Le Monde économie a consacré un dossier aux « associations, nouvelles bêtes noires des entreprises ». Les poursuites de Veolia contre la Coordination Eau Île-de-France et la Fondation France Libertés sont évoquées dans l’extrait ci-dessous.
Pour certaines multinationales, la meilleure défense est l’attaque… juridique. Apple, qui demande au tribunal de grande instance de Paris d’interdire à Attac de pénétrer dans ses magasins sous peine d’une astreinte de 150 000 euros, est l’arbre qui cache la forêt. Enedis attaque ainsi régulièrement les communes qui refusent d’installer son compteur Linky. Veolia poursuit actuellement la fondation France Libertés et la Coordination eau Ile-de-France, qui luttent contre les coupures d’eau illégales. « Nous avons remporté tous les procès où nous défendions les droits des victimes. Comme ils ne peuvent pas gagner sur le fond, ils ont changé leur fusil d’épaule et nous attaquent pour diffamation en s’appuyant sur un de nos communiqués », raconte Jean-Claude Oliva, le directeur de la structure.
Mi-novembre 2017, c’était une filiale de JCDecaux qui mettait en demeure l’association RAP de retirer de son site Internet des informations relatives à son contrat avec la Mairie de Paris invoquant le secret des affaires.
La liste est d’autant plus longue que les groupes répondent du tac au tac. Fin 2016, EDF portait plainte contre X, après que Greenpeace eut attaqué le groupe pour publication de bilan inexact et diffusion d’informations trompeuses. Lorsqu’en mars 2015 Sherpa dépose plainte contre Vinci et sa filiale qatarie pour travail forcé et réduction en servitude, ce dernier réplique un mois plus tard pour diffamation. L’association est d’ailleurs aussi sous le coup d’une autre procédure, cette fois avec Socfin (Bolloré). Autant d’affaires chronophages, au risque économique réel, qui, à l’échelle d’une association, peuvent être fatales.
« L’augmentation du nombre de plaintes d’entreprises contre les ONG participe à ce que j’appelle la contre-révolution associative, déjà à l’œuvre dans de nombreux pays, où les ONG parfois accusées d’être des agents de l’étranger se voient privées de ressources financières, explique M. Ryfman. Les entreprises sont clairement dans une volonté d’intimidation, car les associations n’ont pas les moyens financiers pour faire face à une multiplication des procédures. Pour schématiser, les multinationales veulent faire comprendre aux ONG qu’elles doivent s’occuper de missions caritatives, pas de leur business. »