La Grèce est confrontée à la pire crise de l’eau et de l’écologie de l’Union Européenne, avec des inondations, des sécheresses et des incendies de plus en plus dévastateurs. Le dossier présenté ci-dessous a été constitué par une équipe d’experts du ministère de l’agriculture et du développement rural de Slovaquie, dirigée par l’hydrologue Michal Kravcik. Il s’agit de recommandations sur la manière d’aborder ces problèmes en s’inspirant de l’expérience de la Slovaquie. Traduction / adaptation Maelis Biennait, volontaire en service civique à la Coordination EAU IDF.
Les ressources en eau du continent européen diminuent et sont insuffisantes pour répondre aux besoins à long terme des pays européens. L’aménagement du territoire modifie la structure du paysage et porte atteinte à la fonction hydrique des écosystèmes. Voici comment aborder ces problèmes en s’inspirant de l’expérience de la Slovaquie.
Le constat: les cycles locaux de l’eau sont en train de disparaitre
Dans une première partie du dossier, le groupe d’experts s’attelle à la description d’une crise de l’eau et de l’écologie, avec une focale sur le sud de la Grèce dans la région méditerranéenne.
Ils constatent la disparition des cycles locaux de l’eau. Cette zone géographique souffre des précipitations les plus intenses, caractéristique du climat maritime. Mais par ailleurs, un assèchement du territoire, de la péninsule chypriote par exemple, peut s’observer. Des nuages se forment en été : plus l’île est sèche, plus elle surchauffe en été, et moins il pleut. Le cycle local de l’eau est dégradé. De fait d’un assèchement du territoire et d’une pression atmosphérique élevée, cet îlot de chaleur éloigne les nuages. Quand le changement de saison et l’automne arrivent, la température baisse. Aussi, les amas de nuages sont “aspirés” vers l’intérieur des terres et cela entraine des précipitations extrêmes. Sur le long terme, l’indice d’irrigation des terres s’affaiblit. Le risque d’incendie augmente.
Les risques de sécheresse, d’incendie et d’inondation sont dus au fait que la nécessité de conserver l’eau dans le sol n’a pas été prise en compte dans les politiques d’aménagement du territoire. Au contraire, pendant des siècles, toutes les zones économiquement exploitées autour de la Méditerranée et au Moyen-Orient jusqu’en Inde ont été drainées.
Résultats : Les cycles locaux de l’eau se sont vidés. Ce phénomène a été amplifié par une imperméabilisation des sols et une canalisation de l’eau de pluie – qui devrait s’infiltrer là où elle tombe- vers les ruisseaux, les rivières et ensuite vers les mers et les océans. Cette eau, provenant des cycles locaux de l’eau, est dorénavant stockée dans les océans. Elle participe, aussi, à l’élévation du niveau des océans.
Selon les estimations des experts, …
- les petits cycles de l’eau ont probablement perdu jusqu’à 40 milliards de m3 sur le territoire grec.
- En Slovaquie, avec l’industrialisation du pays, environ 15 milliards de m3 d’eau ont été perdus au cours des 60 dernières années.
- plus de 700 milliards de m3 par an sont perdus sur les continents, ce qui fait monter le niveau des océans d’environ 2,1 mm par an.
Le fonctionnement normal du cycle local de l’eau
Si on laisse l’eau de pluie s’infiltrer dans l’écosystème, après saturation du sol, une partie de l’eau percole sous terre (environ 1/3) et reconstitue les réserves d’eau souterraine, et environ deux tiers du volume d’eau s’évapore dans l’atmosphère à travers la végétation. Ceci constitue la base des nouvelles pluies.
Cette eau évaporée transporte également de la chaleur latente vers les couches supérieures froides de l’atmosphère, où, après condensation de la vapeur d’eau, elle transmet cette chaleur conformément à la loi de la conservation de l’énergie. Il s’agit donc d’un système unique qui cesse de fonctionner lorsque la capacité d’infiltration de l’eau de pluie dans le sol est limitée.
Le cycle local de l’eau, perturbé
Lorsque les cycles locaux de l’eau se vident, la production de chaleur sensible augmente (le Rapport de Bowen augmente –lire ici) et cela surchauffe la troposphère (partie basse de l’atmosphère) car il n’y a pas de vecteur de chaleur pour la transporter vers les couches plus froides et plus hautes de l’atmosphère. Le vecteur de chaleur est la vapeur d’eau.
