille de Noël, de nombreuses familles ont laissé des témoignages de coupures d’eau non seulement illégales, mais aussi totalement abusives. Elles vont passer le réveillon sans eau à leur domicile.

Malgré les condamnations, les déclarations de bonnes intentions ou les affirmations d’innocence des fournisseurs d’eau privés ou public, et de certains élus qui les cautionnent, ceux-ci continuent d’abuser de leur position de monopole là où ils opèrent, en coupant l’eau à tout va aux personnes qui ont des difficultés pour payer.

Difficultés passagères ou situations de précarité prolongées, mal accompagnées par les services sociaux, les fournisseurs d’eau n’en tiennent pas compte. Voyant le mal partout, ils présument avant tout de la mauvaise foi des personnes et coupent l’eau en bravant l’interdiction par la loi Brottes (avril 2013) et sans même respecter les procédures en vigueur avant celle-ci.

Les citoyens mis à mal par des charges trop importantes demandent des échéanciers, invoquent la loi Brottes, mais la plupart des fournisseurs exigent un paiement total sous peine de coupure, que ce soit pour quelques dizaines d’euros ou plusieurs centaines ! Nombreux sont ceux qui y voient des « pratiques mafieuses » et de « voyou » : « la bourse ou la vie » semble être la devise de certains distributeurs d’eau.

A Toulon une femme est sans eau depuis le mois de mai. Suite à une fuite de son chauffe-eau, elle a eu une facture de plus de 900 euros; face à une telle somme qu’elle n’a pas, elle demande un échéancier, Veolia ne veut rien entendre et lui coupe l’eau. Depuis son fils lui apporte de l’eau tous les jours.

A Avignon, toujours Veolia : une femme au RSA, très mal suivie par les services sociaux, avec deux enfants dont un bébé de 15 mois vit sans eau depuis le mois de juin pour un impayé de plus de 500 euros. Elle décrit une situation sanitaire assez catastrophique : sans eau, pas de chauffage, son bébé tombe malade régulièrement !

En Seine et Marne, un citoyen conteste les facturations fantaisistes de la Saur. Alors que sa maison est en travaux, il n’utilise que de l’eau de pluie qu’il recueille dans des citernes. Sa consommation au robinet est presque nulle ! Il reçoit pourtant des estimations élevées. Il les paye et les conteste par courriers répétés restés sans réponse. Décidé à ne pas se laisser ainsi spolié, il ne paye plus la part eau de ses factures. En réponse la Saur lui coupe l’eau, il n’a plus de chauffage dans sa maison qui menace de s’endommager.

La même Saur est allé remettre l’eau à Arnaud qui était sans eau depuis un an en présence d’un huissier et en continuant de lui réclamer le règlement de factures émises sur la base d’estimations… portant sur toute la période où son approvisionnement était coupé !!! La Saur continue de nier avoir émis de telles factures…

Dans le Nord, une personne approvisionnée par le Syndicat des Eaux Honnechy-Maurois se trouve en juillet en difficulté pour payer une facture élevée. Elle engage des démarches pour demander un échéancier qui lui est refusé. Dans l’impossibilité de régler la totalité, cette personne envoie des sommes chaque mois afin de régler la facture en trois fois. Son fournisseur est venu sans préavis lui couper l’eau à son domicile le lendemain de l’envoi du troisième règlement. Pour récupérer l’eau à son domicile la personne a dû  payer des frais de réouverture s’élevant à plus d’un tiers de la somme qu’elle devait initialement…

Payez chers citoyens, mais si vous ne payez pas aux délais et conditions exigés, alors… Sans parler des délais, certaines personnes se voient refuser des paiements autrement que par carte bleue, sous peine de coupure. Il ne suffit pas de payer, encore faut-il que ce soit en monnaie sonnante et trébuchante et sur-le-champ !

Si les fournisseurs d’eau présument de la mauvaise foi des personnes, au vu de leurs pratiques, nous ne pouvons plus douter de la violence de ces entreprises, de leur ignorance des notions de service public et de bien commun, de leur je-m’en-foutisme face à la loi, et de l’abus permanent qu’ils font de leur main-mise sur l’approvisionnement en eau des populations.

Nous voulons que cette situation cesse !

Mobilisons-nous partout pour réclamer des facturations justes et précises des consommations d’eau, et pour faire appliquer la loi Brottes. Demandons à nos élus de faire appliquer la loi et réclamons leur un service public de l’eau digne de ce nom ! Continuons de diffuser cette campagne, de collecter des témoignages et de soutenir les « sans-eau » dans leurs démarches. Vous trouverez nos outils pour cela >>> ici !

Est Ensemble veut expérimenter la tarification sociale de l’eau

Le conseil d’agglomération d’Est Ensemble, réuni le 16 décembre, a décidé de la candidature de l’agglo pour participer à l’expérimentation visant à favoriser l’accès à l’eau et mettre en oeuvre une tarification sociale, prévue par la loi Brottes.

Lire la note sur la tarification sociale de l’eau présentée à la CCSPL du 16 décembre.

L’agglo ne gère directement qu’une partie de l’assainissement, ce qui représente une part minime de la facture. Pour un impact réel sur la facture des usagers, il faudra trouver un accord avec le SEDIF dont fait maintenant partie Est Ensemble. (En effet, l’agglomération a gâché sa seconde chance de sortir du SEDIF en faisant appel de l’annulation de la délibération d’adhésion au SEDIF, prononcée par le TA de Montreuil…) Ce n’est donc pas gagné quand on connait les pratiques du SEDIF en matière de tarification (voir ci-dessous).

