Quel avenir pour l’eau potable en Île-de-France?

Lors d’une conférence de presse à l’Académie du climat à Paris, lundi 26 juin, Dan Lert, adjoint à la Maire de Paris et président d’Eau de Paris, Michel Bisson, président de Grand Paris Sud, Eric Braive, président de Coeur d’Essonne, Fatah Aggoune, conseiller délégué à l’EPT Grand Orly Seine Bièvre, président de la Régie Eaux de la Seine et de la Bièvre et Jean-Claude Oliva, vice-président d’Est Ensemble et président de la Régie, ont présenté leurs cahiers d’acteurs dans le cadre du débat public sur l’eau potable en Île-de-France.

Mise à jour avec la dépêche d’AGRA-FIL l’agence d’informations de la filière agricole.

De g à d, Jean-Claude Oliva, Fatah Aggoune, Dan Lert et Michel Bisson.

Paris, le 26 juin 2023. A l’occasion du débat organisé par la Commission nationale du débat public, intitulé « L’eau potable en Île-de-France », qui porte de fait sur le projet de traitement de l’eau que souhaite engager le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) sur ses usines, des élus franciliens ont expliqué les raisons de leur opposition au projet de traitement de l’eau par osmose inverse basse pression (OIBP) mené par le SEDIF, et leur choix résolu, à l’échelle de l’Île-de-France et du bassin parisien, d’une approche fondée sur une véritable complémentarité entre prévention à la source des pollutions et juste traitement de l’eau potable.

Dan Lert, adjoint à la Maire de Paris et président d’Eau de Paris : « Ce projet à 1 milliard d’euros est particulièrement énergivore et polluant. Nous demandons son retrait pur et simple et défendons une vision diamétralement opposée de prévention des pollutions à la source et de sobriété industrielle. La prévention des pollutions à la source n’est plus une option. Avec le changement climatique, c’est une nécessité. »

Les élus ont remis leurs contributions au débat public sous forme de cahiers d’acteurs présentant de sérieuses inquiétudes sur les conséquences écologiques, énergétiques, économiques et sociales à l’échelle de l’Île-de-France, et leurs propositions alternatives pour une gestion durable de l’eau.

Des questionnements communs  

Dans le cadre du débat public en cours, le SEDIF a produit un document de présentation de son projet, qui soulève de nombreuses inquiétudes, que les élus relaient dans leurs cahiers d’acteurs.

Ainsi, cette technologie traditionnellement utilisée pour le dessalement d’eau de mer, est extrêmement énergivore, multipliant par deux à trois les consommations d’un traitement classique.

Avec ce procédé, l’eau est injectée à travers une membrane qui filtre l’eau à un niveau tel qu’elle doit être complétée par des minéraux qui sont réinjectés avant distribution au robinet ou diluée avec d’autres eaux passées par des process différents pour être consommable.

Par ailleurs, la production d’eau potable nécessite un prélèvement d’eau dans le milieu naturel de 15% à 20 % supérieur aux filières actuelles pour une production identique. Cet accroissement des prélèvements apparaît en fort décalage avec la priorité donnée à l’échelle nationale à la sobriété en eau face aux sécheresses actuelles et à venir.

Un ensemble de questions se posent quant au rejet dans le fleuve des eaux de traitements de ce procédé. Le SEDIF, indique à ce stade ne pas avoir prévu de filières d’élimination complète de ces eaux de traitements. Il reporte donc cette charge sur les autres acteurs de l’eau. A l’échelle du bassin Seine-Normandie, c’est une approche non-coopérative, inefficace et consommatrice de nombreuses ressources, en énergie comme en réactifs.

Les élus alertent également sur le cout du projet, estimé aujourd’hui à 870 M€ dans un contexte d’inflation dans le secteur de la construction, qui aura un impact significatif sur la facture d’eau des usagers. À ce stade, le SEDIF estime que cette technologie se traduira par une augmentation du prix de l’eau de 27 c€/m3, ce qui représente plus de 20 % d’augmentation de la part eau potable et le double du seul coût actuel de production de l’eau.

