Dans un rapport que publie la revue professionnelle Contexte, trois corps d’inspection (santé, écologie, agriculture) dressent un constat d’échec de la politique de protection des captages d’eau. Et appellent à prendre rapidement des mesures ambitieuses, et contraignantes – jusqu’à l’interdiction des pesticides dans les zones les plus polluées. Leurs préconisations de financement n’avaient pas trouvé de place dans feu le budget 2025. Extraits de l’article de Florianne Finet et Hugo Thérond dans Contexte et revue de presse.
Trop de phytos dans l’eau. Depuis plusieurs années, les contrôles de l’eau de consommation humaine (EDCH) attestant de concentrations de métabolites de pesticides supérieures à leurs limites réglementaires se multiplient dans de nombreux territoires. Et « le nombre de non-conformités des eaux brutes et des eaux traitées va croître et mettre l’ensemble des acteurs sous tension », prévient le volumineux rapport d’une mission interministérielle, daté de juin et demeuré confidentiel, que Contexte publie.
La préservation de la qualité des ressources en eau est « en échec », y pointent sans ambages les inspections générales des ministères de la Santé (Igas), de l’Agriculture (CGAAER) et de la Transition écologique (IGEDD), missionnées par le gouvernement Borne en novembre 2023, en pleine crise agricole.
Or, le volet du plan eau consacré aux captages d’eau et leurs aires d’alimentation est celui qui a le moins avancé : aucune de la petite dizaine de mesures concernant la protection des captages n’a abouti.
Ce rapport rassemble des propositions qui doivent alimenter la « feuille de route » sur les captages promise par (l’ex-) ministre de l’Écologie, Agnès Pannier-Runacher.
Financement : on oublie l’échéance 2025
Sur la période 1980-2019, « près de 12 500 captages d’eau potable ont été fermés », sur les quelque 33 000 que compte la France. Et les pollutions diffuses, notamment d’origine agricole, constituent désormais la première cause de ces fermetures, d’autant plus que la directive eau potable de 2020 a beaucoup restreint les possibilités de dérogation, souligne la mission d’inspection.
Laquelle juge opportun, en vertu du principe pollueur-payeur, « d’étudier les modalités d’une contribution [du secteur agricole] au financement des investissements curatifs ». Le rapport préconise en premier lieu d’augmenter la redevance pour pollution diffuse (RPD), prélevée sur les ventes de produits phytos au bénéfice des agences de l’eau (voir encadré ci-dessous). Ce que prévoyait le plan eau.
Le renoncement à cette hausse dans le budget 2024, sous la pression des organisations agricoles, « crée de la tension dans les bassins avec les usagers non agricoles », notent les inspecteurs. Qui estiment donc nécessaire de corriger le tir dans le budget 2025.
Or, le gouvernement Barnier, affairé à éponger la dette et particulièrement à l’écoute du monde agricole, y a déjà renoncé. Pis, il a décidé de ponctionner 130 millions d’euros dans la trésorerie des agences de l’eau, ce qui est « plus délicat à mettre en œuvre », a reconnu Agnès Pannier-Runacher au Sénat, le 6 novembre.
Un contexte budgétaire susceptible de mettre en péril les 12e programmes d’intervention pluriannuels (2025-2030) des agences de l’eau, que les bassins ont adopté en octobre (voir ici et là), et qui contiennent des mesures en faveur des captages, alerte le rapport. Qui souligne que l’agriculture est « bénéficiaire net[te] » des aides des agences.
Il propose deux autres façons d’augmenter le rendement de la RPD, « à envisager à court terme » : l’étendre aux produits biocides ou créer une redevance spécifique sur les PFAS. Or, la directive eaux usées (Deru), que vient d’adopter le Conseil de l’UE, prévoit que les États mettent en place d’ici trente mois une contribution, via la responsabilité élargie du producteur (REP), des industries cosmétique et pharmaceutique, et que la Commission évalue l’opportunité d’une REP sur les PFAS et les microplastiques.
Les inspections suggèrent aussi de subventionner à hauteur de « 80 % » les investissements de traitement des eaux polluées, notamment via un renforcement des crédits de l’État aux collectivités (DETR/DSIL et crédits de planification écologique), d’augmenter les moyens humains de l’Anses et de relever la taxe sur les autorisations de mise sur le marché de pesticides qu’elle perçoit. Là encore, dans sa proposition de budget 2025, l’exécutif n’a pas suivi ces préconisations.
Booster les aides à la conversion
Pour améliorer en amont la qualité de l’eau potable, il est indispensable de généraliser les pratiques agricoles à bas niveau d’intrants dans les aires d’alimentation, rappelle le rapport. Concrètement, privilégier la stratégie de la « bonne culture au bon endroit » (luzerne, prairies permanentes, miscanthus…) plutôt que celle de la « bonne dose au bon moment ». Une solution connue de longue date, mais très compliquée à mettre en place sur le terrain.
Pour lever ces obstacles, les auteurs du rapport préconisent de s’appuyer sur les financements de la PAC et des agences de l’eau. Par exemple en développant les paiements pour services environnementaux (PSE) spécifiques en systèmes de grandes cultures, en valorisant l’agriculture biologique dans l’écorégime ou en promouvant un dispositif privé de couverture du risque lié à la transformation agroécologique. Ou encore, en « proportionnant » les niveaux de rémunération des écorégimes, d’une part, et des soutiens au bio, d’autre part, « à leur effet en matière de réduction d’usage » des pesticides. L’écorégime devrait être « revalorisé » pour les exploitations en bio, pour devenir « significativement plus élevé » que celui dont bénéficie le label HVE, tranche aussi le rapport.
Soulignant l’efficacité des obligations réelles environnementales ou des baux environnementaux, comme en Camargue, la mission suggère à l’État d’exonérer d’impôt les propriétaires ruraux. « En raison du montant très modeste de ces revenus, la diminution de recettes fiscales serait très faible », explique-t-elle.
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Pesticides dans l’eau : un rapport confidentiel dénonce « l’échec » du gouvernement
Un rapport interministériel confidentiel, révélé par Contexte, signale que la lutte contre la contamination de l’eau par les pesticides est un échec. Dans de nombreux territoires, les seuils réglementaires de métabolites de pesticides dans l’eau potable sont toujours dépassés, indique ce document de juin 2024 rédigé par les inspections des ministères de la Santé, de la Transition écologique et de l’Agriculture.
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Un rapport d’inspection interministériel pointe « l’échec global » de la préservation de la qualité de l’eau destinée à la consommation en matière de pesticides, et préconise l’interdiction « d’urgence » de leur usage sur les aires de captage d’eaux souterraines les plus polluées.