SEDIF, l’escroquerie du tarif multi-habitat

Depuis le nouveau contrat SEDIF-Veolia débuté en janvier 2011 est apparu le tarif multi-habitat qui concerne l’habitat collectif. Contrairement à ce qui est indiqué, c’est une pénalisation pour l’habitat collectif.

Auparavant les bailleurs ou les syndics négociaient un tarif grande consommation par immeuble ou groupe d’immeubles (tarif dégressif selon le volume ; beaucoup moins cher que le tarif général  (10% de moins à partir de 5500 m3 jusqu’à 60% de moins au-delà de 511 000m3) et ne payaient qu’un seul abonnement par contrat. Avec le multi-habitat, le tarif appliqué est le tarif général et, en plus, le tarif d’abonnement est multiplié par le nombre de logements. Pour autant, les usagers n’ont pas de factures ni de compteurs individuels. (Ce qui conduit certains bailleurs sociaux à mettre en place des compteurs individuels et à les faire payer en plus aux locataires dans les charges). L’usager paye donc l’équivalent d’un abonnement individuel mais sans le service qui va avec.

Le tarif grande consommation  encourage le gaspillage

C’est un tarif dégressif, beaucoup moins cher que le tarif général : 10% de moins à partir de 5500 m3 jusqu’à 60% de moins au-delà de 511 000m3 ! Cela n’incite pas les entreprises, ni les collectivités à réduire leur consommation d’eau. Mais ce n’est sans doute pas l’objectif ni du SEDIF, ni de Veolia.

Le tarif voie publique encourage aussi le gaspillage

C’est la moitié du prix du tarif général. L’eau potable est une production industrielle qui consomme de l’énergie, des substances chimiques, quiejette du CO2 : tout cela pour nettoyer la voirie ? Des solutions alternatives et peu coûteuses existent : à Paris, il y a un second réseau d’eaux brutes ; or justement, 5 communes de la CAEE sont limitrophes de Paris ; 5 communes de la CAEE sont traversées par le canal de l’Ourcq…

Ce constat de la situation actuelle montre le pas à franchir avant de parvenir à un tarif social et écologique au sein du SEDIF!

Cette volonté nouvelle d’expérimenter la tarification sociale au sein d’Est Ensemble fait suite à une question orale posée par Mireille Alphonse, vice-présidente écologiste, lors de  la précédente réunion du conseil communautaire où était présenté le rapport annuel du SEDIF sur le prix et la qualité de l’eau potable.

Lire la question orale de Mireille Alphonse.

Riva Gherchanoc, conseillère communautaire du Parti de Gauche, avait abondé dans le même sens, tout en affirmant vigoureusement le souhait de sortir du SEDIF et de créer une régie publique. Un débat dont ne veulent visiblement pas le Président d’Est Ensemble et le vice-président chargé de l’eau qui a été aussi élu vice-président du SEDIF après les dernières municipales…

Lire l’intervention de Riva Gherchanoc.

 

Arnaud retrouve enfin l’eau chez lui!

Le juge du tribunal d’Amiens renvoie en Cassation mais ordonne le rétablissement immédiat de l’eau chez Arnaud.

Après les condamnations de Suez Environnement à Soissons, de Veolia à Bourges et de la régie Noréade à Valenciennes pour coupures d’eau illégales, le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Amiens était attendu ce vendredi 19 décembre 2014 dans l’affaire opposant Arnaud, privé d’eau depuis un an et sept mois, à la SAUR.*

Suite à la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) soulevée par la SAUR, le juge a estimé que la question posée n’était pas « totalement dépourvue de caractère sérieux » et a annoncé le renvoi en Cour de cassation. Le jugement est suspendu jusqu’à la décision de celle-ci.

La transmission de cette QPC présente l’inconvénient de suspendre la procédure en cours, mais a aussi l’avantage de soumettre les critiques faites à cette disposition à la Cour de cassation. Nous sommes heureux d’avoir l’opportunité de connaître sa position et d’obtenir ainsi une décision tranchée sur la constitutionnalité de la loi qui interdit les coupures d’eau pour impayés en France.

Cependant, au vu de la violence que représente une coupure d’eau, le juge a ordonné à la SAUR de rétablir l’alimentation en eau chez Arnaud sous astreinte de 100€ par jour de retard. Il pourra retrouver une vie normale et effectuer les gestes indispensables de la vie quotidienne : avoir du chauffage, prendre une douche…

La Cour de cassation dispose désormais d’un délai de trois mois pour examiner la QPC et décider de saisir ou non le Conseil constitutionnel. Si la Cour de cassation estime que les critiques ne sont pas sérieuses, la décision de refus de transmission pourra être exploitée dans le cadre d’instances ultérieures. Dans le cas contraire, le Conseil constitutionnel sera amené à se prononcer sur la disposition dans un délai de trois mois. Si elle est jugée conforme à la Constitution, la disposition devient ensuite incontestable et les distributeurs d’eau auront alors plus de mal à justifier le non-respect de l’article L. 115-3 al. 3 du CASF.

Consultez le jugement >>> ici.