Après avoir demandé un délai au Sedif (le syndicat des eaux d’Ile-de-France) pour confirmer ou non leur départ du syndicat, et faute d’avoir obtenu une réponse positive, les neuf communes du territoire Grand Orly Seine Bièvre et le territoire Est Ensemble, favorables à une régie publique de l’eau, ont décidé de forcer le destin. Par Florent Bascoul.
Ce mardi 15 décembre, les deux territoires ont chacun voté la prolongation de la convention de coopération avec le Sedif (laquelle s’arrête officiellement fin décembre 2020) jusqu’au 30 septembre 2021.
“Nous ne pouvons pas passer à côté de cette opportunité historique“
«Nous ne pouvons pas passer à côté de cette opportunité historique de nous interroger sur le choix que nous souhaitons en matière de gestion de l’eau. Nous avons la conviction que c’est une ressource qui doit échapper à la rentabilité. Nous travaillons à un divorce qui pour l’instant ne se fait pas tout à fait à l’amiable au vu des déclarations par voie de presse du Sedif et de la campagne de publicité que Véolia (son délégataire) vient tout juste d’entamer. Nous voulons avancer sur une logique de négociation», motive Philippe Bouyssou (PCF), maire d’Ivry-sur-Seine, à l’occasion d’une conférence de presse donnée ce mardi par les 9 villes du Grand Orly Seine Bièvre concernées*, en amont du Conseil territorial.
Déconnexion physique ou virtuelle
Concernant les modalités du divorce, la principale pierre d’achoppement est celle de la déconnexion, physique ou virtuelle du réseau, dont les conséquences financières seront très différentes. Les élus des 9 villes considèrent que leurs communes pèsent 12% des contributions au syndicat et qu’à ce titre, elles sont partiellement propriétaires du réseau. «En nous refusant la déconnexion virtuelle dont nous bénéficions pourtant dans le cadre de notre convention transitoire qui arrive à échéance, le Sedif veut nous contraindre une déconnexion physique en prétextant des règles sanitaires. Cela impliquerait d’énormes travaux de voirie pour pouvoir créer un réseau parallèle. Ce serait un gaspillage d’argent public», explique Patricia Tordjman (PCF), maire de Gentilly. Les études chiffrent le coût de la création de ce réseau propre entre 46 et 87 millions d’euros.
Le Sedif pourrait acter le départ sans reconduire la convention
Le Sedif se prononcera ce jeudi 17 décembre lors de son dernier Conseil d’administration de l’année, mais rien n’indique à ce stade qu’elle se pliera aux délibérations des deux territoires. “La convention de coopération prend fin en décembre et si le Sedif continue de servir ces communes en 2021, ce ne sera sans doute pas aux mêmes conditions tarifaires”, prévient Philippe Knusmann, directeur général des services du Sedif et élu à Issy-les-Moulineaux. “Nous avons fait de nombreuses réunions et fourni de nombreux documents. Ce n’est pas le Sedif qui chasse ces communes”, rappelle le directeur. Si le Sedif n’acte pas le prolongement de la convention jusqu’en septembre 2021, comme voté dans les deux territoires, il restera alors deux semaines aux élus pour s’accorder sur un nouveau “deal” pour 2021.
Risque d’augmentation ?
Richard Dell’Agnola (LR), maire de Thiais, conseiller territorial du Grand Orly Seine Bièvre et vice-président du Sedif, estime pour sa part que le choix des 9 communes risque de faire augmenter le prix de l’eau. «Ils ont eu quatre ans pour travailler le sujet. Trois études ont convergé en disant que la régie serait plus compliquée techniquement à mettre en œuvre avec la nécessité de recruter des ingénieurs, des techniciens. Ils devront de toute façon acheter l’eau à Véolia ou à Suez. Elle sera plus chère de 30 centimes d’euros le mètre cube dans un contexte de précarité grandissante liée à la crise du Covid. C’est dommage de vouloir s’affranchir de ce syndicat par pure idéologie alors qu’ils pouvaient peser sur les débats que nous allons avoir dans les prochains moins sur le mode de fonctionnement du Sedif».
Tarification sociale de l’eau
«Depuis deux ans, nous réalisons des études juridiques, techniques et économiques. Nous avons besoin de poursuivre ce travail parce que ni le débat stratégique, ni le débat démocratique n’ont pu avoir lieu. Nous avons besoin de réinventer un dialogue à l’heure où la défiance des citoyens à l’égard des institutions et collectivités s’accroît. Une régie publique va nous permettre de faire des choix en matière de tarification sociale de l’eau, retrouver de la proximité par rapport à ce syndicat de 151 communes ou réfléchir à la manière dont nous nous approvisionnerons», plaide au contraire Hélène de Comarmond (PS), maire de Cachan.
Un référendum local en 2021
Quoi qu’il en soit, le président du GOSB, Michel Leprêtre, a fait voter une délibération ce mardi pour que la collectivité bénéficie sur le prochain exercice d’un budget annexe, au cas où la convention de transition ne serait pas reconduite au 1er décembre 2021. En fonction de l’évolution des conditions sanitaires, un référendum intercommunal dans les villes favorables à une régie publique de l’eau pourrait être organisé d’ici 6 mois.