Dan Lert, président d’Eau de Paris et adjoint à la Maire de Paris en charge de la transition écologique, du plan climat, de l’eau et de l’énergie, a ouvert le Colloque de France Nature Environnement Île-de-France des 7 & 8 novembre 2022. Ce colloque auquel a participé notre association était consacré à la ressource en eau en Île-de-France dans un contexte de dérèglement climatique.
« Je voudrais à nouveau remercier FNE IDF d’avoir pris l’initiative de ce colloque tiens à nouveau à vous redire combien je suis content d’y participer et de vous voir si nombreux ici à l’hôtel de Ville.
Vous avez choisi de consacrer deux jours à la question de la ressource en eau en Ile de France, dans un contexte de dérèglement climatique.
Et la période que nous traversons actuellement confirme malheureusement la pertinence de ce choix.
Nous venons de vivre le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré depuis le début de relevés de températures, et probablement l’un des plus secs. Nous avons tous en mémoire cet été catastrophique, entre canicules, méga-feux de forêts, inondations et sécheresse. Les événements climatiques extrêmes se sont multipliés partout en France, et ailleurs dans l’hémisphère Nord, venant rappeler – à qui n’aurait pas encore voulu le voir – que le changement climatique est une réalité que chacun peut désormais voir et vivre dans sa chair.
Il y a tout juste un an, nous avons publié une étude sur l’avenir climatique à Paris. Ce diagnostic de robustesses et vulnérabilités de Paris face aux changements climatiques avait montré plusieurs choses, à commencer par l’accélération de ces changements qui va se traduire notamment par la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur. Les scénarios que nous imaginions jusqu’alors pour 2050 se rapprochent et seront notre quotidien à la fin de la décennie d’ici 2030 : des étés très chauds, des vagues de chaleurs longues et intenses, des pluies torrentielles provoquant des inondations. Et je le répète souvent, mais nous savons désormais qu’un pic de chaleur à 50°C n’est plus à exclure dans les prochaines années. Nous devons, en tant que collectivité territoriale, nous y préparer.
L’étude montrait aussi que la ressource en eau ne sera pas épargnée. L’eau risque en effet d’être soumise à de fortes tensions d’ici à la fin du siècle. Aujourd’hui, une consommation d’eau potable stable et des sources d’approvisionnement variées assurent une eau de qualité et en quantité pour Paris. L’alimentation en eau repose à 50% sur des eaux souterraines et 50% sur des eaux de surface. C’est d’ailleurs cette position avantageuse du bassin francilien qui nous a permis de traverser moins péniblement que d’autres territoires la période de sécheresse que nous vivons encore en ce mois de novembre. Mais les effets du réchauffement climatique avec davantage de sécheresses et davantage de besoins pour rafraîchir la ville ou pour l’agriculture régionale par exemple, font craindre des pénuries et des tensions au-delà de 2050. Paris et l’Ile de-France seront impactés.
La mobilisation actuelle partout en France contre les méga-bassines souligne les enjeux cruciaux sur le partage de l’eau. L’eau doit être considérée comme un bien commun et ne peut pas être accaparée par l’agriculture intensive. C’est une bataille décisive autour du modèle agricole qui est ménée et je salue les agriculteurs, les associations environnementales, les citoyens et les élus qui par leur engagement mettent en lumière les solutions pour un égal accès à la ressource en eau.
Au-dela même de ces pénuries, et comme le rappelle souvent l’hydrologue Emma Haziza, le changement climatique impacte aussi la qualité de la ressource : l’acidification des sols, leur usage intensif renforcent ce phénomène de dégradation de la qualité de l’eau. Vous aurez, je crois, l’occasion de revenir longuement sur les politiques de protection de la ressource que nous mettons en place avec Eau de Paris, sur les zones de captages. La question de la qualité de l’eau est évidemment une boussole incontournable pour nous nos choix en termes de production, de gestion, et de distribution de l’eau potable à Paris.
Nous avons aussi que la température de la Seine, l’évaporation du fleuve vont augmenter dans les prochaines décennies en même temps qu’une diminution de son débit.
Tous ces constats nous poussent à nous interroger, en particulier en tant que collectivité territoriale, à l’utilisation de l’eau en période de stress hydrique : l’arrosage de la végétation et des arbres qui sont de formidable outils pour lutter contre les phénomènes de chaleurs urbaines doit-il se faire avec de l’eau potable ? et d’ailleurs, le développement de cette végétalisation ne doit-il pas être réalisé avec de nouvelles essences qui seront plus adaptées au climat de demain ? Le nettoyage des rues doit-il se faire systématiquement à l’eau ? Toutes ces questions, nous devons nous les poser aujourd’hui pour adapter la ville à la nouvelle donne climatique. Quels usages, quelles pratiques permettront de faire preuve de résilience et de traverser les phases de sécheresse en réduisant notre impact sur la ressource en eau ?
