Archives de catégorie : Droit à l’eau & Tarification

Ce que ne dit pas le rapport annuel 2013 du Sedif – Veolia

Intervention d’Ali Id Elouali (groupe des élus écologistes et citoyens) au conseil municipal de Choisy-le-Roi, le 6 novembre 2014.

Pour commencer, ce que ne dit pas le rapport Sedif-Veolia, c’est le manque de transparence dans la gestion que fait Veolia de l’eau, ce bien commun de l’humanité, et de l’argent des citoyens que nous représentons. En effet, en l’absence d’un véritable compte de résultat d’exploitation 2013 du Sedif, qui aurait pu mentionner le détail des coûts de la masse salariale, des loyers, des charges exceptionnelles, nous n’avons qu’une idée très parcellaire de l’utilisation de l’argent des citoyens.

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est qu’aucune instance représentative des citoyens ne figure dans le conseil d’administration du délégataire Veolia, où l’on retrouve de « bien  belles » personnalités issues de ces mêmes systèmes financiers, comme BNP Paribas, la banque Rothschild ou la banque d’investissement Qatarie, ceux-là même décriés à longueur d’incantations par la gauche.

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, et qui devrait pourtant scandaliser les élus de gauche attachés à la solidarité, c’est le nombre important de coupures d’eau pratiqués par Véolia sur tout le territoire Français, pratique pourtant interdite depuis la loi Brottes de 2013 qui interdit aux distributeurs d’eau toute coupure y compris pour non-paiement. Qu’un salarié désobéissant soit licencié par Veolia parce qu’il a refusé de couper l’eau aux familles en peine de payer, ça non plus le rapport ne le dit…

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré au prix de l’eau, c’est que le coût élevé de ses tarifs ne provient pas de la cherté des traitements de l’assainissement, comme le Sedif veut nous le faire croire, mais bien de l’eau elle-même : une simple comparaison avec Paris nous le démontre, avec des prix de l’eau de 1,07€/m3 pour Paris contre 1,47€ pour le Sedif, soit une différence de 37%.

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est que le soit disant « tarif multi-habitat » a tout l’air d’une tromperie. Avant cette grille tarifaire qui date de 2011, les bailleurs ou les syndics négociaient un tarif « grande consommation » par immeuble ou groupe d’immeubles et ne payaient qu’un seul abonnement par contrat. Désormais, avec le multi-habitat, non seulement c’est le tarif général qui est appliqué, mais cerise sur le gâteau, le tarif d’abonnement est multiplié par le nombre de logements.

Ce que ne dit pas le rapport dans son chapitre consacré à la qualité de l’eau, c’est que les grandes opérations d’investissement du SEDIF visent à une eau brute de plus en plus polluée. Or, en écologie, la meilleure lutte contre la pollution, c’est d’abord ne pas en faire. Et cela, les villes de Paris et de Munich par exemple l’ont bien compris. Elles ont installé des champs d’agriculture biologique au-dessus des nappes phréatiques qui alimentent leurs réseaux de manière à préserver la ressource et prévenir les pollutions au lieu de gaspiller de l’argent à coût de traitement chimique.

Ce que ne dit pas ce rapport, c’est le gaspillage de la ressource auquel incite la politique de Veolia à travers ses tarifs « grande consommation » et « tarif voirie publique ». Le premier est un tarif à rebours des préoccupations écologiques et économiques des usagers. Son message c’est de dire : plus vous consommez, moins vous payez. En ces temps de la raréfaction de la ressource naturelle, si précieuse, c’est exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire un tarif qui augmente avec la consommation, pour préserver les ressources et inciter à la responsabilité.

Le tarif « voirie publique » destiné aux collectivités est de 50% moins du tarif général, que payent les particuliers. Est-il nécessaire de rappeler que l’eau potable est une production industrielle qui consomme de l’énergie, des substances chimiques, qui rejette du CO2, et dont l’usage premier est le maintien de la vie : tout cela pour nettoyer la voirie ? Ne peut-on pas développer et promouvoir des solutions alternatives et peu coûteuses, comme à Paris, où la voirie est nettoyée avec un second réseau d’eaux brutes.

Le rapport annuel Sedif Veolia est curieusement muet sur les fuites d’eau dans les villes gérées par Veolia en Ile-de-France. Pourtant, selon une enquête menée par la Fondation France Libertés et 60 Millions de consommateurs en mars dernier, 1 300 milliards de litres d’eau, soit l’équivalent 430 000 piscines olympiques par an, sont perdus dans les fuites, payées par les consommateurs. C’est donc une sorte d’ « open bar » permanent et inutile que l’usager paye à son insu. Lorsque le réseau de l’eau potable est géré par une collectivité, et n’a donc aucun intérêt à laisser ces fuites, leur taux tombe en-dessous des 10%. Mais après tout, pourquoi une multinationale devrait-elle encourager les économies, alors qu’elle vit de nos dépenses ?

Ce que ne dit pas non plus le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré à la solidarité internationale, c’est l’implication de Veolia dans des projets comme le tramway qui devait traverser la zone occupée de Jérusalem au mépris du droit international, les scandales de pollution dans les rivières de Bruxelles ou de Lanzhou en Chine, les hausses de prix en Inde où des salariés sous-payés sont entrés en grève de la faim, ou encore au Maroc où des citoyens désabusés ont manifesté en scandant « Veolia dégage ».

Enfin, ce que ne dit pas le rapport Veolia Sedif, et que notre groupe d’élus écologistes disent ici avec la plus grande assurance c’est qu’il y a des raisons pour espérer. Oui il y a des raisons pour espérer que la gestion de l’eau, ce bien commun de notre humanité, échappe enfin au marché du CAC 40 pour retrouver le giron d’une gestion publique et transparente. En février 2013, un collectif Eau Ivry Choisy Vitry a été créé pour exhorter les maires de nos trois villes pour élaborer un scénario technique permettant le passage vers une gestion publique et directe de l’eau potable. Dans la même veine, le Conseil Régional d’Île de France propose des aides aux collectivités souhaitant étudier la faisabilité technique, juridique et financière pour sortir du Sedif : la ville de Vitry est candidate. Qu’attend Choisy ?!

Des alternatives tarifaires à la pseudo politique sociale du Sedif-Veolia sont également possibles : ainsi, une première tranche gratuite ou à bas prix, suivie d’un tarif progressif, répondrait à la fois à la justice sociale et à l’urgence écologique de préservation de la ressource. La loi Brottes permet ce genre d’expérimentation pour cinq ans, à condition que les collectivités se manifestent avant le 31 décembre 2014. Je saisis cette occasion pour que notre assemblée demande une expérimentation à Choisy-le-Roi, voire à l’échelle de notre communauté d’agglomération.

Enfin, permettez-moi de vous faire observer que tout au long de ces dernières années, il n’existe aucun cas de régie municipale qui soit repassée au privé. En revanche, je me réjouis que le chemin inverse soit souvent emprunté par des collectivités de gauche comme de droite, à l’instar de Grenoble, Annecy, ou même Nice. Avec mes collègues du groupe des élus écologistes et citoyens, je fais le vœu ce soir que notre commune puisse rapidement les rejoindre.

(A noter que l’ensemble du Conseil Municipal s’est déclaré en faveur d’une régie publique de l’eau)

La Saur nie l’illégalité des coupures d’eau !

Communiqué de la Coordination Eau Île-de-France et de la Fondation France Libertés -jeudi 6 novembre

France Libertés, aux côtés d’Arnaud privé d’eau depuis 18 mois, a assigné la Saur devant le Tribunal de Grande Instance d’Amiens pour coupure d’eau illégale. Lors de l’audience du 5 novembre, le numéro 3 français des entreprises privées de l’eau a nié l’illégalité des coupures d’eau.
À en croire la défense de la Saur, le droit à l’eau pour tous n’existe pas et serait même inconstitutionnel, comme en témoigne la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qu’elle a déposé, dont voici un extrait :

« La liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle sont deux libertés que la constitution garantit dès lors qu’elles découlent toutes les deux de l’article 4 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 qui dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »

