Des écoles de Bagnolet, Dugny, Les Lilas, Le Kremlin-Bicêtre et Paris 20e ont accueilli des Classes Eau et Climat depuis le début de l’année. Ce projet d’éducation populaire permet aux enfants d’être sensibilisés et de s’approprier les enjeux de l’eau et du changement climatique ainsi que les solutions pour y faire face. Par Léo Béroudiaux, volontaire en service civique.
Après avoir passé plusieurs heures à couper, coller, assembler, peindre, décorer, écrire et chercher, le résultat est là : les élèves sont ravis, car cette maquette du cycle domestique de l’eau, entièrement réalisée par elles et eux, est à présent achevée. “Alors là, c’est quoi ?” demande un animateur en pointant un bâtiment en papier surmonté d’une petite cheminée. “L’usine de pota…po-ta-bi-li-sa-tion !” répond une élève, ayant pris soin de bien détacher les syllabes pour ne pas s’empêtrer dans la prononciation de ce mot compliqué. “Et ensuite l’eau, où elle va ?” demande-t-on encore. “Dans le château d’eau !”, répondent en chœur plusieurs enfants, qui voient leurs récentes connaissances désormais matérialisées sous la forme de petits bâtiments colorés, reliés par des fils chenilles, malléables, venus représenter le parcours de l’eau. Sur le grand bout de carton qui sert de socle à ce monde miniature, on aperçoit également quelques vaches, des arbres et des personnages dessinés venus s’adonner à différentes activités : un pêcheur ici, là-bas un footballeur, tout entourés d’un tapis vert et bleu, signe qu’une rivière paisible et une nature luxuriante auront de quoi les abreuver. Au loin, les montagnes s’élèvent, et le ruisseau d’abord frêle grossit et traverse la vallée, rencontrant sur son passage villes et champs, avant de se jeter courageusement dans le grand océan.
Les élèves, fiers de leur travail, meurent désormais d’impatience de voir leur création exposée pour la fête de l’école, où ils pourront à nouveau transmettre tout leur cheminement à travers cette maquette et les connaissances qu’elle véhicule. Et nous, animateurs des Classes Eau et Climat à l’école élémentaire Paul Langevin des Lilas (Seine-Saint-Denis), nous finissons cette séance parmi les sourires et les remerciements de la classe. Nous sommes le 13 juin 2024, et nous venons juste de terminer une de nos dernières Classes avant les vacances d’été. Cela aura fait presque deux mois, depuis fin avril, depuis que nous avons commencé à réaliser ces interventions de sensibilisation aux enjeux de l’eau dans les écoles, et nous en sommes à présent à notre onzième classe à avoir terminé le programme complet en 4 séances. Cela représente à peu près 88 heures d’intervention durant lesquelles nous avons écouté, nous avons parlé, nous avons réalisé des expériences, construit des maquettes, dessiné des fresques, organisé des jeux de rôles, en un mot, nous avons tâché de transmettre les valeurs d’une eau en tant que bien commun, par tous et pour tous.
Mais le projet des Classes Eau et Climat ne date pas d’avril, et il faut remonter jusqu’en 2023 pour en trouver les premières bases. Les membres de la Coordination EAU Île-de-France, forte de ses missions de sensibilisation réalisées à travers différentes initiatives, telle que l’exposition “Eau & climat” réalisée en 2015, se sont penchés cette fois sur un projet d’éducation populaire. Destiné aux élèves de primaire, l’enjeu de ces ateliers est à la fois de présenter les liens entre cycles hydriques et cycles climatiques pour sensibiliser les élèves au changement climatique et aux solutions fondées sur la nature, mais également de transmettre plus largement des connaissances sur les cycles de l’eau (naturel et domestique), leurs perturbations et la nécessité de trouver d’y trouver des solutions pour vivre dans un monde qui respecte la dignité de tout un chacun. Si ces thèmes et leur vulgarisation sont bien connus de l’association, il s’agit néanmoins ici d’un public d’enfants, et d’interventions qui doivent être adaptées à un cadre scolaire. Il nous fallait donc réfléchir à une approche à la fois pédagogique et ludique afin de faire mouche lors de cette mission.
