La financiarisation de l’eau: mythes et réalités

Le 7 décembre 2020, l’eau entrait à la Bourse de Chicago, marquant la voie d’une financiarisation de cette ressource vitale. Un an après, jour pour jour, un rassemblement s’est tenu place de la Bourse, à Paris (voir ici). Au-delà du symbole,  vingt mois plus tard, il semble que ce marché à terme soit un échec, Pour autant, cet échec ne doit pas éclipser la progression de la financiarisation de l’eau sous différentes formes. Un article de Bernard Mounier et de Thierry Uso, publié sur le site web d’Attac.

Le 7 décembre 2020, le NASDAQ (Wall Street) et le CME (Bourse de Chicago) annonçaient l’ouverture d’un marché à terme de l’eau en Californie. L’ensemble des militants, qui se battent pour que l’eau soit instituée en tant que commun et pour une mise en œuvre effective des droits universels d’accès à l’eau et à l’assainissement (Food & Water Watch, 2021 ; Pedro Arrojo, 2021), se sont immédiatement dressés partout dans le monde contre cette prétention de la finance à parier sur un prix de l’eau dans le futur en se servant d’un instrument qui attribue un rôle essentiel aux spéculateurs. On pouvait craindre, à l’instar des marchés des matières premières, un renchérissement des prix pour les usagers domestiques et un effet d’éviction pour les agriculteurs les moins « efficients » mais les plus utiles à la souveraineté alimentaire. Au-delà du symbole, cependant, vingt mois plus tard, il semble que ce marché à terme soit un échec. Le volume des transactions apparaît faible et atone. Et plus important encore, aucun autre marché à terme de l’eau n’est apparu depuis, alors que la plupart des opposants à la financiarisation de l’eau craignaient la multiplication de ces marchés sur l’ensemble des places financières. Pour autant, cet échec ne doit pas éclipser la progression de la financiarisation de l’eau. Cette financiarisation de l’eau n’a été rendue possible qu’après des dizaines d’années, voire des siècles, de marchandisation de l’eau.

Nous pensons que la financiarisation de l’eau est le stade ultime de sa marchandisation. Par conséquent, nous ferons un rappel historique de la marchandisation de l’eau avant de décrire les différents mécanismes de financiarisation. Puis nous illustrerons ces mécanismes par des exemples concrets pris dans différentes régions du globe, comme les marchés cap and trade du bassin Murray-Darling en Australie et le marché à terme de l’eau en Californie. Nous présenterons leur fonctionnement et proposerons plusieurs explications au relatif échec du marché à terme californien. Enfin, nous terminerons par un appel à lutter contre la financiarisation de l’eau en tirant les leçons des luttes antérieures contre la marchandisation de l’eau et pour le droit à l’eau.

Sommaire et liens vers l’article

Bernard Mounier est membre d’Attac et président de la Coordination Eau Bien Commun PACA

Thierry Uso est membre d’Attac, représentant des usagers dans le conseil d’administration de la régie des eaux de la métropole de Montpellier, animateur du groupe de travail sur la politique européenne de l’eau au sein de l’European Water movement. Il remercie Duane Norris de l’Independent Council for Ecosystem Restoration et Nuria Hernández-Mora de la Fundacion Nueva Cultura del Agua pour l’avoir guidé dans la jungle des marchés de l’eau australiens et espagnols.

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