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Malaise chez Veolia après l’interdiction des coupures d’eau pour impayés

Révélations. Le Conseil d’établissement de Veolia Eau Île-de-France a examiné le 25 juillet 2014 la situation créée par l’interdiction des coupures d’eau pour impayés par la loi Brottes. Nous avons pu nous procurer le PV de cette réunion…

Sophie Vidalis-Duvert, DRH de Veolia Eau pour tout le Nord de la France, région parisienne comprise, présente la situation. « La loi Brottes est une nouvelle loi qui porte notamment sur la tarification de l’eau », note-t-elle. « La modification importante concernant les services de l’eau et de l’assainissement est inscrite dans l’article 19. L’article 19 interdit les coupures d’eau dans le cas des résidences principales. » Par rapport à la situation antérieure, « la loi interdit désormais toute coupure d’eau à un logement occupé au titre de résidence principale sans que l’abonné ait à prouver son éligibilité à une aide sociale. »

Elle mentionne cependant une « incertitude juridique » en se référant à un décret d’application antérieur (du 13 août 2008) antérieur à la loi Brottes (du 15 avril 2013) et en ignorant le décret d’application de la loi Brottes, paru le 27 février 2014 (Décret n° 2014-274 du 27 février 2014 modifiant le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau). Moyennant ce gros mensonge par omission, Veolia n’applique donc pas la loi ! «  Dans l’attente de la sortie du décret d’application de la loi, la pratique antérieure se poursuit. Ce décret pourrait être publié à la fin de l’année 2014, et il aura un certain impact sur l’activité puisque les ordres de fermeture seraient interdits. »

Elle indique que  « toutes les sociétés du secteur et les régies » font de même. Les dizaines de cas que nous avons répertorié depuis le début de notre campagne contre les coupures d’eau illégales montrent que ce n’est pas vrai. La grande majorité des coupures vient de Veolia, suivi par la Saur, puis par Suez et de petites entreprises privées. Dans le secteur public, nous avons un cas à la SPL du Ponant (qui comme son nom l’indique n’est pas une régie mais une société à capital public sur le modèle du privé) et deux cas à Noréade, qui est une régie qui couvre des dizaines de communes dans le Nord de la France et qui semble s’être éloignée de ses repères de service public. Pour le moment, nous n’avons aucun cas signalé de coupure d’eau par une régie communale. Les coupures d’eau restent pour l’essentiel une pratique du secteur privé et de Veolia en particulier.

Pascal BAUDAT, secrétaire du Comité d’établissement et élu CFDT, donne une idée de l’ampleur massive de cette pratique chez Veolia : « En 2012, sur les 260 000 abonnés du Grand Lyon, 750 coupures et 2 000 lentillages ont été réalisés. » A l’échelle de notre pays, ce sont donc des milliers de coupures d’eau qui sont réalisées chaque année, et à présent en toute illégalité, par les multinationales. Ce scandale doit cesser !

Mais les coupures d’eau ne font pas l’unanimité chez Veolia, notamment du côté des salariés chargés de les mettre en œuvre. Ainsi Daniel BARBIER, délégué CFDT au CE,  déclare : « je me réjouis de l’interdiction de couper l’eau à l’avenir, même si cette disposition va à l’encontre des intérêts de l’entreprise. Par le passé, je devais réaliser 15 coupures par jour. Lorsque les abonnés sortaient pour demander des explications, je leur laissais la journée pour régulariser leur situation. 90 % de ces abonnés se rendaient en agence pour trouver une solution. Les coupures intempestives ne me semblent pas être une solution souhaitable, et peuvent contribuer au fait de perdre des contrats dans certaines communes. Il convient donc peut-être de revoir les processus dans le cadre des impayés. »

Du côté de la direction, c’est un tout autre discours. Philippe DENIS, directeur adjoint de Veolia Eau IDF, justifie les coupures : «  la coupure est l’unique arme dont nous disposions contre les mauvais payeurs. Si elle est utilisée à mauvais escient, contre des usagers en difficulté sociale, cette arme est mauvaise et se retourne contre l’entreprise. Il convient de distinguer les différentes situations. Nous souhaitons conserver cette arme, qui est la seule efficace contre les mauvais payeurs. Si l’interdiction de coupure se confirme, nous en souffrirons (…) Nous n’abandonnerons pas l’unique arme efficace contre les mauvais payeurs sans nous défendre.»

Tous les cas que nous avons collectés, montrent qu’il ne s’agit pas de « mauvais payeurs » mais de personnes en grande difficulté pour régler leur facture. Nous avons des témoignages de personnes handicapées, de familles monoparentales, de familles nombreuses comprenant des bébés, de personnes âgées isolées, etc. Toutes ont subi des coupures d’eau sans considération pour leur situation et souvent sans avertissement préalable. Nous avons même eu le cas d’une femme qui a retrouvé son domicile sans eau, en revenant chez elle après un accouchement ! Les litiges (causés par une fuite d’eau, un changement de compteur, etc.) sont aussi « résolus » par Veolia au moyen d’une coupure d’eau. L’entreprise utilise cet argument choc pour éviter toute  discussion et toute négociation avec l’usager.

Le « lentillage » qui réduit le débit à un filet d’eau, est une option également discutée au sein de Veolia. Pour Daniel Barbier, délégué CFDT au CE, « pour la réduction du débit, des diaphragmes sont utilisés, mais ils empêchent la production d’eau chaude pour les chauffe-eau à gaz. Cette solution n’est pas optimale ». Ce que reconnaît la direction. Pour Philippe DENIS, « la réduction de débit induit de réels impacts, notamment sur la production d’eau chaude. Ce type d’impact négatif est inévitable lorsqu’il s’agit de réduire le service suite à un impayé. Cette conséquence est donc cohérente avec la démarche de réduction de débit. »

Bref dans la logique de la multinationale, il s’agit de faire mal aux « mauvais payeurs » pour les obliger à payer. Cette démarche relève plus de l’idéologie que de l’intérêt économique bien compris. En effet, le « lentillage » coûte cher, certainement plus cher qu’un arrangement à l’amiable avec l’usager, par un étalement du règlement des impayés.  Ainsi Pascal Baudat indique « du personnel supplémentaire sera nécessaire car le « lentillage » est une opération plus complexe en termes de plomberie. » Quant à la « solution » technique de compteurs permettant directement la réduction du débit, elle ne semble (heureusement) pas encore au point chez Veolia !

Enfin Sophie VIDALIS-DUVERT, reconnaît que le groupe Veolia a monté « une opération de lobbying » pour éviter que la loi Brottes ne soit appliquée. Raison de plus pour que les usagers citoyens se fassent entendre plus fort et exigent l’application de la loi, même par Veolia!

Lire l’extrait du PV du CE de Veolia Eau IDF du 25/07/14

 

 

Les coupures d’eau pour impayés sont illégales et pourtant elles se poursuivent

En France, une loi interdit les coupures d’eau dans les résidences principales. Cette loi est mal connue et pas toujours appliquée. Depuis que le texte de loi est affiché sur le site la Coordination eau Ile-de-France, les gens sont nombreux à se plaindre d’une coupure d’eau, une situation particulièrement difficile à vivre pour les personnes en situation de précarité.

.  © Radio France/Martine Bréson

La loi Brottes du 15 avril 2013, qui interdit formellement les coupures d’eau dans les résidences principales, ne plait pas du tout à ceux qui distribuent et qui gèrent l’eau.

Il y a encore des coupures d’eau en Ile-de-France : le reportage d’Isabelle Piroux  (01’18 »)

https://www.francebleu.fr/player/export-reecouter?content=1692245

Les distributeurs d’eau sont contre cette loi et ses décrets et ils l’ont fait savoir au ministre Ségolène Royal. Ils ont demandé au ministre de l’Ecologie de restreindre la portée de cette loi. Ils souhaiteraient qu’elle ne concerne que les personnes en difficulté qui sont identifiées par les services sociaux. Ils voudraient pouvoir couper l’eau à ceux qui « oublient » de payer leurs factures.

Pour la Coordination Eau Ile-de-France, beaucoup trop de gens sont encore victimes de coupures d’eau parce qu’ils n’ont pas pu payer leur facture ou parce qu’ils contestent la somme exigée. « On a des gens qui sont en litige avec les compagnies d’eau, et donc là, la coupure d’eau est un moyen de pression pour ne pas négocier, pour qu’ils acceptent les conditions que leur imposent les sociétés » explique Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination Eau Ile-de-France.

Il y a encore des coupures d’eau en Ile-de-France : le reportage d’Isabelle Piroux  (01’18 »)
https://www.francebleu.fr/player/export-reecouter?content=1692245

La Coordination Eau Ile-de-France est un réseau qui rassemble des citoyens et des associations qui se battent pour que l’eau soit considérée comme un bien commun.

