Grand Paris Sud, agglomération de 350 000 habitant.e.s et de 23 communes est l’héritière pour l’eau de la création de deux villes nouvelles que se partageaient la Lyonnaise des Eaux, devenue Suez, et Veolia, avec un avantage à Suez. En 2005, la Haute Autorité de la Concurrence, saisie entre autres par Grigny et St Michel-sur-Orge, a condamné Suez pour abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles. Plus récemment, la loi Notre avec le regroupement des communes, a permis l’émancipation des élu.e.s et des services. Le système Suez s’érigeant en obstacle politique, financier et juridique, au droit commun sur cette partie de l’Île-de-France et à l’organisation de la concurrence pour la fourniture de l’eau potable, est un cas quasi unique en France. Entretien avec Jacky Bortoli, conseiller délégué au Cycle de l’eau de GPS et membre du conseil de surveillance de la régie de l’eau.
Suez persiste dans ses impasses, Philippe Rio maintient sa position : « Suez Meridiam BlackRock doivent respecter le droit commun, la concurrence, la transparence sur le Sud Francilien. Après 50 ans de monopole je demande le respect du code des marchés publics et la saisine de la Haute Autorité »
Vous faites du désaccord entre Suez Meridiam BlakRock et le syndicat Eau du Sud Francilien une affaire d’Etat ?
Jacky Bortoli: C’est une affaire d’Etat : Suez cherche une énième fois à obtenir des élu.e.s un petit arrangement pour échapper a la concurrence! L’offre de Suez du 29 mai proposée à Michel Bisson, président de Grand Paris Sud (GPS), est délirante a cet égard . Depuis 1970 durant 50 ans voici une société qui a réussi a s’assurer un monopole, une domination sans partage, sur le sud francilien. A présent, Suez use de tous les artifices juridiques et techniques pour d’obtenir la prolongation de cet avantage pendant encore 20 ans. Cette offre de Suez a reçu une nouvelle fois un accueil hostile des élu.e.s et des services.
C’est en avril 2018 que Philippe Rio, fraichement élu Vice-Président de GPS, a proposé de mettre fin à cette situation anormale. Avec Michel Bisson, il s’est adressé à Francis Chouat, Eric Braive, François Durovray ; les trois collectivités ont soutenu la création du Syndicat Mixte du Sud Francilien et des arrêtés des Préfets de l’Essonne, de Seine et Marne, du Val de Marne ont suivi.
Ainsi c’est plusieurs dizaines de millions d’argent public, indument détournés chaque année du service public de l’eau et de la préservation de la ressource, issus du porte-monnaie des usager.e.s, qui doivent retrouver leur destination initiale. C’est une affaire d’Etat quand Suez Meridiam BlackRock, nous privent de faire jouer la concurrence pour les 1,4 millions d’habitant.e.s du sud Francilien et des centaines d’entreprises.
Oui mais ils ont des contrats, des marché signés, ils considèrent qu’ils ont des droits.
JB: Certes, Suez Meridiam BlackRock ont des contrats, des marché signés, ils considèrent qu’ils ont des droits. Mais bien mal acquis ne profite jamais. Or non seulement, c’est un fait qu’il s’agit de biens mal acquis mais de plus, ils en profitent exagérément, sans retenue, et ils en redemandent. C’est un second fait.
Donc s’ils acceptent votre tarif, le problème est réglé ?
JB: Pas du tout, ça c’était avant que Suez change d’actionnaires. Maintenant pour nous cela doit devenir la propriété du syndicat Eau du Sud Francilien au paiement de la valeur nette comptable (VNC) , un tarif au juste prix pour l’achat d’eau en gros. La légalité. Si Suez est le mieux disant, on le retiendra. I ne peut plus y avoir d’autre chemin que la mise en concurrence et le code des marchés publics.
Suez n’acceptera jamais de tout perdre
JB: Ce n’est pas ce que nous proposons. Nous nous proposons d’être propriétaire du RISF avec paiement de la VNC; le juste prix 0,50€/m3 pour l’achat d’eau en gros, qui comprend une marge de 4%. Et j’ajoute, mais cela n’engage que moi et je ne me prononce pas pour Philippe Rio, Michel Bisson et les autres Présidents, je pense que nous sommes tout à fait capables de rejeter une offre pour dumping si un prix est excessivement bas. Après 50 ans d’errance, nos élus, les usagers attendent de nous et de Suez l’exemplarité. D’ailleurs Mme Soussan, directrice générale de Suez, a déclaré récemment sur France Info : « ce sont les communes qui fixent les tarifs », (écouter ici). C’est bien la preuve que nous pouvons aboutir.
Ce n’est pas l’impression qui ressort de vos échanges et positions.
JB: Nous sommes l’autorité concédante de l’eau que nous délivrons et facturons aux usagers. La ressource ne peut pas être la propriété de Suez. Les collectivités ont fait le constat de marges abusives. Suez est en position de monopole et n’est pas encadré juridiquement et financièrement par une délégation de service public ou un marché public de prestations. Suez prétend être propriétaire sans le prouver et nous demande que cela dure encore vingt ans et le plus grave, avec notre consentement: c’est d’une certaine façon tenter nous compromettre.
Oui mais dans vingt ans, vous serez propriétaire, alors que Mme Soussan vous avait écrit « pas de réappropriation, pas de retour au service public ».
JB: Vous avez raison, ça bouge. Sauf que des membres du conseil de la régie de Grand Paris Sud ont fait les comptes, si nous acceptions l’offre de Suez, ils écrivent « L’offre actuelle de Suez aboutit à un tarif de l’eau autour de 0.91€/m3, et une valeur équivalente à faire débourser aux usagers environ 571M€. Ils ont calculé « que cela fait plus de 407€ par habitant, enfants compris. 1000 € par foyer en moyenne. Quinze journées de travail payées au smic… » Donc c’est comme si Suez exigeait de nous, de chaque foyer, chaque année, que l’un de ses membres travaille presque une journée pour lui ! Ils ajoutent « Cette proposition contient donc encore des bénéfices monopolistiques abusifs très élevés ».
Pour vous et Philipe Rio avec Michel Bisson, François Durovray, Michel Leprêtre, Grégoire de Lasteyrie, Eric Braive qui eux aussi ne faiblissent pas, que reste-t-il comme moyens d’actions si Suez persiste?
JB: Notre Syndicat a été légitimé par l’autorité de tutelle, nos régies tout autant. Suez a multiplié les initiatives pour l’empêcher. Cette fois, il n’y est pas parvenu, Suez ne gagne plus autant d’argent. La poule aux œufs d’or s’amenuise au fur et a mesure que les contrats de vente d’eau arrivent à leur terme. C’est le cas pour GPS qui refuse son renouvellement. Certains peuvent être rompu unilatéralement avant terme et l’argent sera bloqué sur un compte et n’ira plus sur celui de Suez. Nos organismes sont d’utilité publique, distribuer l’eau est d’utilité publique.
Quand la saisine de la Haute Autorité de la Concurrence sera faite, comme prévu, et peut-être celle la Haute Autorité de la Vie Publique nous y verrons encore plus clair, ce dossier syndicat Eau du Sud Francilien vs Suez/Meridiam/BlackRock réserve de belles surprises, si nous tenons bon.