Leur découverte scientifique remonte à trente ans à peine, les rivières aériennes de vapeur éclairent le rôle clé des forêts pour le climat et le cycle de l’eau. Un documentaire passionnant à voir sur Arte et une exposition en Avignon jusqu’à fin novembre. Par Daniel Hofnung, co-président de la Coordination EAU Île-de-France.
Le concept de « rivières aériennes de vapeur » a été formulé pour la première fois en 1992, par Reginald et Nicolas Newell, qui ont montré qu’elles pouvaient transporter en Amazonie une quantité de vapeur d’eau très proche du débit du fleuve Amazone, soit 165 millions de kilos par seconde.
Plus tard, en 2007, Anastassia Makarieva et Victor Gorshkov de l’université de Saint-Pétersbourg ont montré comment, par l’aspiration de l’air humide de la mer par la colonne de vapeur d’eau qui s’élève au-dessus de la forêt, la rivière aérienne de vapeur s’accroît et atteint un débit supérieur à celui du fleuve Amazone lui-même.
Ces rivières aériennes sont décrites et photographiées dans l’exposition Amazônia, de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado. Pendant 6 ans, ils ont sillonné l’Amazonie brésilienne, rencontré ses peuples et photographié ses nuages de vapeur d’eau et ses pluies diluviennes de fin d’après-midi en saison humide. L’exposition a été présentée d’abord près de la Grande Arche à la Défense, puis à la philharmonie de Paris en octobre 2021, enfin à Avignon, au Palais des Papes du 27 juin au 30 novembre 2022.
Les rivières aériennes de vapeur en Amazonie sont le sujet de l’excellent film de Nicolas Tissot, qui aura une première diffusion sur Arte le samedi 12 novembre à 22 heures. Dans ce film, on voit le travail de l’aviateur-explorateur Gérard Moss, aujourd’hui hélas décédé, qui, en avion ou en ballon a été mesurer et suivre les rivières aériennes au dessus de la forêt, qui expliquent la pluviométrie relativement importante du versant est de l’Amérique du sud (les rivières aériennes sont bloquées par la cordillère des Andes). Antonio Donato Nobre, de l’institut de recherches spatiales brésilien, dont les satellites observent l’Amazonie, qui travaille depuis quarante ans sur le sujet, explique comment le débit des rivières volantes est impacté par la déforestation, et comment cela amène une baisse des précipitations jusqu’au centre de l’Amérique du sud. Et Anastassia Makarieva, qui a travaillé plusieurs années sur les rivières aériennes de vapeur de la forêt sibérienne explique le phénomène de la pompe biotique, qui ajoute l’humidité de la mer à celle de la forêt.
Voir le documentaire sur Arte
Il est essentiel de comprendre comment la forêt est un des moteurs de notre climat, comment elle charge notre air d’humidité, et comment elle génère des pluies. Ce film le montre bien et il est un des meilleurs que j’aie vu sur le sujet.
Considérer que le rôle de la forêt dans le changement climatique est de stocker du carbone est vrai, mais cela oublie l’essentiel : la forêt génère la pluie, elle permet la vie, sans les forêts nous ne serions pas là, et si nous les abattons nous ne serons plus là : ceci n’est pas une affaire de gaz à effet de serre, mais une histoire de cycle de l’eau et de conditions à la vie sur Terre.