En échange de l’eau, Paris soutient des projets en Seine et Marne

Le saviez-vous? La moitié de l’eau consommée par les Parisiens arrive de Seine-et-Marne. De quoi donner des idées au maire de Moret-Loing-et-Orvanne, Dikran Zakeossian, qui souhaite développer des projets avec la capitale reconnaissante. Par Faustine Léo, le 2 mai 2021.

La dépendance n’empêche pas la coopération. Depuis 150 ans, l’eau qui arrive aux robinets de la moitié des Parisiens parcourt entre 100 et 150 kilomètres depuis des sources essentiellement situées en Seine-et-Marne. Via une pente de 13 cm par kilomètre, ces dizaines de milliers de m3 font un voyage de deux à trois jours à travers des aqueducs nés de l’imagination d’Haussmann.

Une captation parfois mal vécue par les locaux qui se sentent dépossédés de leur ressource. Surtout quand les sources voisines qui les approvisionnent eux sont inondées les obligeant à recourir à des bouteilles d’eau.

Des légumes seine-et-marnais dans les cantines de Paris

Dans l’idée de se raccorder au réseau parisien en cas de problème, le maire de Moret-Loing-et-Orvanne, Dikran Zakeossian (DVG), élu en juin dernier en détrônant le président du département Patrick Septiers (UDI), a contacté la mairie de Paris. En est né un projet plus global, plus complet dans lequel Moret et la capitale se rendraient des services mutuels.

En échange de son eau potable, Paris promet de soutenir des projets en Seine-et-Marne

« Paris ne peut être autosuffisante en eau. Mais on peut aider les agriculteurs à se convertir à des pratiques raisonnées, se fournir en légumes chez eux pour nos cantines et participer au développement du tourisme », assure Anne Hidalgo, en visite cette semaine autour de Moret et dont le tour de France en vue de la présidentielle a été mis entre parenthèses à cause de la pandémie de Covid-19.

« Nous sommes tous dépendants les uns des autres. Nos habitants vont travailler à Paris, les Parisiens viennent en week-end ici. On ne peut pas se regarder de loin. Au lieu d’être dans une image clivante, construisons du gagnant-gagnant », insiste Dikran Zakeossian. En profitant par exemple des nouvelles aides mises en place par Eau de Paris pour aider les agriculteurs à travailler avec des pratiques encore plus respectueuses de l’environnement. « Si l’on peut entourer les communes de Moret-Loing-et-Orvanne (Moret, Ecuelles, Veneux-les-Sablons, Montarlot et Episy) de cultivateurs bio et ne pas avoir à subir d’épandages, c’est bénéfique pour tout le monde », se réjouit-il.

Une visite à des agriculteurs dont les champs sont situés au-dessus de la source de Villeron a montré que c’est possible. « Les enfants de cette grande exploitation ont décidé de poursuivre l’activité de leurs parents mais en changeant tout. Ils sont passés de 4 à 14 variétés cultivées, ils ont réintroduit de l’élevage. Et d’autres fermes voisines sont intéressées », assure Dikran Zakeossian. Le plus serait que ces productions locales puissent alimenter la restauration collective de la capitale. « Nous le faisons déjà avec l’Yonne donc oui, nous sommes preneurs d’offrir des produits de qualité aux petits parisiens, approuve Anne Hidalgo. Il y a une réelle interdépendance entre tous les départements franciliens. »

La visite de la maire de Paris dans les rues de Moret a aussi l’occasion d’évoquer des relations culturelles en transposant une partie de l’expérience de Paris-Plage le long du Loing. Ou en organisant une Nuit Blanche en octobre prochain si les conditions sanitaires le permettent. « Les musées parisiens pourront aussi nous aider à faire naître notre musée qui exposera les tableaux retrouvés dans les caves et les combles de la mairie, s’enthousiasme Dikran Zakeossian. Nous souhaitons aussi organiser des expositions hors les murs, dans la forêt ou le long des rivières. »

Une aide au développement touristique

Le tout dans une perspective d’accueillir plus de touristes. Là encore la capitale pourrait jouer un rôle en présentant, via son office de tourisme, la région de Moret comme une destination verte à 45 minutes de train. « Nous voulons offrir des destinations à ceux qui viendront aux Jeux olympiques de 2024, donc cette partie de notre projet va aller assez vite », assure Anne Hidalgo.

Passerelle de l'aqueduc de la Voulzie, qui pourrait être remise en service grâce au financement partiel d'Eau de Paris.
Passerelle de l’aqueduc de la Voulzie, qui pourrait être remise en service grâce au financement partiel d’Eau de Paris. DR

Dans ce cadre, la participation financière d’Eau de Paris est vivement attendue pour rouvrir la passerelle de l’aqueduc de la Voulzie dont elle est propriétaire entre Champagne-sur-Seine et Veneux-les-Sablons. Cela permettrait une nouvelle connexion avec la Scandibérique, qui relie la Norvège à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, en traversant la France sur 1 700 km. « Mon prédécesseur a condamné l’accès pour que les jeunes arrêtent de sauter dans la Seine. Cela fait six ans que je me bats pour la rouvrir avec des associations. Tous les maires du secteur y sont favorables », appuie le maire (SE) de Champagne-sur-Seine, Michel Gonord.

L’ambition de Dikran Zakeossian est donc de « transformer un territoire et toute l’économie qui va avec ». « On développe un tourisme vert. On permet à des agriculteurs de faire de beaux produits pour bien nourrir les locaux et non plus de produire beaucoup et pas cher pour nourrir le monde, se projette-t-il. À nous d’être derrière eux et de les accompagner ».


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