A l’étranger, certains pays ont déjà tranché sur le sujet.

En Angleterre, en Ecosse, en Suisse et en Russie les coupures d’eau pour impayé sont interdites. En Belgique ou au Pays Bas, il faut une décision du tribunal pour couper l’eau.

Reportage diffusé sur France bleu le Jeudi 07 août

Pour les Nations Unies, couper l’eau en cas d’impayés est une violation des droits de l’homme

En juin 2014, les experts des Nations Unies pour l’eau et l’assainissement, pour le logement et pour la pauvreté extrême ont exprimé leur préoccupation concernant les coupures d’eau pour impayés, pratiquées sur une grande échelle à Détroit aux Etats-Unis dans une ville touchée par le chômage et la pauvreté. Ils ont officiellement déclaré que « les coupures d’eau pour impayés causés par un manque de ressources constituent une violation du droit de l’homme à l’eau et d’autres droits de l’homme ».

Selon Catarina de Albuquerque, l’Experte des Nations Unies pour l’eau et l’assainissement, « de telles coupures ne sont tolérables que si l’usager est en mesure de payer l’eau mais ne la paye pas. Dès lors qu’il a une réelle impossibilité de payer l’eau, les droits de l’homme interdisent toute coupure d’eau ». Selon les experts des Nations Unies, si une coupure injustifiée a eu lieu, l’alimentation en eau doit être rétablie sans délai.

Les coupures d’eau que pratiquent encore certains distributeurs français constituent donc à la fois une violation des engagements internationaux de la France et une violation d’une disposition nouvelle du droit français (CASF L 115-3, loi Brottes). De telles coupures affectant des personnes en situation de précarité apportent la preuve que certains distributeurs français se moquent de la loi qu’ils ont pourtant mission de respecter.

Henri Smets

Membre de l’Académie de l’Eau

Coupures d’eau : les multinationales hors la loi

Couper l’eau pour impayé dans une résidence principale est illégal en France depuis le 16 avril 2013. Cette interdiction est valable pour tous et toute l’année. Les distributeurs d’eau semblent aujourd’hui ignorer ce profond changement législatif et continuent de couper l’eau dans les familles françaises parfois sans préavis, souvent sans même chercher un arrangement. Ils privent arbitrairement des personnes, pour la plupart en situation de grande précarité, d’une vie digne.

Difficile de chiffrer le nombre de coupures d’eau par jour mais elles sont nombreuses, comme en atteste les appels à l’aide que nous avons reçu depuis le publication de l’article écrit par Henri Smets, informant sur l’illégalité des coupures d’eau en France.

Vous êtes victime d’une coupure d’eau? Voici un guide pratique pour agir>>>ici

L’accès à l’eau est un droit fondamental. Les acteurs de l’eau n’ont de cesse de nous rappeler que nous partageons tous cette évidence. Pour autant, l’obsession économique de notre temps les fait devenir sourds à la protection de la dignité humaine quant il s’agit de parler d’argent. Mais couper l’eau pour impayé n’est pas un acte économique, c’est tout simplement une violation des droits humains.

Pour bien comprendre ce que veut dire couper l’eau en France, écoutez ce reportage de France Culture

COUPER L’EAU POUR IMPAYÉ’, C’EST ILLÉGAL ET INHUMAIN
Dans la société occidentale moderne, le poids de la légalité est puissant alors que le poids de la moralité semble parfois avoir simplement disparu. En dénonçant les coupures d’eau en réponse aux impayés, nous mettons en lumière les dérives de notre société économique qui n’hésite pas à se mettre hors la loi tant que personne ne réagit.

Mais nul n’est censé ignorer la loi. Alors au lieu de faire comme si elle n’existait pas, comme s’il s’agissait d’une erreur du législateur, les multinationales de l’eau auraient dû montrer l’exemple, prendre en compte et faire cesser leurs coupures dès la promulgation de la loi. Elles ne l’ont pas fait comme le prouve les demandes qui remontent vers nous depuis maintenant plusieurs semaines.

Rappelons ce que dit la loi « Brottes » n° 2013-312 du 15 avril 2013 : « Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »

Depuis l’adoption de la loi « Brottes » et son application par décret n° 2014-274 du 27 février 2014, la disposition législative est très claire : Les distributeurs d’eau ne peuvent pas couper la fourniture en eau dans une résidence principale pour motif d’impayé.

