AMORCE, association de collectivités et de leurs partenaires, réitère son appel auprès du gouvernement pour donner aux collectivités les moyens d’agir. Suite à la publication de l’étude de l’Anses en avril dernier identifiant la présence de résidus de pesticides dans certains captages d’eau potable, AMORCE a réalisé un état des lieux auprès de son réseau national de collectivités adhérentes, des polluants émergents détectés sur les captages de leurs territoires et des conséquences sur les services d’eau potable.
Les résultats obtenus conduisent AMORCE à réitérer auprès du gouvernement son appel à prendre urgemment des mesures fortes en matière de gestion qualitative de l’eau, d’interdiction ou a minima de réduction des usages de produits polluants dans les aires d’alimentation des captages et de renforcement des éco-contributions sur les produits à l’origine de ces pollutions, pour permettre enfin aux collectivités d’avoir les moyens de protéger les ressources en eau.
AMORCE sonde les territoires et constate des résultats préoccupants
En juin 2023, AMORCE a réalisé une enquête auprès de ses collectivités adhérentes visant à déterminer l’ampleur des difficultés rencontrées par les services publics d’eau potable concernant les pollutions émergentes. Le constat est pour le moins préoccupant.
Dans ce panel représentant une population de 3,5 millions d’habitants, 88% des collectivités annoncent avoir identifié des pollutions émergentes, essentiellement aux métabolites de pesticides, sur certains de leurs captages. Les substances les plus détectées sont : le chlorothalonil et son métabolite R471811, le S-métolachlore et ses métabolites, les métabolites du chloridazone, les PFAS, le TFA (Acide trifluoroacétique), les nitrates, le tetrachloroéthylène et le ESA alachlor. Chez 80% des répondants ayant constaté la présence de ces polluants, ceux-ci entrainent potentiellement des non-conformités dans certains de leurs captages.
Face à ces alertes, les collectivités sont contraintes d’instaurer des plans d’actions pour restaurer la qualité de l’eau et mettre en œuvre des solutions curatives de traitements avancés. Néanmoins, maintenir cette alimentation en eau potable de qualité aux Français, soit l’essence même de ce service public local, s’effectue dans des conditions toujours plus dégradées pour des raisons d’ordres structurels (manque de ressources) et conjoncturels (sécheresse). En l’absence d’autres possibilités, les collectivités sont contraintes de substituer la ressource d’un captage par celle d’un autre voire d’abandonner le captage pollué, pour assurer la qualité de l’eau potable à leurs administrés avec des contraintes et des conséquences très lourdes, en particulier en période de sécheresse.
Un manque de moyens financiers et juridiques pour les collectivités, prises en otage de la situation
En l’absence d’interdiction à l’échelle nationale ou européenne de certaines substances (en particulier de certains pesticides), les solutions curatives disponibles pour les collectivités (de type : charbon actif, ultrafiltration, nanofiltration, etc.) nécessitent des moyens financiers très importants. Dans un contexte de contraintes extrêmes sur les budgets des collectivités, celles-ci ne peuvent être mises en place qu’avec des ressources financières supplémentaires allouées par l’État et in fine les Agences de l’eau, sans quoi les usagers du service public verront leurs factures d’eau s’envoler pour des raisons indépendantes de leur responsabilité et de celle des collectivités. En effet, près des deux tiers des répondants à cette enquête indiquent ne pas avoir les moyens financiers de lutter contre ces nouvelles pollutions.
Pour rappel, AMORCE avait déploré que le Plan Eau présenté par le gouvernement en mars dernier ne contienne que peu de mesures réellement ambitieuses sur la préservation de la qualité de l’eau (absence d’interdiction formelle du S-Métolachlore par exemple). Ainsi, les collectivités rassemblées au sein d’AMORCE appellent le gouvernement à :
- prendre des mesures préventives fortes interdisant les produits phytosanitaires dans les aires d’alimentation des captages, mesures qui devront être renforcées sur les captages dits « sensibles » dont le périmètre est à déterminer dans les meilleurs délais. Les pouvoirs des élus locaux doivent être, en parallèle, renforcés en la matière.
- intensifier l’accompagnement de transition des activités agricoles au droit des aires d’alimentation de ces captages avec des aides techniques et financières.
- responsabiliser financièrement les metteurs en marché de polluants, en augmentant fortement les redevances pour pollutions diffuses sur les pesticides et les nitrates, en transformant la taxe sur les préparations pour lessives en redevance au profit des Agences de l’eau, et en créant une redevance sur les nouvelles pollutions émergentes[1] (pollution micro plastiques, résidus médicamenteux…). Ces réformes doivent permettre d’instaurer un vrai signal prix sur l’usage de ces produits et générer des moyens financiers pour généraliser les stratégies de prévention et de traitement de ces pollutions émergentes sur tous les territoires concernés.
[1]Parmi le panel de pollutions émergentes, les métabolites de pesticides font partie des substances les plus préoccupantes pour les collectivités territoriales. Molécules issues de la dégradation des pesticides, certaines d’entre-elles posent de réels risques sur la santé humaine et sur l’environnement. Pour mesurer si une eau potable est conforme ou non, la directive « Eau potable » définit les seuils de qualité, à savoir 0,1 µg/L (0,5 µg/L pour la somme totale) pour les pesticides et leurs métabolites « pertinents ». Si cette mesure au niveau des captages d’eau potable dépasse le seuil, alors l’eau est jugée comme non-conforme mais reste propre à la consommation. Ce niveau d’alerte oblige les services à la mise en place d’actions pour restaurer la qualité de l’eau. A partir d’un certain seuil plus élevé (Vmax) dont la valeur expose la population à un risque sanitaire, alors l’eau devient impropre à la consommation humaine.