Une arme de dissolution massive

La dissolution du collectif « Soulèvements de la Terre » le 21 juin 2023 ne peut que nous interroger sur la relation étrange que le pouvoir entretient avec le secteur associatif. De toute évidence, le président de la République ne comprend pas les associations. Des gens qui se réunissent autour d’un projet commun pour réaliser autre chose que des bénéfices lui semble totalement hors cadre. Donner de son temps aux autres ne peut pas être le comportement digne de gens sérieux. Par le Mouvement associatif.

De cette incompréhension est née la loi contre le séparatisme dont le « Contrat Républicain » est bien une arme de dissolution massive utilisée selon le fait du prince.

Il ne nous comprend pas, alors il se méfie de nous. Et cette méfiance se caractérise par la remise en cause de la subvention pour la « Ligue des Droits de l’Homme » ou l’utilisation de la justice pour retirer l’agrément de l’association « Anticor » (1). Savez-vous que la France est le seul pays démocratique où il faut demander une autorisation pour lutter contre la corruption ? Est-ce digne d’un pays démocratique ? Sans oublier l’art et la manière d’utiliser la subvention comme un acte de soumission au pouvoir.

Notre pays va mal. Economiquement bien sûr, la pauvreté fait sauter toutes les digues. Mais pire encore, la France a mal à sa démocratie. Pas une manifestation (sauf celles de l’extrême droite) sans le fracas incessant des grenades et des LBD, sans coups, sans nassages pourtant interdits, sans arrestations arbitraires, etc. Partout la force est déployée, partout elle est utilisée pour contraindre, pour faire peur, pour empêcher les gens de revenir en manifestation.

Devant l’urgence de la situation, nous reproduisons le communiqué de presse du « Mouvement associatif ». Rassemblant, au travers de ses membres, plus de 700 000 associations, le « Mouvement associatif » représente plus de la moitié des associations en France. Autant dire que sa parole compte.

Si Le Mouvement associatif ne cautionne aucune forme d’appel à la violence ou à la haine, et considère que tout auteur de violences ou de dégradations pourrait naturellement être appelé à en répondre devant la justice, nous ne pouvons qu’être inquiets du choix fait d’une dissolution. Inquiets d’abord du symbole que représente la dissolution d’un groupement de défense de l’environnement à l’heure où tout nous indique que nous ne sommes pas à la hauteur de la crise écologique annoncée, et du signal ainsi envoyé.

Inquiets ensuite en constatant que cette décision s’inscrit dans une tendance récurrente depuis plusieurs mois consistant à criminaliser les militants écologistes et les associations de défense de l’environnement. Ainsi, le contrat d’engagement républicain entré en vigueur depuis un an et demi, annoncé comme un outil de lutte contre les séparatismes, a été mobilisé à plusieurs reprises à l’encontre d’associations de défense de l’environnement.

Nous nous alarmons de voir les moyens anti-terroristes utilisés face à des militants écologistes, ainsi que de plusieurs amendements débattus à l’Assemblée nationale ou au Sénat visant à s’en prendre directement aux associations de protection de l’environnement. Inquiets toujours car c’est également à la suite de la manifestation de Sainte-Soline que le gouvernement a critiqué l’action de la Ligue des Droits de l’Homme allant jusqu’à remettre en cause sa subvention.

Ces attaques sont venues nous rappeler que la subvention est trop souvent perçue comme un instrument de soumission là où elle devrait permettre la mobilisation des associations au service du projet démocratique. Inquiets enfin car cette dissolution nous renvoie au dialogue parfois difficile entre les acteurs associatifs et les pouvoirs publics.

Alors que Le Mouvement associatif a toujours placé le dialogue et la concertation au coeur de son action, les alertes répétées de ces derniers mois contre les libertés associatives placent les associations dans une position toujours plus délicate. Il est urgent de revenir à un échange fort tel qu’il était prodigué dans la charte des engagements réciproques et de reconnaitre les associations, dans la diversité de leurs modes d’action, comme des interlocuteurs essentiels face aux enjeux sociaux et environnementaux.

Car si nous devons être inquiets aujourd’hui, ce n’est pas tant de la radicalité des militants ou des associations écologistes que des enjeux climatiques qui sont face à nous.

3 réflexions sur « Une arme de dissolution massive »

  1. Il y a un double rapport. La Coordination EAU Île-de-France est une association. Beaucoup de gens qui agissent à nos côtés dans le domaine de l’eau sont dans des associations diverses. Nous sommes donc directement concernés par le pacte d’engagement républicain et sa logique dénoncée dans le communiqué du mouvement associatif.
    En second lieu, la Coordination EAU Île-de-France est engagée contre toutes les formes d’accaparement privé de de l’eau. Elle a participé aux rassemblements contre les bassines et est pleinement solidaire de bassines, non merci et des Soulèvements de la Terre!

  2. Bonsoir et merci,
    Depuis bien trop longtemps, la tendance générale impulsée ou tolérée par tous nos dirigeants politiques est à l’infantilisation d’un maximum de citoyens. L’action des grands médias est variable mais de plus en plus déterminante : certains participent activement à l’arrivée au pouvoir de leurs poulains, d’autres sont manifestement aux ordres de femmes ou d’hommes politiques ou très politisés. Une vraie liberté de la presse est à réinstaller (exemple récent du JDD, traduit par le Canard de ce mercredi en Journal D’extrême Droite !) dans notre pays et en Europe. Idem pour ce qui concerne les religions dont plusieurs chaînes TV relaient les activités de manière plus ou moins insidieuse (signe de croix d’un footballeur, récemment, match de foot de curés, Poutine à l’église, Trump avec sa Bible (tenue à l’envers !), reportages touristiques insistant sur les édifices religieux, déclarations « grâce à Dieu », « si Dieu le veut » de personnes interrogées, même après une catastrophe naturelle ayant fait des centaines de victimes. Images qui sont rediffusées autant que possible. En politique, comme en religion, nous constatons en permanence la culture de l’égoïsme sous des couverts de charité et de vie en commun ! En politique, comme en religion, il y a ceux qui la servent et ceux qui s’en servent. Il est toujours indispensable de bien établir la distinction !

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