10 ans après la création d’Eau de Paris, quel bilan dressez-vous?
Nous avons réussi à démontrer que le modèle d’entreprise publique permettait d’obtenir d’excellents résultats tout en conservant un prix de l’eau potable tout à fait abordable, à 1,08 euro par mètre cube. Ma prédécesseure Anne Le Strat avait tenu le pari de la remunicipalisation. Nous tenons celui de la pérennité. Le retour à la régie montre aussi qu’au-delà des tuyaux, c’est toute une politique publique, sociale et environnementale qui peut être mise en œuvre autour de la gestion de l’eau.
Quelles sont vos actions prioritaires pour réduire les pollutions?
Eau de Paris est particulièrement investie dans les actions de protection de l’eau à sa source, sur les 240.000 hectares d’aires d’alimentation de captage et les 1.300 ha d’espaces naturels. Cette protection, dès l’amont, améliore à long terme la qualité des ressources et limite les traitements de potabilisation. Cela est possible en travaillant main dans la main avec les acteurs locaux des territoires, notamment les agriculteurs.
Comment favoriser le changement des pratiques agricoles dans ces zones prioritaires?
La régie mène trois types d’actions favorisant des modes d’exploitation plus durables et plus adaptés aux territoires. Des agronomes payés par Eau de Paris accompagnent les agriculteurs vers la conversion à la bio ou à la réduction d’intrants chimiques. Nous aidons aussi à la mobilisation d’aides financières. Mais depuis deux ans, nous assistons à des désengagements d’agriculteurs ayant contractualisé des mesures agro-environnementales (MAE) à cause de retards chroniques de paiements. Et c’est particulièrement inquiétant. Eau de Paris réalise des acquisitions foncières dans les secteurs les plus vulnérables qui font l’objet de baux environnementaux pour protéger l’eau. Une autre piste pour développer les débouchés serait d’inclure le critère de produits locaux dans les achats publics. Mais nous nous heurtons à des blocages juridiques au niveau européen.
Quelle est votre stratégie d’investissement dans les années à venir?
Nous venons de finaliser notre schéma directeur des investissements pour les 20 prochaines années. Il a été construit autour d’un projet d’investissement durable pour l’environnement et pour le bon usage des deniers publics. Nous travaillons au développement d’un outil numérique qui nous permettra de réduire notre empreinte eau, carbone et énergie.
Quelle est votre stratégie climatique?
Nous travaillons dans une logique d’atténuation, en développant principalement les énergies renouvelables. Au cours des dernières années, nous avons construit un puits de géothermie dans le quartier des Batignolles pour alimenter des logements, des commerces et la nouvelle cité judiciaire. Ce puits nous sert aussi de source de secours pour le réseau global d’eau potable. Et nous avons aussi créé la plus importante centrale solaire sur le toit de l’usine de L’Haÿ-les-Roses dont l’électricité est vendue à Enercoop, et non plus à EDF, depuis le 1er janvier. Mais nous sommes encore très loin de la neutralité carbone. Il nous faut mener de nouveaux projets. Actuellement, nous testons un projet d’autoconsommation à Orly. Nous avons aussi un rôle à jouer dans la lutte contre les canicules. Des mesures seront annoncées d’ici l’été, comme le branchement de fontaines d’eau potable sur les bornes à incendie.
Qu’attendez-vous des Assises de l’eau?
Je pilote le groupe de travail sur la protection de la ressource. Ce qu’il en ressort, c’est que de nombreuses initiatives se développent sur le territoire. Les porteurs de ces projets attendent que l’Etat joue son rôle de facilitateur et d’accompagnateur. Il faudrait un cadre global permettant à l’échelon local d’adapter ses projets plutôt que des grandes mesures fleuves ou une grande loi inutile. La consécration d’un droit à l’expérimentation locale en somme.
En chiffres / Eau de Paris a été créé le 1er mai 2009 après 25 ans de délégation.
Elle alimente 3 millions de personnes en eau potable, en s’appuyant sur 5 réservoirs, 7 usines de traitement d’eau potable, 3 usines d’eau non potable et 8 ouvrages de stockage.
L’eau potable affiche 100% de conformité physicochimique et bactériologique en 2018.
Un Parisien consomme en moyenne 130 litres d’eau par jour contre 140 l en 2010.
[1] Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives