L’une des dernières portions naturelles de la Seine pourrait être mise à grand gabarit pour le transport de marchandises. Ce projet détruirait l’une des plus importantes zones humides du pays. Enquête de Hortense Chauvin. Un arpentage militant et festif est organisé le dimanche 29 septembre par le collectif La Bassée vivante: venez nombreux.ses! Voir ci-dessous.
La pluie s’abat en grosses gouttes tièdes sur la cime des arbres. Au tambourinement de l’eau contre les feuilles s’entremêle le joyeux babil d’une fauvette grisette, vite couvert par les trilles impétueux d’un hypolaïs polyglotte. Partout où se pose le regard, dans cette prairie humide de Seine-et-Marne, le vivant jaillit. Ici, les fleurs rose pâle d’un églantier ; là, plantées dans une épaisse touffe de laîche, les gambettes d’un héron cendré ; un peu plus loin, un cortège d’escargots paillette la terre d’écume. Droit dans ses bottes de caoutchouc, le président de l’Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau (ANVL), Jean-Philippe Siblet, s’émerveille : « On pourrait tout à fait prendre une photo ici, et dire qu’on est au Costa Rica ! »
On peine de fait à croire, en arpentant à la belle saison ce coin marécageux de la Seine, aux abords de la commune de Jaulnes, que l’on se trouve à une centaine de kilomètres seulement de la capitale. Ce paradis vert, c’est la Bassée : une plaine alluviale de près de 30 000 hectares, en bordure de fleuve, comptant parmi les 50 zones humides les plus importantes du pays et les plus riches en espèces végétales rares et menacées, selon le Conservatoire botanique national du bassin parisien. Un havre où fourmillent plus de 400 espèces de papillons, près de 300 espèces d’oiseaux, 43 de libellules, 20 de mollusques, 12 d’amphibiens, presque autant de reptiles… Plus pour longtemps, craint Jean-Philippe Siblet.
Voies navigables de France (VNF), organisme chargé de la gestion du réseau fluvial, compte en effet prochainement mettre « à grand gabarit » la Seine, colonne vertébrale de cet écosystème unique. Comprendre : surcreuser et élargir le lit du fleuve, stabiliser ses berges et rogner ses courbes sur un tronçon de près de 30 kilomètres, afin de faciliter le passage de péniches de 2 500 tonnes (contre 650 tonnes aujourd’hui). Ce chantier titanesque risque de détruire la cathédrale du vivant qu’est la Bassée, alerte Jean-Philippe Siblet. « C’est la pierre philosophale inversée, peste l’ornithologue. On a de l’or, et on veut le transformer en plomb. »
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