France Libertés et la Coordination Eau Ile de France demandent à tous les maires de France – qui rappelons-le sont responsables de la gestion de l’eau – de veiller à ce qu’aucune résidence principale de leur territoire ne subisse de coupure d’eau pour non-paiement de factures.

Nous demandons également aux entreprises de l’eau (notamment aux trois grandes multinationales de l’eau que sont VEOLIA, la Lyonnaise des Eaux et la SAUR) de stopper toutes les coupures d’eau pour impayés immédiatement en France.

Enfin, nous demandons au médiateur de l’eau de s’emparer de cette question pour faire appliquer la loi.

Afin que ces demandes ne restent pas sans suite, nous appelons tous les citoyens français qui subissent actuellement une coupure d’eau à agir avec nous. Aidez-nous à faire appliquer la loi !

Vous êtes victime d’une coupure d’eau? Voici un guide pratique pour agir>>>ici

Les coupures d’eau pour impayés sont interdites dans de nombreux pays

Au Royaume-Uni, la loi interdit les coupures d’eau pour impayés depuis 1999. En France, la loi Brottes (avril 2013) a introduit la même interdiction. Il en est de même en Ecosse, Irlande, Russie et Suisse. En France1, en Belgique2 et aux Pays-Bas3, les tribunaux se sont prononcés contre les coupures d’eau. Voici un exemple récent proche de la France.

En Belgique (Région wallonne), la coupure d’eau n’est pas interdite par la loi mais doit impérativement être demandée en justice.En 2013, un tribunal belge a interdit à une société de distribution d’eau de couper la fourniture en eau d’un consommateur en retard de paiement de factures jusqu’à l’apurement intégral des sommes dues. Le raisonnement de la Cour belge est d’autant plus intéressant qu’il se fonde sur le principe général du droit à l’eau.

La 3e Chambre civile de Charleroi, statuant en appel en 2014, se refuse à couper l’eau car l’eau « est une ressource commune et vitale à laquelle tout être humain a droit », même s’il ne paie pas ses factures. “ En l’état actuel de notre société, il n’est pas raisonnable qu’une personne soit privée totalement d’eau. Pour le tribunal, un fournisseur d’eau remplit « une mission de service public qui touche aux droits fondamentaux de tout être humain, mission manifestement incompatible avec la possibilité de priver une personne totalement d’eau ». Il “a une mission de service public qui touche aux droits fondamentaux de tout être humain, mission manifestement incompatible avec la possibilité qui lui sera donnée de procéder à une coupure totale en cas de défaut persistant du paiement des factures”.

Pour le tribunal belge, autoriser un fournisseur à interrompre totalement l’alimentation en eau d’une personne « met en péril la dignité humaine ». Si un arriéré de paiement est constaté, la solution dans l’état actuel de notre société est, selon ce tribunal, « de maintenir un débit minimal afin que le consommateur ne puisse obtenir que l’écoulement d’un filet d’eau ».

Henri Smets, Membre de l’Académie de l’Eau

1 Les tribunaux français ont condamné les coupures avant même qu’elle soient interdites. Voir Henri Smets : La prise en charge des dettes d’eau des usagers démunis en France, Johanet, Paris, 2008, p. 185.

2 En Belgique, avant une coupure, il faut une autorisation préalable d’un Tribunal En 2009, il y a eu 1 712 coupures pour impayés en Belgique, soit moins de 1.5 pour dix mille habitants.

3 Voir « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement en Europe », Johanet, Paris, 2012, étude de JP. Haumont, p. 233 étude de H. Smets, p 383, de M. van Rijswick, p.566.

 

Faut-il rendre le prix de l’eau équitable?

Un point de vue d’Henri Smets, président de l’ADEDE, membre de l’Académie de l’eau.

« Notre société est ainsi faite qu’elle tolère que plus de 20% de l’eau distribuée soit perdue dans les fuites de réseaux de distribution mal entretenus mais n’accepte pas qu’un petit 1% de l’eau soit donnée à des personnes en situation de précarité au lieu d’être vendue. Elle paye l’eau potable pour préserver la santé des plantes dans les jardins publics ou nettoyer les rues mais pas l’eau pour préserver la santé des personnes sans revenus ou pour leur permettre de conserver un peu de dignité.