L’eau est un bien commun et son partage est le signe de notre capacité à vivre au sein d’une société civilisée et non barbare, mais, pour la Saur couper l’eau ne nuirait donc pas à autrui et ne serait pas une pratique indigne (retrouvez la vie quotidienne d’Arnaud en vidéo).
En opposant le droit à l’accès à l’eau à la liberté d’exercice de son contrat, la Saur estime que la  loi Brottes n°2014-274 et son décret d’application sont contraires à la Constitution mais surtout à leurs intérêts économiques.  Alors qu’une première décision de justice a condamné la Lyonnaise des Eaux à verser des dommages et intérêts à une victime de coupure d’eau, et que Veolia a reconnu ses coupures d’eau illégales, la Saur nie toute illégalité et estime être dans son bon droit.

Non contente de déclarer son opposition au droit à l’eau pour tous, ni de bafouer la loi, la Saur démontre ainsi que son approche n’est en aucun cas celle d’un service public mis en œuvre dans l’intérêt général. Elle le rappelle en déclarant :

« La cause de la fourniture d’eau potable par l’exploitant d’un service public d’eau potable, dont il convient de rappeler qu’il est un service public industriel et commercial, est le paiement par l’usager d’une redevance correspondant au service rendu […]. Le droit d’accès à l’eau n’est pas gratuit, le prix doit être payé par les utilisateurs. »

La Saur démontre ainsi qu’elle est à l’image d’une société du tout économique qui oublie l’essentiel que sont les droits fondamentaux à la vie.

Nous attendons impatiemment la décision du Juge du Tribunal de Grande Instance d’Amiens le 28 novembre prochain qui pourrait statuer de la QPC.

 

Collusion gauche-droite pour la privatisation au syndicat de Tremblay / Claye-Souilly

Quelles que soient leurs appartenances politiques, tous les élus du SIAEP de Tremblay / Claye-Souilly sont tombés d’accord pour une gestion privée du service de l’eau !

 
La délégation de service public du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable (SIAEP TC) de Tremblay-en-France / Claye-Souilly (Villepinte, Tremblay-en-France, Mitry-Mory, Claye-Souilly, Compans, Annet-sur-Marne, Fresnes-sur-Marne et Jablines) se termine en 2016. L’actuel affermage de 12 ans faisait suite à une concession de 30 années. Ainsi, depuis 1974, Veolia est l’unique délégataire de ce service !

 
Juste avant les élections municipales, la Coordination Eau Île-de-France s’était adressée à tous les candidats, en attirant leur attention sur le fait que le syndicat (SIAEP TC), s’orientait très certainement « vers la délégation de service public sous la forme juridique d’un affermage », crainte fondée sur un texte technique, qui laissait clairement entendre cette intention. Certes, les choses pouvaient encore changer, les élections n’avaient pas eu lieu et la nouvelle direction politique du syndicat n’était donc pas en place. En tout cas, la Coordination, engagée en faveur de l’eau bien commun et du droit humain à l’eau, rappelait alors qu’elle estimait que la gestion de ce service devait être publique (et non privée) et se faire sous le contrôle citoyen des usagers. Un représentant de notre association avait d’ailleurs interpellé dans leurs meetings respectifs deux candidats de ce territoire (FdG à Tremblay et UMP à Villepinte).

 
Les nouvelles équipes issues des élections ont repris le dossier provisoirement mis de côté et ont avancé dans la procédure à marche forcée et dans la plus grande discrétion. Ainsi le jeudi 25 septembre 2014 la réunion de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) avait à débattre sur le futur mode de gestion du syndicat. Le rapport présenté concluait (comment s’en étonner) à une délégation de service public sous la forme juridique d’un affermage, jugée plus intéressante que la gestion publique. Le seul représentant de la société civile présent non élu s’est bien entendu exprimé contre ce projet et pour la gestion publique. Il était le seul à avoir pu participer à cette parodie de démocratie participative.