Après avoir candidaté et avoir été désignées lauréates de l’Appel à projets d’In Seine-Saint-Denis et du Budget Participatif d’Eau de Paris, ce qui nous permis d’obtenir des subventions pour intervenir sur ces deux territoires, les Classes Eau et Climat ont réellement pu prendre forme et se faire connaître auprès des établissements. Nous avons commencé à construire le projet et à le faire connaître fin 2023. Suite à cela, les intérêts furent piqués et les candidatures commencèrent à affluer : des établissements parisiens, séquano-dionysiens, mais aussi Val de Marnais nous contactèrent. Après des rendez-vous avec les directeurs et équipes éducatives afin de présenter le projet plus en détails, nous pûmes accepter la candidature de cinq écoles pour l’année scolaire 2023-24 : l’école Colonel Fabien à Dugny (93), l’école Olivier Métra à Paris (20e), l’école Romain Rolland aux Lilas (93), l’école Benoît-Malon au Kremlin-Bicêtre (94), l’école Jean Jaurès à Bagnolet (93) et l’école Paul Langevin aux Lilas également, presque toutes pour lesquelles nous avons réalisé plusieurs programmes de 4 séances pour différents niveaux de classes.
Avoir la conscience puis l’expérience d’un public d’assez jeunes élèves nous a permis à nous, volontaires pour les Classes Eau et Climat, d’avancer vers des outils de transmission qui permettent de simplifier les questions abordées, mais aussi de leur apporter de la vie en créant un point d’attache entre l’univers des enfants et des notions scientifiques ou abstraites. Nous avons par exemple étayé nos présentations numériques d’images bienveillantes de gouttes d’eau anthropomorphes ou de personnages aux prises avec les effets néfastes de l’activité humaine, mais cela aussi bien dans un but illustratif que narratif. Les élèves ont en effet besoin de s’appuyer sur leur imagination plutôt que sur du concret, de traduire en images et en histoires ce qu’ils essaient de comprendre, comme en ont témoigné leurs questions et remarques tout au long de nos séances ensemble. Le concret et surtout la manipulation étaient cependant indispensables pour intéresser les élèves et leur impacter leur souvenir des Classes : nous avons ainsi proposé des expériences scientifiques au milieu de nos exposés, permettant aux élèves de jouer et d’apprendre à leur insu, tandis que l’apprentissage “formel” était aéré le plus possible par les questions des élèves aussi bien que des jeux de reformulation les maintenant actifs.
La deuxième partie des Classes Eau et Climat, la plus ambitieuse sans doute, a été de proposer au cours des dernières séances une restitution, c’est-à-dire une œuvre collective réalisée par les élèves, leur permettant de mettre à profit les savoirs acquis lors des deux premières séances, dites de transmission. Nous avons voulu laisser le choix aux enseignantes et enseignants de la forme de restitution souhaitée, étayé par les suggestions de ce qu’il nous paraissait faisable de réaliser. Nous avons ainsi pu proposer trois restitutions différentes en fonction des classes : une fresque de l’eau, un ensemble de dessins pensé par la classe et réalisé en petits groupes ; une histoire “à conter l’eau”, un récit collectif écrit au moyen d’un jeu de rôles aux cartes désignées par l’association, et la fameuse maquette du cycle domestique de l’eau. Ces restitutions, qui nous ont chacune demandé beaucoup d’heures de préparation, ont accaparé les élèves qui nous ont surpris par leur inventivité et leur cœur à l’ouvrage tout au long du projet : jamais deux restitutions n’étaient similaire tant chacun y allait de sa créativité pour dessiner, décorer, ou inventer des péripéties décalées pour ses personnages !
Les Classes Eau et Climat furent enrichissantes, d’abord pour nous qui pouvons le constater à travers notre expérience directe : elles nous ont appris tant de choses sur la pédagogie et la transmission qu’il faudrait prévoir un deuxième article pour en parler. Mais tout autant pour les élèves, bien sûr, qui nous voyaient repartir en nous remerciant chaleureusement, et ont pu nous montrer leur passion pour nos interventions et leur curiosité sans bornes à de très nombreuses reprises. Il est surtout encourageant pour qui cherche à instiguer un changement par l’éducation de pouvoir apprécier le fruit de ses efforts par l’assurance d’avoir planté une grande, et plus encore de l’avoir vu grandir après avoir reçu de l’eau. De même, nous avons constaté que les élèves, dans leurs interventions, leurs créations ou leurs retours, avaient compris l’importance de ce que nous voulions leur transmettre. Et comme un mot d’enfant vaut mieux qu’un long discours : “Pour les humains, animaux, végétaux, préservons l’eau !”.
Lire ici trois questions à Vanessa Charlotte, cheffe de projet Université bleue et classes eau et climat