La Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé le 21 novembre 2019 l’annulation des délibérations du 29 mai 2013 du Syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers (SEPG) qui initiaient le renouvellement du contrat de délégation de service public avec la multinationale Suez. Le SEPG est condamné à verser 2000€ à la Coordination EAU Île-de-France défendue par l’avocat Yann Kermarrec.
Le contrat qui lie le Syndicat des Eaux de la presqu’île de Gennevilliers avec Eau et force, filiale de la multinationale Suez, est par sa taille le 3e contrat de délégation de service public de l’eau potable en France (après celui du SEDIF et celui de Marseille Métropole). Il concerne 610 000 habitants de dix villes de l’ouest parisien. Le jugement de la Cour administrative d’appel de Versailles confirme que son renouvellement a été décidé en toute illégalité en 2013. Cela en dit long sur la transparence qui ne règne toujours pas dans le domaine de l’eau, plus de vingt ans après la loi Sapin qui devait moraliser ce secteur…
De la privatisation de l’eau à celle de … la politique
En mai 2013, le SEPG a pris la décision de renouveler un contrat qui se terminait en … juin 2015! Il s’agissait d’un procédé particulièrement brutal pour éviter que les citoyen-nes ne s’emparent du sujet de la gestion de l’eau au moment des élections municipales de 2014.
Aussi la décision a été prise en catimini : pas d’affichage public annonçant la réunion du comité syndical et surtout la réunion n’a pas été publique ! Le siège du syndicat a même été fermé aux usagers pendant la réunion et placé sous la protection de vigiles… Et la réunion s’est tenue dans les locaux du délégataire, Eau et Force.
Il n’y a jamais eu non plus de réel bilan du contrat qui s’est achevé en 2015. Tout a été fait pour que les citoyen-nes ne soient pas informé-es et ne puissent pas intervenir dans le choix du mode de gestion.
Les deux délibérations qui choisissaient l’affermage comme mode de gestion du service public de l’eau et approuvaient l’avenant au marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour l’établissement d’un schéma directeur d’eau potable sont à présent annulées.
Cette décision de la Cour administrative d’appel met directement en cause la validité du contrat signé par la suite avec la filiale de Suez. Nous appelons M. Jean-Luc Leclercq, président du SEPG et adjoint au maire de Suresnes, à en tirer les conséquences et à le résilier.
Et maintenant?
L’ironie de l’histoire, c’est que le jugement définitif intervient à quelques mois des municipales de 2020 ! Faisons en sorte qu’il constitue un coup de boomerang citoyen pour les élu-es qui se sont affranchi-es des règles minimales de la démocratie.
Nous appelons les citoyen-nes à s’emparer de ce jugement et à interroger les candidat-es aux élections municipales dans les dix villes concernées. Que vont-ils-elles faire s’ils-elles sont élu-es? Vont-ils-elles remettre en cause un contrat passé dans de telles conditions d’opacité? Vont-ils-elles enfin ouvrir un dialogue sincère et public sur le choix du mode de gestion ? Ces questions touchent autant à la démocratie locale et à la citoyenneté qu’au choix économique lui-même.
Nous continuerons bien sûr notre action pour une plus grande transparence de la gestion du service de l’eau dans les modes existants, jusqu’au retour à une gestion publique, dans l’intérêt général des usagers et de la protection de la ressource.
Un fabuleux contrat privé
Comme le SEDIF pour Veolia, le SEPG est la vache à lait de Suez; il permet à la multinationale d’attaquer d’autres marchés, dopée par les résultats de ce « fabuleux contrat privé ». Les usagers eux, paient le prix fort de ce choix, puisqu’ils subissent un tarif de l’eau plus élevé que celui d’Eau de Paris et même que celui du SEDIF!
En 2013, le choix de renouvellement du contrat s’est fait sur la base d’une « délégation de service public optimisée » qui permettaient d’économiser la modique somme de 11,4 millions d’euros par an par rapport au contrat précédent. Soit 20 euros par an et par habitant. Mais la baisse de tarif n’a duré que deux ans! Suez a ensuite imposé à un SEPG très consentant, une option eau décarbonatée qui lui a permis d’augmenter à nouveau les dépenses du contrat et de faire repartir le tarif des usagers à la hausse! En 2013, le choix de la régie était présenté comme 3% plus cher que celui de la DSP optimisée. Avec le recul, on mesure l’ampleur de l’entourloupe!
Retour sur six ans d’action
Lien vers les faits survenus en 2013
Lien vers le recours contentieux porté en 2013 par la Coordination EAU Île-de-France et six associations et collectifs, dont Environnement 92, Naturellement Nanterre, ATTAC 92 ainsi que des usagers de cinq villes.
Lien vers le recours gracieux contre le choix de Suez comme délégataire en mars 2015 porté par la Coordination EAU Île-de-France avec Naturellement Nanterre, la fondation France Libertés et le collectif Eau claire de Seine.
Lien vers le premier succès des associations et des usagers au TA en 2016.