 
La dernière phase de la procédure était donc cette réunion du comité syndical qui se tenait le 9 octobre 2014 en vue d’entériner la décision de continuer dans la gestion privée de ce service public. Ayant eu connaissance de cette réunion décisive le lundi (pour le jeudi), un militant a essayé de mobiliser un maximum de personnes pour, peut-être pas infléchir, mais au moins montrer notre désapprobation de cette mascarade de démocratie. Au total, dix personnes, militants associatifs ou élus,étaient présentes et bien déterminées. C’était la première fois dans la vie de ce syndicat qu’il y avait du public dans la salle de réunion d’un comité syndical ! C’est dire qu’il reste des progrès à faire dans la démocratie de l’eau…

 
C’est le président qui présente la question du choix du futur mode de gestion. Dans un discours pour le moins surprenant, où il commence à affirmer que l’eau est un bien commun, qu’il ne peut y avoir marchandisation, qu’il est pour un grand service public de l’eau, etc., il conclut que, pour ce qui est du syndicat qu’il préside, c’est bien plus compliqué et propose à l’assemblée délibérante de retenir la privatisation du service. Si l’ensemble des élus de gauche, comme de droite, va tenir un discours approchant et dire qu’ils sont en parfait accord avec la proposition du président, une note différente sera émise par le maire de Compans, délégué de sa commune. Il est le seul à critiquer franchement cette position et en profite pour contester les conclusions du bureau d’études Merlin retenu par le syndicat pour rédiger le rapport technique et financier préparatoire à la décision. Au final, il marquera sa différence en s’abstenant.

 
La messe était dite : une abstention et tous les autres votes pour, cela s’appelle une unanimité ! Et cela sur la base de propos généreux sur l’eau bien commun avec, au final, une décision en complète contradiction avec ce qu’en disent les organisations qui se battent sur cette question.

 
Ce gâchis n’aurait pas eu lieu si, comme nous l’avions proposé aux maires des communes de ce syndicat, ils avaient fait précéder cette décision d’un vrai débat démocratique largement ouvert aux citoyens et à leurs associations. Comment, quand on est démocrate, ne pas impliquer plus largement les usagers du service (qui eux, paient ce service) et limiter leur participation à cette mascarade de démocratie participative que sont les réunions de la commission consultative des services publics locaux, minimum légal prévu par la loi ?

 
Il faut rapidement, qu’un tel débat vienne remettre dans le bon ordre les arguments des élus et …. leurs décisions ! La Coordination Eau Île-de-France continuera à soutenir tous les efforts militants locaux en ce sens.

 

La réaction des élus EELV de Tremblay-en-France

Votre eau reste une simple marchandise dans les mains de Véolia !

Malgré les demandes pour ouvrir un débat autour de l’intérêt d’avoir une gestion publique ou privée de l’eau,  le comité syndical du SIAEP de Tremblay / Claye-Souilly, a entériné à l’unanimité (gauche et droite confondues) la décision de continuer dans la gestion privée de ce service public en confiant pendant 12 années supplémentaires (jusqu’en 2028) la gestion de l’eau à la multinationale Veolia. Ici, comme naguère dans l’intercommunalité d’Est Ensemble dirigée par la gauche, la notion « d’eau bien commun de l’humanité » a encore du chemin à faire.

Pour autant, l’exploitation du service par Veolia laisse à désirer : fuites importantes sur un réseau vétuste, eau mise en distribution d’une qualité́ laissant à désirer, coupures infligées aux usagers en difficulté́ alors qu’elles sont interdites, pas de tarification sociale, etc. De Paris ou du maire de Nice, des élus de tous bords remettent aujourd’hui en cause la gestion privée au nom d’une saine gestion des finances publiques.

Au même titre que d’autres acteurs associatifs et politiques, nous aurions aimé une implication plus large des usagers du service et ne pas limiter leur participation à cette pseudo démocratie participative que sont les réunions de la commission consultative des services publics locaux, minimum légal prévu par la loi ?

Une bataille est perdue, mais il est encore temps de demander à ce que cette gestion confiée à Véolia soit la plus courte possible et que dès que possible un nouveau débat soit proposé sur cette question !

Oui, une gestion publique de l’eau sobre et efficiente est encore possible !

 

Coupures d’eau illégales : et maintenant la SAUR !