Par conséquent, nous avons besoin de plus d’eau dans le sol pour s’évaporer et transporter la chaleur de la troposphère vers les couches supérieures de l’atmosphère, qui sont plus froides. En réduisant historiquement l’approvisionnement en eau dans le sol, nous avons réduit l’évaporation réelle et donc concentrer la chaleur au sol, en particulier dans les régions arides.
Ces modifications du cycle hydrologique entraînent d’autres phénomènes néfastes, comme le changement temporel et spatial de la répartition des précipitations.
Le cycle du carbone est également lié de manière interactive au cycle de l’eau, qui stocke le carbone dans la végétation et le sol grâce à la photosynthèse. Si il n’y a plus d’eau dans le sol alors la baisse de la photosynthèse entraine des processus de dégradation de la minéralisation du sol, une perte de matière biologique dans le sol et de carbone lié à l’oxygène, ce qui augmente la concentration de CO2 dans l’atmosphère.
Un nouveau paradigme pour l’eau mais aussi pour l’énergie et l’alimentation
Le travail effectué par le groupe d’experts slovaques est motivé par l’affirmation d’un nouveau paradigme de l’eau.
L’Assemblée générale des Nations unies, par sa résolution 73/284, a déclaré la période 2021-2030 “Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes”. L’objectif est de taille : la restauration des eaux et des sols. Un groupe de travail sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a été formé.
Le concept Eau – Energie – Alimentation (ou Water (W) – Energy (E) – Food (F)) a fait son apparition au Forum économique mondial en 2011, lors de la publication d’un rapport nommé “Water-Security : The Water-Food-Energy-Climate Nexus” où est mis en avant une approche intégrée de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation qui accroît la sécurité des ressources, l’efficacité, la réduction de la pauvreté et une meilleure gestion des ressources dans tous les secteurs de l’économie. Aussi, selon ce nouveau paradigme, il est affirmé que l’eau, la terre et l’énergie sont les éléments de base sur lesquels reposent la communauté, la région, l’État et la communauté internationale.
“C’est pourquoi nous recommandons également de promouvoir la régénération intégrée des ressources naturelles en Grèce, qui peut systématiquement restaurer ce que la Grèce a perdu dans le passé.”
L’exemple de la Slovaquie : le projet de recherche européen SIM4NEXUS
Cette approche a été élaborée la première fois dans le cadre du projet de recherche européen SIM4NEXUS sur une étude de cas germano-tchéco-slovaque. Plusieurs utilisations de l’eau de pluie sont mises en avant : permettre à l’eau de pluie de s’infiltrer là où elle tombe. Aussi, la rétention de l’eau de pluie, via des systèmes de bassin versant, permet de renforcer les réserves d’eau dans le paysage de manière écosystémique, et ainsi, d’augmenter l’humidité du sol. Cela permet aussi une plus grande intensité de la photosynthèse, donc de la biodiversité et de la végétation.
Le Modèle Intégré de mise en œuvre du Nouveau Paradigme de l’Eau (The Integrated Implementation Model of the New Water) montre qu’une gestion appropriée des eaux pluviales dans le paysage peut restaurer durablement la régénération des ressources naturelles, ce qui renforce la croissance économique, le développement des ressources humaines et la prospérité, avec la nécessité impérative de maintenir la sécurité climatique. La restauration des ressources naturelles active les ressources humaines, ce qui génère des ressources financières, des ressources technologiques et, bien sûr, la diffusion d’informations sur la façon et les approches pour restaurer les ressources naturelles dans le paysage que nous avons endommagé.
L’étude de cas
Le groupe d’experts a sélectionné des zones endommagées de la région de l’Attique (Voir carte page 7). Il a analysé le potentiel de ruissellement des eaux pluviales (si des conditions d’une rétention cyclique des eaux de ruissellement étaient réunies) et défini les avantages de la mise en œuvre du nouveau paradigme.
Le groupe d’expert explique la méthodologie de sa recherche et expose ses résultats. (Consulter le dossier pour voir en détails l’étude de cas)
Il convient de noter que les calculs des avantages sont effectués pour une année. Cependant, les mesures de rétention d’eau recommandées agiront de manière cyclique, c’est-à-dire qu’il y aura un effet cumulatif de l’effet à long terme de la rétention cyclique de l’eau de pluie non seulement dans la croissance des ressources en eau mais aussi avec la tendance à long terme de l’atténuation des fluctuations de température et aussi avec le rétablissement progressif des espèces végétales indigènes sur les sites.