Voici un livre essentiel pour comprendre, facilement, le rôle du cycle de l’eau dans le climat. Quel est le rôle de l’eau dans le changement climatique ? Cette question est en général oubliée, et pour la plupart, seule l’augmentation des gaz à effet de serre est en cause dans la crise climatique actuelle. Outre la compréhension des mécanismes du changement climatique liés à l’eau, des solutions sont présentées : souvent locales, simples à mettre en œuvre, elles donnent des résultats tangibles, de vraies transformations, en quelques années. Par Daniel Hofnung co-président de la Coordination EAU Île-de-France.
Ananda Fitzsimmons qui est présidente de Régénération Canada, développe des pratiques régénératrices de gestion des sols, en particulier des techniques microbiennes de restauration des terres.
Son livre « Hydrater la Terre, le rôle oublié de l’eau dans la crise climatique » débute en montrant comment peu à peu, depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs, l’humanité a fait disparaître presque tous les écosystèmes naturels, au profit des grandes cultures industrielles et des espaces artificialisés.
Le grand cycle de l’eau, que l’on étudie à l’école, est le cycle du mouvement de l’eau à partir de l’évaporation sur la mer, des pluies sur les terres, des cours d’eau et des fleuves qui retournent à la mer. Mais l’auteure met en avant un autre cycle, le petit cycle de l’eau, qui à travers l’évaporation sur les feuilles des végétaux, la pluie, l’infiltration dans les nappes, les rivières et les fleuves, voit l’eau circuler et alimenter un cycle de l’eau plus local. Dans la mesure où, en France, « petit cycle de l’eau » désigne l’eau captée, purifiée, distribuée et ensuite l’assainissement des eaux usées, nous préférons dire « cycle local de l’eau ».
L’auteure s’inspire des travaux de Walter Jehenne, microbiologiste et climatologue australien qui affirme que la restauration des cycles de l’eau est le moyen essentiel pour éviter un changement climatique catastrophique. Il rappelle que la vapeur d’eau est un puissant gaz à effet de serre, jouant un rôle encore plus important que le CO2. C’est d’ailleurs ses travaux qui ont inspiré le document du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, « Travailler avec les plantes, les sols et l’eau pour refroidir le climat et réhydrater les paysages de la Terre » que nous avons relayé sur notre site.1
Comment la chaleur est-elle absorbée ou réfléchie quand les rayons du soleil frappent la surface de la terre ? Comment les plantes transpirent-elles et comment refroidissent-elles la planète ? Pourquoi pleut-il et comment se forme la pluie ? Quels sont les grands courants aériens d’air humide générés par les forêts ?
Les réponses à ces quelques questions amènent à poser le problème essentiel, celui des sols, car la modification de la couverture des sols, à travers la déforestation ou l’agriculture industrielle, est une cause essentielle des modifications du climat auxquelles nous assistons. L’auteure, engagée à travers son activité dans la restauration des sols, explique comment une bonne couverture des sols, le cycle de décomposition des plantes mortes pour nourrir les plantes vivantes peuvent permettre de restaurer « l’éponge à carbone du sol », le taux de matière organique contenu dans celui-ci, qui garanti sa fertilité et sa capacité à absorber et stocker l’eau de pluie, essentiels dans les changements climatiques actuels. Elle donne ici des exemples de lutte contre la désertification avec le rôle des animaux.
Quels aménagements réaliser pour aider à restaurer le petit cycle de l’eau ? Pourquoi les rivières serpentent-elles et comment les y aider ? Comment contribuer à ce que l’eau de pluie s’enfonce dans le sol au lieu de s’écouler ? Pour l’auteure, le principe au cœur de la restauration du petit cycle de l’eau est « ralentissez-la, étaler-la, infiltrez-la ». C’est ainsi que nous pourrons remplir les aquifères et stocker l’eau dans la terre, et lutter contre l’assèchement des sols.
Rien ne vaut les exemples concrets, quelques-uns sont donnés, au Canada et en Arabie Saoudite, montrant que dans des contextes très différents, rendre l’eau à la terre peut changer radicalement des environnements. Quelques autres exemples sont donnés (Égypte, Chine…) sans oublier les villes, où aussi, on peut lutter contre l’artificialisation des sols et faire vivre le cycle de l’eau en permettant à celle-ci de s’infiltrer ou de permettre la croissance des végétaux, à travers les « jardins et rigoles de bio-rétention » (nous dirions jardins de pluie).
Une seule réserve sur ce livre : le passage sur la comptabilisation du Capital Naturel : doit-on en effet comptabiliser la Nature? Cela paraît une voie dangereuse, menant à la considérer comme une marchandise.
L’essentiel n’est pas là : en termes simples, compréhensibles par celles et ceux qui ne connaissent pas le sujet, ce livre donne, avec des exemples parlants, les bases de l’analyse qui est aussi la nôtre, sur Eau et Climat, sur le rapport entre cycle de l’eau et le climat et le rôle hélas négligé de l’eau dans l’évolution du climat.
Le principal intérêt ici est dans les solutions qui sont présentées : souvent locales, simples à mettre en œuvre, elles donnent des résultats tangibles, de vraies transformations, en quelques années. On est bien loin des solutions globales, déclinées de COP en COP, et si difficiles à réaliser.
L’éditeur est une petite maison d’édition, située en Bretagne, La Butineuse. La distribution étant encore limitée, vous pouvez le commander à la Boutique de la Coordination EAU Île de France.
1https://eau-iledefrance.fr/une-autre-vision-du-changement-climatique/ et le document en français sur le site du PNUE https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/36619/FB025_FR.pdf