France eau publique (FEP) appelle l’Etat à mettre en œuvre le principe « responsable-payeur » et à créer une redevance spécifique pour financer les atteintes à la biodiversité. Elle souhaite aussi conduire des politiques tarifaires innovantes. Des demandes qui, pour l’instant, sont restées lettre morte.
Comment réformer le financement des services d’eau et d’assainissement ? C’est à cette vaste question qu’ont essayé de répondre les représentants de France eau publique (FEP), réseau des acteurs publics et régies de la FNCCR. Ils sont tout d’abord largement revenus sur le mur d’investissement (plusieurs milliards d’euros par an), devant lequel se trouvent les services publics d’eau et d’assainissement (SPEA), notamment face au changement climatique, dont « l’eau est le principal marqueur » a souligné Danielle Mametz, vice-présidente de la régie Noréade (Nord) et de France eau publique (FEP).
La réponse pour FEP ne passe pas forcément par une course à la technologie, mais plutôt par le respect du milieu naturel, car « la meilleure eau est celle qui est préservée » soutient l’élue. La solution passe aussi par le respect de deux principes fondamentaux.
Redevance biodiversité et « responsable-payeur »
Premier de ces principes évoqué, l’eau et la biodiversité paie l’eau et la biodiversité. « Or aujourd’hui, l’eau paie l’eau et la biodiversité. L’objectif est donc de trouver des recettes pour la biodiversité. Cette redevance pour atteinte à la biodiversité était promise dans le Plan eau, mais n’est pas en œuvre aujourd’hui. Il faut donc la créer » affirme Hervé Paul, vice-président de la FNCCR et de la métropole Nice Côte d’Azur.
Ensuite vient le principe « pollueur-payeur » que FEP veut élargir à « responsable-payeur ». Car « ce sont les personnes qui produisent et mettent sur le marché des produits nocifs pour l’eau, la biodiversité et la santé humaine qui doivent en financer les conséquences, qu’il s’agisse de réparation ou de dépollution », explique FEP.
Stopper les pollutions
France eau publique appelle donc l’État à mettre en œuvre ces deux principes et à « rééquilibrer les contributions des différents usagers en fonction de leurs impacts sur l’eau et la biodiversité », en particulier en augmentant la redevance pour pollution diffuse. Malheureusement, cette taxe sur les pesticides, mesure phare pour financer le Plan eau a été rayée du projet de loi de finances 2024, en décembre dernier, sous la pression de la FNSEA. On voit mal comment le gouvernement pourrait aujourd’hui la remettre sur la table, alors même qu’il est revenu sur le plan Ecophyto, lors de la crise agricole. Ce que déplore FEP, qui demande « l’arrêt de toute nouvelle contamination, tant pour les pesticides, que pour les PFAS ».
Toujours sur l’agriculture, FEP demande à l’Etat de tenir ses engagements de financements des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Car aujourd’hui les agences de l’eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne sont « contraintes de budgéter pour 2024 plus de 180 millions d’euros » en substitution des financements du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Tarification saisonnière et assurantielle
Pour FEP, la gestion de l’eau nécessite une « véritable vision de l’aménagement du territoire et une implication forte du politique ». « Chaque territoire est différent, l’échelon local (syndicat, EPCI, SPL) est essentiel pour se mettre en lien avec la société civile et mener des concertations pour préserver l’eau et les milieux », souligne Christophe Lime, président de FEP.
Pour répondre à cette diversité, FEP demande un droit à l’expérimentation locale, en particulier pour conduire des politiques de tarificaiton de l’eau innovantes. « Nous souhaitons rendre possible des choix de tarification, par exemple saisonnière, avec la mise en place d’une tarification spéciale pour les résidences secondaires » propose Sylvie Cassou-Schotte, présidente de la régie de l’eau de Bordeaux. L’élue défend aussi la tarification sociale et demande que les organismes sociaux puissent fournir des fichiers pour mettre en place des aides. Un décret est attendu depuis deux ans sur ce point.
FEP propose enfin de mettre en place une tarification « assurantielle » pour les usagers utilisant des forages privés, puits, etc. En cas de sécheresse en effet, ces ressources se tarissent et les usages doivent basculer sur le service public. Cette assurance en cas de rupture devrait pouvoir faire l’objet d’une tarification différente, et ces prélèvements devraient également être soumis aux redevances de l’agence de l’eau.