Il faut sauver le Président Bisson!

A quelques jours d’échéances décisives pour la maîtrise publique de l’eau potable dans le Sud francilien, voici une discussion franche avec Jacky Bortoli, conseiller délégué au Cycle de l’eau de Grand Paris Sud et membre du conseil de surveillance de la régie de l’eau.
Photo Journal du Grand Paris

 
Un élu, un Maire d’une ville en Île-de-France, communiste qui plus est, a eu le courage de saisir l’Autorité de la Concurrence sur l’eau. Vous êtes pour la concurrence M. Bortoli ? Pourtant la concurrence, c’est très libéral.
A 82 ans et grâce à mon expérience grignoise j’ai appris l’utopie et le réalisme. Regardez Coca-Cola, eux vivent avec leur temps !
 
Pas Suez ?
Ils ont du mal. La saisine va les aider. Restons sur Coca-Cola, eux ils ont compris que Philippe Rio, le maire de Grigny, serait inflexible et ils ont lâché prise. Ils savent que sur Grigny, avec Rio, il n’y a pas de deal possible s’il ne relève pas de l’intérêt commun.
 
Avec Suez, ce n’est pas l’intérêt commun ?
L’Autorité de la Concurrence, c’est le gendarme. Certains élus ont cru pouvoir continuer à dealer avec le « diable ». Habitué au deal, le diable peut y prendre goût, surtout quand ça rapporte 30 millions par an et qu’il y a la possibilité de sceller l’accord des consentants. Cela, pour les « gendarmes » pourrait être qualifié de flagrant délit. Avec le syndicat mixte Eau du Sud Francilien (SMESF) et Grand Paris Sud (GPS), le délit est constitué avec la double convention proposée pour conserver le monopole encore 20 ans, « je les plume mais ils sont consentants ».  
 
C’est diabolique ?
Non, c’est classique avec ce libéralisme : jamais rassasié surtout quand ça rapporte très gros. Alors une fois, deux fois, trois fois, vous menacez d’appeler les gendarmes et la quatrième fois, vous le décidez et … vous ne le faites pas! Ce libéralisme a compris que certains élus préfèrent qu’il reste et que d’autres élus hésitent. Ce libéralisme a compris que, si les élus se divisent, il pourrait gagner. C’est alors qu’il diminue ses exigences de quelques centimes et récupère le double, voire le triple en leur accordant un crédit et son allongement du remboursement des annuités au-delà des 20 ans.
 
C’est diabolique ?
Ce qui est diabolique c’est l’Etat qui est silencieux.
 
L’Autorité de la Concurrence c’est l’Etat. La République maintenant elle est saisie par Philippe Rio, Maire de Grigny, sur les agissements de Suez dans le Sud Francilien. Le dossier est lourd. Il s’agit tout de même selon Philippe Rio de plusieurs dizaines de millions d’argent public.
Oui, et hors du respect du code des marchés public. Philippe Rio fait confiance à l’Autorité de la Concurrence, à ses fonctionnaires, à ses agents. C’est ce que j’appelle le réalisme grignois qui est reconnu au plus haut niveau de l’Etat quel que soit le gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite.
 
Qu’attendez-vous de l’Autorité de la Concurrence ?
Ses missions sont connues. Le dossier de l’aveu même de Suez est inédit. A dossier inédit, traitement et réponses inédites. Par exemple, que Suez soit reconnu comme étant un monopole sur le périmètre du Réseau intégré du Sud Francilien (RISF), que la vente se fasse à la valeur vénale du RISF, que la puissance publique soumette le périmètre du RISF au code des marché publics, que dans l’attente d’un tarif à 0,50€/m3, soit imposé l’inventaire et l’expertise de la situation.
 
Entre vous, vous n’êtes pas d’accord. Certains élus voudraient signer, d’autres élus sont contre la proposition de Suez.
Les désaccords ne sont pas un problème, ils nous obligent au débat. Mais là, quatre personnes décideraient de reconduire Suez pour 20 ans à un coût de 400 millions sous le prétexte que Suez aurait baissé ses prétentions et de ne pas saisir l‘Autorité de la Concurrence sans donner la parole aux opposants, même s’ils sont minoritaires. Bien sûr que les usagers attendent la baisse du prix, bien sûr que l’argent bloqué serait mieux dans les porte-monnaies. En février 2024, Maître Bejot, avocat de Suez, dans sa requête contre le tarif à 0,50€ voté à l’unanimité par les quatre présidents, écrivait :
Eh bien, c’est ce qu’a fait Philippe Rio au nom de la Ville de Grigny le 18 novembre 2024. Il aurait préféré le faire au nom de la régie de GPS mais Michel Bisson, Président de GPS, le lui a interdit. Le 18 et le 21 novembre, devant la régie de GPS, il a trouvé cette saisine utile (Lire ici la déclaration de Michel Bisson).
 
Michel Bisson a écrit le 21 novembre qu’il s’agissait « seulement » le 9 décembre en cession non délibérative d’examiner et de poursuivre les discussions qu’il a avec Suez.
Oui, mais il convoque le 13 décembre un conseil délibératif avec pour objet, je cite, « Accord Suez /SMESF ».
 
Philippe Rio craint-il que les autres présidents, malgré les engagements de Michel Bisson, votent leur accord à Suez puisque c’est l’objet de la convocation?
Oui, d’ailleurs il n’est pas le seul. Les associations de défense des usagers le craignent aussi. C’est la raison pour laquelle elles appellent à manifester devant le siège du SMESF à Evry, le lundi 9 décembre à 8h du matin.
 
S’agit-il d’un désaccord Rio-Bisson ?
Pas du tout. Vous leur demanderez. Philippe Rio a donné ses raisons dans une lettre et un Communiqué de Presse (Lire ici son interview dans le Journal du Grand Paris). Un désaccord avec Suez oui et ce n’est pas idéologique, ce n’est pas une question de doctrine. Philippe Rio est bien arrivé à s’entendre avec Coca-Cola.
 
Comment ça va se passer avec l’Autorité de la Concurrence et Philippe Rio ?
La saisine est faite. Il n’aurait pas été à l’aise si l’Autorité de la Concurrence ne n’avait pas été saisie. Déjà en février 2020, il l’avait proposé à Michel Bisson mais, sur la base d’une note faite par les services de GPS, celui-ci a souhaité attendre que le syndicat soit constitué. Philippe Rio a accepté, peut-être à tort à l’époque. Il a fait confiance. Aujourd’hui, il le regrette. Je peux vous dire que trois ans ont été perdus. Vous me demandez comment ça va se passer. L’Autorité de la Concurrence a ses règles. La saisine de Philippe Rio est conforme à ces règles et je peux vous dire que les dernières propositions de mai et novembre contiennent des éléments qui viendront renforcer les motifs de cette saisine. L’Autorité de la Concurrence ne s’embarrasse pas de la confidentialité…elle.
 
Donc, en quelques sorte, il rend service à Michel Bisson, à GPS…
Pas seulement. Pierre Prot, adjoint au maire d’Evry, élu du Modem 91 dans la majorité de Stéphane Beaudet et Jean-Pierre Gaillet, responsable Attac de l’Essonne, aussi rendent service à tous les maires du SMESF.

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