La Région Île-de-France s’apprête à défricher dès septembre 2018, huit hectares de la précieuse Forêt de la Corniche des Forts à Romainville pour la transformer en « île de loisirs« , un non-sens dans le contexte actuel de crise écologique.
Selon le jardinier Gilles Clément, « Cet ensemble forestier unique en région parisienne montre une extraordinaire diversité comportementale des végétaux au cours d’un possible cheminement plein de mystère dans un relief heureux. Le jardin est tout fait . C’est gratuit.«
Une pétition pour sauver la forêt est en ligne ICI.
Bien entendu, l’impact sur l’eau et le climat est important, c’est ce qui motive l’action de la Coordination eau Île-de-France dans ce dossier.
Image réalisée par Aurélien Pierron dans le cadre d’un stage de l’École des métiers de l’Information (EMI)
Cette forêt urbaine, située à 2 km de Paris, est remarquable. Située entre Romainville, Pantin, Noisy-le-Sec et les Lilas, elle est inaccessible à cause des anciennes carrières sur lesquelles la nature s’est développée, de façon spontanée. Cette forêt méconnue abrite renards, hérissons, écureuils roux, lézards des murailles, orvets, fouines, musaraignes, pics épeiche, buses, plusieurs espèces de chauve-souris et des fauvettes à tête noire. Des éperviers y sont présents, ce qui est remarquable dans ce contexte intra-urbain. Les arbustes et les lianes, dont une abondante population de clématites, y forme un paysage de jungle exceptionnel. Sans oublier les abeilles, papillons, etc.
Si le projet de base de loisirs a évolué, depuis ses origines dans les années 2000, vers une diminution de la surface de cette première phase – mais deux autres sont prévues – il est alarmant pour son impact sur la biodiversité, sur le paysage et la topographie des lieux. Le projet actuel, dont l’appel d’offres et le cahier des charges obsolètes, datent de 2004, n’est satisfaisant ni pour le public ni pour la nature.
Il est affligeant de constater qu’en près de vingt ans de projets, d’études, etc., il n’est jamais venu à l’idée de ses promoteurs d’ouvrir un vrai débat public sur le devenir de cet espace. Pourtant les idées ne manquent pas. A l’instar de Gilles Clément, Chris Younes, Pierre Rabhi, Patrick Bouchain, Marc Jeanson, Frédéric Pautz, Alexis Tricoire, Chilpéric de Boiscuillé, des paysagistes, des architectes, des urbanistes demandent la sauvegarde de ce patrimoine exceptionnel et souhaitent imaginer un projet plus ambitieux, plus léger et plus inédit pour ne pas dénaturer la forêt et les carrières, mais au contraire les mettre en valeur.
Outre cette question démocratique essentielle, la Coordination Eau Île-de-France pointe les conséquences négatives pour l’eau et le climat du projet actuel. La partie haute du site serait défrichée définitivement puis comblée par injection de coulis de béton et pose de géo-grilles pour être transformée en « solarium ». L’eau au lieu de s’infiltrer dans le sol et d’évapotranspirer via les arbres, ruissellerait, accélérant l’érosion sur la partie aval ou rejoignant un réseau d’assainissement, déjà saturé quand il pleut. C’est ce processus d’imperméabilisation des sols et d’accélération des flux qui favorise les inondations. Il faudrait au contraire stocker le maximum d’eau sur la parcelle pour faire face à ces phénomènes.
Des conséquences directes sont à également prévoir pour les températures: le sol constitué d’une fine couche de terre sur du béton, se transformerait en plaque chauffante, emmagasinant puis restituant la chaleur. L’actuel îlot de fraîcheur urbaine se transformerait en îlot de chaleur urbaine!
Le projet ferait disparaître de nombreux arbres, non seulement sur le solarium mais dans toute la partie défrichée. Un arbre prélève de l’eau par ses racines. L’eau circule alors par les vaisseaux dans le tronc (la sève) jusqu’aux feuilles et s’évapore par de nombreuses stomates. Un grand arbre peut évapotranspirer des centaines de litres de vapeur d’eau, en utilisant 0,7 kWh/L d’énergie pour convertir l’eau liquide en vapeur. L’effet de refroidissement est le résultat de l’utilisation de grandes quantités d’énergie solaire. En détruisant les arbres, on se priverait donc de climatiseurs naturels et particulièrement efficaces.
Plutôt qu’une île de loisirs dans un archipel de consommation, il vaut mieux préserver et renforcer un îlot de fraîcheur dans une partie de la région parisienne particulièrement dense et minérale.