COMMUNIQUE  du mercredi 29 octobre 2014

La Fondation France Libertés a assigné la SAUR en justice au tribunal d’instance d’Amiens.

En France, il est interdit par la loi de couper l’eau pour impayé. Cette interdiction est valable pour tous et toute l’année, comme le stipule la loi Brottes n°2014-274 dont le décret d’application date de février 2014. Cependant les distributeurs de l’eau prétendent ignorer ce changement législatif et continuent cette pratique indigne.

Au regard des témoignages nous faisant cas de situations extrêmes, nous avons décidé sans attendre de porter une nouvelle fois la question des coupures d’eaux illégales devant les tribunaux et avons assigné la SAUR en référé devant le tribunal d’instance d’Amiens. L’audience aura lieu le 5 novembre 2014.

Arnaud C. 26 ans, vit à Saint-Ouen dans la Somme. Il n’a plus d’eau depuis 18 mois. A l’époque, Arnaud doit 278€ au distributeur d’eau. Il propose de payer en plusieurs fois, mais la SAUR refuse et coupe la distribution d’eau. Comble : les factures ont continué à tomber, et la Saur a estimé la consommation d’eau d’Arnaud pour l’année dernière à 169m3 pour une facture totale de 928.25€ ! Pour l’instant, Arnaud se rend plusieurs fois par semaine chez son parrain pour remplir des bouteilles d’eau, un trajet de 50km à chaque fois.

La première décision de justice contre la Lyonnaise des Eaux était une victoire : le tribunal avait interdit au distributeur de couper l’alimentation en eau et condamné à verser plus de 8500 € d’amende ! Cependant, cela n’a pas réussi à faire entendre raison aux distributeurs : les coupures d’eau illégales se poursuivent, comme le prouvent les nombreux témoignages qui continuent d’affluer vers France Libertés et à la Coordination Eau Ile-de-France.

C’est pourquoi nous avons mené une deuxième action contre Veolia. Celle-ci a admis son « erreur » et propose 3.620 euros d’indemnisation pour préjudice matériel et moral. Le jugement est attendu le 12 novembre.

Nous allons nous battre autant qu’il le faudra pour faire en sorte que tous les acteurs politiques, sociaux et économiques entendent ce message : l’eau est un bien commun et son partage est le signe de notre capacité à vivre au sein d’une société civilisée et non barbare. L’accès à l’eau pour tous est mis en œuvre dans le cadre du service public et tout acteur qui procède à des coupures d’eau ne mérite pas d’être responsabilisé pour la mise en œuvre de ce service public.

Nous devons aujourd’hui faire un choix entre une approche économique violente et une approche sociale et humaine. Les distributeurs d’eau publics ou privés se doivent de mettre en œuvre le service dans le respect de chacun en ayant toujours à l’esprit que derrière un numéro de client, il y a des hommes, des femmes et des enfants à qui on coupe l’eau !

 

Des sanctions pour les délits de fuite (d’eau) !

Le temps est venu de sanctionner les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement pour les délits de fuite d’eau dans les réseaux. Mais les usagers ne doivent pas être les payeurs.

L’année 2014 devrait voir la mise en œuvre du doublement de la redevance à payer aux agences de l’eau, en cas de rendement des réseaux de distribution de l’eau potable inférieur à 85%.

Des interventions fermes et multiples des usagers, pour obtenir et contrôler les déclarations des exploitants, et veiller à ce que les pénalités dues ne soient pas répercutées sur les factures seraient bienvenues.

Pour appuyer cette proposition, voici :

* un commentaire de ce qu’apporte la législation à compter de cette année (à la suite)
* les textes réglementaires de références >> ici
* 3 exemples de courriers de  demande de communication de documents : l’un au délégataire >> ici, l’autre à l’autorité territoriale en charge de la compétence eau potable >> ici, le 3ème à l’AESN >> là (garder trace de ces envois pour saisir la CADA en cas de non-réponse ou refus de réponse).

La réglementation invite les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement à une gestion patrimoniale des réseaux, en vue notamment de limiter les pertes d’eau dans les réseaux de distribution et le gaspillage.