 Les services publics doivent jouer un rôle de bouclier pour les populations les plus fragiles et ne pas alimenter l’inflation.” Jean-Claude Oliva, Vice-Président d’Est Ensemble et Président de la régie d’eau d’Est Ensemble

Des territoires qui partagent une même vision de long terme et solidaire pour la gestion de de l’eau à l’échelle de l’Île-de-France : la complémentarité entre prévention et traitement

Les élus des territoires défendent une vision durable de l’eau qui privilégie une approche préventive de la pollution de l’eau et proposent de généraliser la protection des zones de captages, en accompagnant les agriculteurs dans la transformation de leurs activités vers un modèle plus durable. En unissant leurs moyens et leurs démarches, les acteurs de l’eau d’Île-de-France pourraient rapidement protéger non seulement les ressources souterraines mais renforcer la préservation des eaux de rivière, indispensables à l’alimentation en eau potable de nombreux territoires.

Dans un rapport de 2013, l’ANSES soulignait la faible part de l’eau de boisson dans l’exposition des populations aux micropolluants (de 1% à 5% de la dose journalière admissible pour les substances suivies). Le choix d’un traitement curatif conduirait donc à consacrer des montants d’argent public faramineux pour ne traiter qu’une part très faible de l’exposition aux substances.

« Si on ne fait rien pour interdire ou réduire les pollutions en amont, on est dans une histoire sans fin. Le meilleur traitement, c’est la prévention des pollutions à la source. » Éric Braive, Président de Coeur d’Essonne Agglomération

Pour un Grenelle de l’eau potable en Île-de-France

Les territoires partenaires en appellent aussi à l’Etat, pour l’organisation d’un débat à la hauteur de ces enjeux et à la bonne échelle, celle du bassin hydrographique de la Seine. Un seul acteur, même majeur, ne doit pas se mettre en position d’établir une norme en matière de traitement

« Face aux enjeux du réchauffement climatique, nous avons besoin d’un travail commun des opérateurs de l’eau pour protéger la ressource et assurer l’avenir. Cette technologie va à l’encontre de cette solidarité entre collectivités. » Fatah Aggoune, conseiller délégué à Grand Orly Seine Bièvre et Président de la Régie Eaux de la Seine et de la Bièvre

Les élus de ces territoires demandent l’organisation d’un Grenelle francilien de l’eau potable, afin que toutes ces questions soient étudiées avec la rigueur nécessaire et que les approches individuelles cèdent le pas à une approche collective.

Il est plus que temps que les acteurs de la gestion de l’eau en Île-de-France se mettent autour de la table pour répondre aux vrais défis de ce siècle: transition écologique, changement climatique, accès pour tous et toutes à ce bien commun. L’Etat doit prendre ses responsabilités et mettre fin aux démarches individualistes qui ne profitent qu’aux acteurs privés” Michel Bisson, Président de Grand Paris Sud

Ce Grenelle doit réunir aux côtés des territoires, les pouvoirs publics concernés (ARS, AESN, etc), les usagers domestiques et leurs associations, et le monde agricole dans sa diversité.

Eau et pesticides: des projets d’usines de traitement contestées en
Île-de-France

Par AGRA-FIL, L’agence d’information de référence pour les décideurs des filières agricoles et agroalimentaires

Les régies publiques qui alimentent en eau potable la ville de Paris et une partie de l’Ile-de-France ont appelé, le 26 juin, à organiser un ‘Grenelle de l’eau’ régional avec l’Etat, selon l’AFP. Elles dénoncent le projet du syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) de doter trois usines d’une technologie de filtration par membranes «haute performance» promettant «une eau plus pure», c’est-à-dire débarrassée d’un maximum de micropolluants, sans chlore ni calcaire. Un projet pesant près d’un milliard d’euros, dont la mise en service est prévue en 2030-2032. Au-delà du coût élevé, les régies publiques de l’eau estiment que ce projet est énergivore, non-écologique et anti-démocratique. Il entraînera «l’explosion de la consommation énergétique» et «le report des pollutions sur d’autres acteurs» via les rejets de ces traitements, a estimé le président d’Eau de Paris, Dan Lert, qui demande «le retrait du projet». Les régies publiques estiment qu’il faut préserver en amont la ressource en eau et soutenir «un modèle industriel de juste traitement» selon Jean-Claude Oliva, vice-président d’Est Ensemble. De son côté, Dan Lert a indiqué avoir écrit au préfet pour de‐ mander l’interdiction des pesticides sur les aires de captage d’eau prioritaires pour Paris. ■

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