Vous n’y pensez pas forcément en vous rasant, mais l’eau du robinet rapporte beaucoup d’argent à ceux qui la distribuent. Des multinationales comme Suez ou Veolia. Mais pour quels services rendus ? Révélations sur des contrats parfois opaques et très lucratifs. Publié par l’œil du 20 heures.
Il y a 7 ans, la ville de Wissous a passé un contrat avec Suez pour le traitement des eaux usées. Des pages et des pages de contrat que le maire lit dans le détail jusqu’à débusquer selon lui, une anomalie : « je reçois une facture et je constate que la réalité de cette facture n’est pas faite, c’est ça qui a déclenché les choses. »
Une facture de 11 537 euros qui concerne l’entretien d’un bassin de rétention qui sert à retenir les eaux de pluie pour empêcher les inondations. « Inutile de vous dire que ces canalisations n’ont jamais été curées. Ce bassin peut déborder, il n’est pas fonctionnel du tout.”
967 000 euros depuis 2011 pour un service jugé non rendu
A Wissous, des bassins de rétention, il y en a huit. Pour leur entretien, l’entreprise facture à la commune 119 150 euros par an. Contacté, Suez nous assure qu’elle nettoie tous les bassins de la commune mais pas forcément chaque année. Elle nous transmet un document, photos à l’appui. Mais seuls 4 bassins sur 8 y figurent. Et l’entretien n’est recensé que pour les deux dernières années.
La ville de Wissous estime que Suez lui a facturé près de 967 000 euros depuis 2011 pour un service qu’elle juge non rendu.
En Île-de-France, 150 villes se sont regroupées et ont signé avec Veolia un contrat pour la distribution de l’eau potable. La Cour des comptes l’a analysé. Elle pointe un manque de clarté sur la facturation : « Veolia perçoit (…) chaque année des frais de siège à hauteur de 7 millions d’euros sans produire de justificatif. Il est difficile de savoir à quoi correspondent réellement ces frais. »
D’après Veolia, ces frais de siège concernent la recherche et développement ou encore le service juridique, mais pour ce consultant spécialiste de ce type de contrats, cela permet surtout à l’entreprise de s’enrichir discrètement :
« C’est 7 millions d’euros, vous ne savez pas ce qu’il y a derrière, donc la tentation est forte quand même d’améliorer un peu la marge de l’entreprise en faisant un forfait et en se rendant compte que la collectivité ne va pas trop chercher. » La Cour des comptes souligne aussi une rémunération de Veolia qui s’envole : de 7 millions prévus, elle passe à plus de 20 millions d’euros. A la même période, le prix de l’eau n’a pas baissé pour les usagers.
Pour le patron de Veolia Île-de-France, les bonnes performances du groupe doivent être récompensées : « Il y a un contrat qui est défini, il ne faudrait pas non plus que seuls les risques soient pour le délégataire et quand on réussit bien sur un contrat, on n’en tire pas les bénéfices. »
Suite aux recommandations de la Cour des comptes, Veolia a baissé de 10 centimes par mètre cubes le prix de l’eau cette année, pour les usagers des 150 communes d’Île-de-France. Encore un peu de transparence, et l’eau n’en sera que meilleure.