L’eau potable est trop souvent conçue comme une simple marchandise uniquement destinée à ceux qui peuvent la payer alors qu’elle est le patrimoine de la nation, c’est-à-dire un bien collectif destiné à tous sans exception. Bien sûr que les distributeurs d’eau doivent être rémunérés pour le service qu’ils fournissent mais cette rémunération doit être fixée et répartie par la puissance publique et non par le marché, a fortiori par un marché parfaitement monopolistique où le client ne peut exercer aucun choix.

Les tarifs de l’eau comme ceux des cantines scolaires doivent être suffisants et équitables, ce qui ne signifie pas qu’ils doivent être le même pour tous. D’ailleurs, le fait que les plus gros consommateurs d’eau payent souvent l’eau au tarif le plus faible montre que le principe de l’égalité des prix de l’eau pour tous ne constitue pas une obligation intangible.

Il est temps de concevoir des tarifs de l’eau plus équitables, des tarifs qui privilégient les ménages et non les entreprises, les déshérités et non les nantis. Il est temps de dévoiler que l’eau n’est pas vendue à tous au même prix.

Plusieurs dispositions de la loi peuvent permettre de changer les tarifs.

  • Tout d’abord, la loi admet que le prix à payer est fixé pour chaque catégorie d’usagers et il est aussi admis que les ménages peuvent faire l’objet d’un tarif particulier. Qu’attend on pour mettre en place un tel tarif ? Qu’attend-on pour prévoir, par exemple, une tranche d’eau à bas prix pour les ménages, tranche dont ne bénéficieraient pas les professionnels?
  • La loi permet de limiter cet avantage aux résidences principales. Qu’attend-on pour traiter différemment les résidences principales et les autres locaux (résidences secondaires, locaux professionnels, etc.)?
  • La loi Brottes permet de concevoir des tarifs sociaux, c’est-à-dire des tarifs réduits pour les plus démunis. Cette mesure est en vigueur depuis plusieurs années pour l’électricité et le gaz. Qu’attend on pour en faire de même pour l’eau? Ce n’est pourtant pas si difficile puisque Dunkerque l’a fait.
  • La loi permet d’attribuer des chèques eau aux plus démunis, afin de leur permettre de payer leur eau. Cette solution est également prévue pour l’énergie. Plusieurs délégataires ont déjà mis en place ces chèques eau dans une cinquantaine de municipalités. Qu’attend pour généraliser cette approche à toute la France?

Faut-il que le Parlement légifère pour que les maires prennent enfin conscience que l’unicité des prix de l’eau dans une commune est un mensonge et qu’ils ont d’ores et déjà la possibilité de prendre de nombreuses mesures pour que l’eau soit disponible pour tous les ménages à un prix véritablement équitable. Faut-il une instruction du Gouvernement pour qu’ils fassent preuve de créativité en matière tarifaire ? Pour mettre en place des tarifs adaptés à leur contexte particulier, il leur faudra tout simplement ouvrir le dossier du prix de l’eau , cesser de se complaire dans la tradition et… mettre fin à certains privilèges. Il faudra traiter les usagers en fonction de leurs caractéristiques propres et pas comme de simples numéros. Il leur faudra prendre en compte le nombre de logements derrière chaque compteur, voire le nombre de personnes domiciliées et pas seulement le débit souscrit ou le volume consommé. Ce n’est pas si difficile à faire et cela se fait déjà dans tous les services de l’eau dans de nombreux pays. L’important n’est pas la précision de la démarche mais l’intention de tenir compte des caractéristiques changeantes des ménages.

Sans attendre des changements tarifaires qui prendront du temps, il convient de parer au plus pressé et éviter que certaines personnes, les plus pauvres, ne soient tenues de consacrer à l’eau une part trop importante de leurs revenus. A cette fin, la Proposition de loi « visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement » vise à la mise en place d’une aide préventive pour l’eau qui allègera la facture d’eau des plus démunis, soit plus de 800.000 ménages. Cette PPL N° 1375 présentée par les députés de cinq partis clarifiera la portée de l’article 1 de la loi LEMA de 2006 qui instaure le droit à l’eau à un prix abordable pour tous. Le changement promis ne serait-ce pas qu’un droit affirmé en 2006 soit enfin défini en 2015 dans la perspective de sa mise en œuvre en 2018, voire plus tard? La patrie des droits de l’homme ne pourrait-elle montrer que le droit à l’eau est plus qu’un slogan et qu’il peut même être garanti. »