À cette fin elle les oblige, dès cette année 2014, d’une part à réaliser et mettre à jour annuellement un descriptif détaillé des réseaux, d’autre part à établir un plan d’actions comprenant, s’il y a lieu – c’est-à-dire, si les pertes d’eau dans les réseaux de distribution dépassent des seuils fixés – un programme pluriannuel de travaux d’amélioration du réseau.

Des pénalités financières sont prévues en cas de non-respect de ces obligations.

Le taux de la redevance pour l’usage d’alimentation en eau potable est ainsi multiplié par deux lorsque le descriptif ou le plan d’actions visé à l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) n’a pas été établi dans les délais prescrits. Cette majoration prend effet à partir de l’année suivant le constat de cette carence.

La loi permet aussi d’exiger des collectivités et agglomérations la copie des déclarations obligatoires qu’elles effectuent  auprès de leur agence de l’eau pour le calcul de leur redevance.  Cette obligation résulte de la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle 2 de l’environnement), complétée d’un décret il y a 20 mois. Les exploitants et collectivités ont largement eu le temps de s’y préparer et ne peuvent pas plaider la surprise. Et pourtant, rares, trop rares sont ceux qui se sont acquittés de cette obligation.

Cette difficulté à obtenir un inventaire  et les résultats du réseau de distribution d’eau potable est la démonstration  de l’opacité et des défaillances de la gestion déléguée, tout simplement incapable de fournir des données fiables sur un réseau qu’elle gère pourtant depuis des décennies.

Une fois de plus, les délégataires pratiquent la guerre d’usure pour s’exonérer de leurs responsabilités : leurs tergiversations, leur retard pour fournir les informations prévues,   découragent les exigences de transparence des usagers. Ils permettent aux multinationales de gagner du temps, de repousser à toujours plus tard l’impératif de réparation coûteuse de leurs tuyaux percés.

Pas question pour autant de les laisser gaspiller tranquille l’eau potable, notre bien commun. Nous devons exiger copie des déclarations des exploitants envoyées à l’agence de l’eau, et communication du montant des majorations de redevance dues au fait de non déclaration ou d’une déclaration d’un taux de rendement inférieur à 85 % (la grande majorité, puisque le taux moyen en France est de 75%). Nous devons aussi refuser que la majoration de la redevance sanctionnant les carences du délégataire soit répercutée sur la facture des usagers. Tout cela est à l’ordre du jour, partout.

Si nos collectivités se font tirer l’oreille pour fournir les documents réclamés, sans les absoudre pour ces manquements, un recours existe : interpeller l’agence de l’eau Seine-Normandie, collectrice des déclarations et redevances de ces mêmes collectivités. Échangeons nos démarches et résultats pour les obtenir !

Résumé des textes désormais applicables :

Une  majoration du taux de la redevance pour l’usage « alimentation en eau potable » est appliquée si le plan d’actions mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales n’est pas établi dans les délais prescrits au V de l’article L. 213-10-9, lorsque le rendement du réseau de distribution d’eau, calculé pour l’année précédente ou, en cas de variations importantes des ventes d’eau, sur les trois dernières années, et exprimé en pour cent, est inférieur à 85 %.

Coupures d’eau : notre réponse au lobby des entreprises de l’eau

Un courrier reçu le 14 octobre 2014 de la part de la Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau (FP2E) nous demande de rejoindre les différents acteurs de l’eau pour une demande de clarification au Parlement sur le statut des coupures d’eau.

Lettre FP2E 141014

Nous ne souhaitons certainement pas rejoindre ce « mouvement » car le statut tel qu’il est défini par la loi Brottes et son décret d’application de février 2014 nous semble à la fois très clair et répondre entièrement à la conception du droit à l’eau que nous défendons en tant qu’association de citoyens, d’élus, d’usagers.

Il est très clair puisqu’il interdit les coupures d’eau pour impayé tout au long de l’année pour toutes les résidences principales, sans condition, c’est-à-dire sans regard de la situation des familles ou personnes concernées.