Si l’eau est un bien précieux et fragile, elle représente aussi une chance pour faire face au changement climatique. Sans eau, pas de végétalisation de la ville, sans eau pas de politiques de rafraîchissement de l’espace public. Comment réussir cette transition dans la sobriété hydrique ? Nous avons pour cela des atouts incontestables.
Je pense d’abord au double réseau parisien d’eau potable et non-potable qui offre une solution clé-en-main à l’utilisation d’une ressource plus sobre pour la végétalisation et le nettoyage de la Ville. J’aime à rappeler l’investissement conjoint de la Ville de Paris et d’Eau de Paris de 36 millions d’euros dans le renouvellement et l’entretien du réseau d’Eau Non Potable pendant cette mandature.
Je pense également à notre politique de désimperméabilisation de la Ville. Avec notre zonage pluvial parisien, que vous connaissez peut-être sous le nom de « plan Paris Pluie », nous cherchons à désartificialiser une partie de la capitale pour permettre de restaurer le cycle de l’eau en Ville. En transformant l’eau pluviale en ressource, quand elle est valorisée au plus près de l’endroit où elle tombe, au lieu de la collecter au réseau d’assainissement pour la traiter en station d’épuration. Ce faisant, on économise de l’eau et de l’énergie, on rafraichit la Ville, on diversifie les sources en fonction des usages. Plus largement, je pense qu’une réflexion doit être menée sur la récupération des eaux pluviales et leur place dans le mix hydrique de la Ville.
Mais je pense plus largement à la place que nous accordons à l’eau dans la Ville. Depuis plusieurs années, nous avons souhaité recréer un lien beaucoup plus étroit entre les Parisiens, leur magnifique fleuve, la Seine, et les canaux qui traversent la partie Nord Est de notre ville. Le renforcement de ce lien va de pair avec l’amélioration de la qualité des eaux brutes à Paris. Depuis les années 1980, on parle de se baigner dans la Seine. Cette promesse, longtemps déçue, est en passe de devenir réalité. Il s’agit là d’un projet sportif à plusieurs titres : améliorer la qualité des eaux de la Seine est une course contre la montre pour atteindre la baignabilité à l’été 2024 pour les épreuves des Jeux Olympiques et Paralympiques. L’amélioration de la qualité de l’eau de la Seine sera certainement l’un des plus beaux héritages de ces Jeux pour les parisiennes et les parisiens mais aussi pour tous les franciliens en amont de Paris. En tant qu’élu du 19ème arrondissement, je sais combien l’ouverture de la baignade du bassin de la Villette a changé la donne pour des milliers de jeunes Parisiens qui ne partent pas en vacances l’été et qui ont désormais le plaisir de pouvoir se baigner dans un cadre exceptionnel. 5 baignades publiques seront créées à Paris.
Recréer un lien entre les Parisiens et leur géographie hydrique c’est aussi ramener à la vie des rivières oubliées. Je pense bien évidemment à l’ambitieux projet je réouverture de la Bièvre. Il s’agit dans un premier temps de faire renaitre de cette rivière qui coulait autrefois jusqu’à la Seine dans le parc Kellermann situé dans le 13ème arrondissement. La renaturation de la Bièvre constitue un élément majeur pour donner sa juste place à l’eau en Ville, pour créer une eau source de fraîcheur, de qualité de vie, de bien-être. Ce projet n’est plus une utopie. Vous le savez peut-être, depuis quelques mois, l’eau de la Bièvre coule de nouveau dans la capitale, même si elle est détournée au niveau du déversoir d’orage Bièvre. Ce retour a été rendu possible grâce au travail mené depuis de nombreuses années en amont de Paris grâce à la mobilisation des associations amies de la Bièvre et FNE idf a joué un grand rôle, et aux multiples réouvertures qui ont été réalisées et montrent que ce chemin est possible, la dernière en date à Arcueil-Gentilly.
Enfin, rafraîchir la Ville en période de canicule, c’est aussi assurer un accès à l’eau à boire et à la brumisation dans tous les quartiers. Eau de Paris gère déjà les plus de 1200 fontaines à boire de la capitale dans les rues, les parcs et les jardins. D’ici à 2024, 100 nouvelles fontaines, d’un nouveau genre, à boire et à brumiser, viendront compléter l’offre publique en la matière. Pour améliorer, encore, l’un des meilleurs maillages en points d’eau du monde, et lutter contre la pollution plastique (ces centaines de milliers de bouteille d’eau en plastique), Paris a lancé l’initiative « Ici, je choisis l’eau de Paris » pour recruter des commerçants qui s’engagent à remplir gratuitement la gourde des parisiennes, parisiens et touristes avec une eau potable d’une qualité irréprochable. C’est le 1er réseau en France : près de 700 commerces ont déjà rejoint le réseau.
Vous l’aurez compris, les projets ne manquent pas pour protéger la ressource en eau et donner toute sa place à l’eau dans la ville dans un contexte de changement climatique. Je remercie France Nature Environnement Île de France pour l’organisation de ce colloque qui mettra en lumière les enjeux en la matière et les initiatives sur lesquelles les acteurs du monde de l’eau travaillent pour relever ces défis. »