Les citoyens et leurs associations n’étaient pas invités à s’exprimer au forum Veolia – Libération qui a eu lieu samedi 14 janvier à Paris. Mais même dans ces conditions biaisées, le PDG de la multinationale a été placé sur la défensive, notamment par Yannick Jadot, candidat écologiste à la présidentielle, qui l’a interpellé sur les coupures d’eau illégales pratiquées par Veolia. La vision du monde développée par le marchand d’eau est aujourd’hui largement rejetée par l’opinion. Voir le compte-rendu de Xavier Colas dans Libération et nos commentaires.
« L’eau, un bien comme les autres ?
Ressource naturelle, bien marchand, les deux ? Les questions de gouvernance et de financement de l’eau potable ont animé le premier débat de cette journée.
S’il est insupportable de passer soixante-douze heures loin de son smartphone, il est impossible de mener pareille expérience de privation avec l’eau. Et pour cause, l’eau n’est pas un bien comme les autres. «Ressource naturelle essentielle à la vie, elle est un bien commun dont la gestion doit tendre au bien-être des communautés et au service de l’intérêt général», précise Marie Tsanga Tabi, chercheuse en sciences humaines et sociales sur l’eau au sein de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA).
Distinguer l’eau du service d’eau potable
En France, la distribution et le traitement de l’eau prend la forme d’un service public qui peut être délégué à des opérateurs privés. «Certes, l’eau naturelle est un bien commun – la loi française dispose d’ailleurs que les masses d’eau en France appartiennent à la nation – mais la transformer en eau potable est très complexe. Les savoir-faire, l’organisation et les techniques nécessaires font de l’entreprise un acteur légitime dans la distribution d’eau potable et l’assainissement», explique Antoine Frérot, président-directeur-général de Veolia, ex-Compagnie nationale des eaux, créée il y a 160 ans.
Reste que ce modèle marchand d’accès à l’eau, diffusé au niveau mondial, n’est pas sans poser de questions. «Le modèle économique et financier de l’eau pose problème. Les recettes sont en régression du fait d’une moindre consommation grâce à la sobriété énergétique mais les coûts fixes pour la production de l’eau ne changent pas», détaille Michel Lesage, député socialiste des Côtes-d’Armor. Et si le Conseil constitutionnel a validé en 2015 l’interdiction totale des coupures d’eau instaurée par la loi Brottes du 15 avril 2013, «la question du droit à l’eau reste entière», ajoute le parlementaire. Rapporteur de la proposition de loi rédigée par une quarantaine d’ONG pour «la mise en oeuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement», Michel Lesage plaide, entre autres, pour la mise en place d’une aide préventive aux ménages consacrant plus de 3% de leurs revenus à leur facture d’eau. Et appelle à une plus grande intervention de la puissance publique pour la mise en place d’une véritable «démocratie de l’eau». Car c’est bien aux élus, locaux et nationaux, qu’il revient d’édicter les règles de la solidarité. A charge ensuite pour les opérateurs, publics ou privés, de les exécuter.
Régie publique vs opérateurs privés
«L’eau est très rarement prioritaire dans les arbitrages politiques. Sans mobilisation citoyenne, l’Union européenne n’aurait d’ailleurs pas exclu l’eau du processus de libéralisation. C’est toujours un combat de préserver ce bien vital des intérêts commerciaux», déplore Yannick Jadot. «D’ailleurs, vous êtes dans l’illégalité !», lance le candidat Europe Écologie – Les Verts à la présidentielle au président de Veolia, en pointant un procès-verbal établi à Douai à l’initiative de l’ONG France Libertés, expliquant que l’opérateur aurait coupé l’eau aux résidents d’un immeuble à la suite d’impayés. «Il s’agit d’un bâtiment industriel où la facture n’avait pas été payée depuis un an. Il se trouve que ce bâtiment a été transformé en habitations sans en informer l’administration. Nous avons rétabli l’eau dès que nous l’avons su», indique Antoine Frérot. «Nous gérons 16 millions de factures par an et nous respectons la loi, il peut y avoir quelques erreurs commises», concède-t-il. Et de rappeler que si la facture d’eau représente en moyenne 300 euros par an et par ménage, des aides notamment mises en place au niveau du département existent mais sont souvent méconnues des citoyens.
«Vos intérêts économiques sont légitimes. Mais ils ne correspondent pas forcément à l’intérêt général», relance Yannick Jadot qui milite pour passer d’une délégation de service public à une gestion intégralement publique de la distribution et de l’assainissement de l’eau. «Un certain nombre de régies publiques ont même réussi à faire baisser le prix de l’eau», avance le candidat EELV. Même interrogation chez cet étudiant de Science Po Lille venu assister au débat : «un mode de gestion public ne pourrait-il pas faire baisser le prix de l’eau ?». De son côté, Antoine Frérot ne manque pas de rappeler que ce sont « les collectivités qui déterminent le prix de l’eau, et d’ailleurs, ce sont les élus qui font le choix d’une exécution publique ou privée du service d’eau.» Le débat sur la gouvernance de l’eau potable reste, lui, bien ouvert. »
L’article (ou faut-il parler du publi-reportage?) de Libération mentionne: « l’opérateur aurait coupé l’eau aux résidents d’un immeuble« . Pourquoi un conditionnel pour un fait bien établi, appuyé par un constat d’huissier?
Par contre, concernant l’allégation fausse selon laquelle il s’agirait d’un bâtiment industriel, Libération n’a pas vérifié la source. Déontologie, quand tu nous tiens!