Cela correspond à notre conception du droit à l’eau, c’est-à-dire un droit fondamental : pour tous, tous les jours et partout ! Nous défendons ardemment cette conception parce que l’eau est un bien commun vital dont la privation dans un logement ou sans logement peut conduire rapidement à de graves problèmes de santé et d’insalubrité. Couper l’eau pour récupérer son dû, c’est porter atteinte à un droit fondamental, c’est mettre en danger des personnes, c’est une pratique de recouvrement terroriste !

De plus, si les entreprises prétendent « leur engagement constant pour que les plus démunis ne soient jamais privés d’accès à l’eau », invoquant les multiples dispositifs existants en ce sens, reste à définir qui sont « les plus démunis » et reste à donner réellement accès à tous ces dispositifs. Avoir accès à un FSL ou un chèque eau relève bien souvent du parcours du combattant administratif et bien des personnes qui y ont droit, ignorent ce droit ou le connaissent et le revendiquent, mais se découragent face à la lourdeur des démarches ou encore se le voient refuser par des administrations incompétentes.

L’Observatoire des Non-Recours aux Droits estime en 2011 à 5,3 milliards d’euros de revenus de solidarité active (RSA) ou encore 4,7 milliards d’euros les prestations familiales et de logement (dont la plupart des aides pour l’eau font partie) qui n’ont pas été versés aux Français. Pour le RSA, c’est 50% des ayants droits qui ignorent ce droit ou y renoncent.

Parmi les témoignages de coupures d’eau que nous avons collecté depuis le mois de juillet de nombreux cas reflétaient les innombrables erreurs de parcours pouvant conduire à une coupure non seulement illégale, mais aussi injuste et injustifiée ! Une femme vivant du RSA avec un enfant s’est vue refusé les aides du Fonds de Solidarité Logement (FSL) pour l’eau parce que ses revenus étaient insuffisants ! Cette personne n’appartient-elle pas « aux plus démunis » ? On lui a refusé les aides du FSL, Véolia lui a refusé un échéancier et cette personne vit sans eau à son domicile depuis le mois de juillet, cela fait donc 4 mois à ce jour ! Celui-ci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Il nous semble donc plus sûr du point de vue de la garantie du droit à l’eau pour tous d’interdire les coupures en toutes circonstances et d’inciter les entreprises et municipalités à mettre en place d’autres pratiques de recouvrement comme il en existe dans d’autres domaines (huissiers, procédures de litiges, etc.) ou d’en inventer de nouvelles. La coupure d’eau est certes la solution facile, elle est utilisée pour des sommes ridicules (16 euros d’impayé), elle est pourtant coûteuse selon les entreprises puisqu’elles facturent lourdement les coupures et les remises en service (de 60 à 200 euros, la logique de facturation de ces pratiques n’étant pas très claire). Ce qui d’ailleurs pourrait laisser penser que c’est là une belle source de revenus supplémentaires…

D’après les témoignages recueillis, nous avons aussi compris que les « coupeurs d’eau » ne sont pas habilités à accepter des paiements. Ainsi alors que la coupure devrait servir au paiement des factures, bien souvent, lorsqu’elle survient, les usagers terrorisés à l’idée de vivre sans eau trouvent des ressources inespérées pour les régler (emprunts personnels auprès de proches par exemple), mais ils se voient refuser le paiement par les agents qui viennent couper l’eau et reçoivent ensuite de nouvelles factures augmentées des frais de coupure et de remise en service, souvent arbitraires et exorbitants. Ce qui nous semble très mal venu dans le cas « des plus démunis » qui avaient déjà du mal à payer l’eau.

Le nouveau statut des coupures d’eau établit donc les conditions d’un retour à la gestion de l’eau réellement comme un service public et non pas comme un service marchand aux pratiques proches du racket tel que c’est le cas aujourd’hui. Si nous lançons un appel, c’est donc à la créativité des entreprises et municipalités pour mettre en place des services de recouvrement dignes d’un bien commun et d’un service public, c’est-à-dire, en lien direct avec les services sociaux, et avec des employés qui ont de réels moyens de négocier et d’accepter des paiements, et d’aider « les plus démunis » à chercher les moyens de payer.