Le marché de l’usine de Clichy cassé par la justice

Le projet d’aménagement de l’usine de Clichy présenté par le groupement constitué des sociétés Stereau (Groupe Saur), OTV (Groupe Veolia) et Bouygues avait été retenu par le Siaap en 2015. DR.

Le tribunal administratif a jugé que le Syndicat interdépartemental d’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) n’avait pas été impartial en attribuant ce chantier de modernisation pesant 341 millions d’euros. Par Adeline Daboval dans le Parisien du 6 novembre 2018.

 

C’est un chantier pharaonique à 341 millions d’euros qui vient d’être résilié par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) : la modernisation complète de l’usine de prétraitement des eaux usées de Clichy-la-Garenne.

Dans un jugement rendu ce mardi, les magistrats ont estimé que l’attribution du marché en 2015 par le Syndicat interdépartemental d’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) n’était pas impartiale. Les juges relèvent même « une situation de conflit d’intérêts » dans son choix du groupement constitué des sociétés Stereau (Groupe Saur), OTV (Groupe Veolia) et Bouygues.

C’est un candidat déchu, le groupe italien Passavant, arrivé deuxième derrière le trio français, qui avait porté l’affaire devant la justice, surpris de ne pas avoir emporté le marché malgré… ses 71 millions d’euros de moins. Son offre s’élevait à 270 M€, contre 341 M€ pour le groupement Stereau-OTV.

Dans son jugement, le tribunal a retenu « un manquement à l’obligation d’impartialité ». Car pour prendre sa décision, le Siapp s’était fait assister de la société Artelia. Or Artelia, au moment même où elle rédigeait le rapport final favorisant OTV et Stereau, était candidate avec eux pour un autre marché du Siaap, concernant cette fois l’usine d’Achères (Yvelines). » Et les sociétés se connaissent bien. Par le passé, entre 1991 et 2016, Artelia et OTV ont décroché ensemble quatre marchés du Siaap pour un montant total de travaux de près de 1,2 milliard d’euros.

L’arrêt du chantier en cours « comporte un risque » en cas d’inondations, selon le Siaap

Dans un communiqué publié ce mardi soir, le Siaap a annoncé sa décision de faire appel. Il retient « que « la décision ne remet pas en cause les travaux déjà exécutés, ni leur utilité, dans le cadre d’une opération lancée en 2010 » mais il fait part de son « étonnement », agitant d’ores et déjà le chiffon rouge. « L’arrêt du chantier en cours de l’usine de Clichy comporte le risque de ne plus permettre au Siaap d’assurer dans les meilleures conditions la protection des populations face au risque d’inondations en cas d’événements climatiques extrêmes et de crue exceptionnelle, comme la région parisienne a pu en connaître ces deux dernières années », fait valoir le syndicat.

De son côté, l’avocat de Passavant se réjouit de la décision du tribunal. « J’y vois la continuation des ennuis pour le Siaap et pour l’oligopole des constructeurs français de stations d’épuration », souligne Me Pierre-Alexandre Kopp.

Et de rappeler qu’une autre procédure est en cours au pénal avec une plainte pour corruption, entente illicite et trafic d’influence. En mars 2018, le journal Le Monde révélait que l’entrepreneur milanais s’était vu offrir, au cours d’une conversation qu’il avait enregistrée, une trentaine de millions en échange de l’abandon de son recours.

L’USINE DE CLICHY DOIT AUGMENTER SA CAPACITE

Le Siaap est chargé du traitement des eaux usées de près de neuf millions d’habitants d’Ile-de-France, ainsi que des eaux pluviales et industrielles.

Dans l’usine de Clichy, construite en 1920 après la création des égouts par le baron Haussmann, arrivent les eaux usées d’une grande partie de Paris pour leur « prétraitement ». On y retire les gros déchets, les sables et les graisses avant que l’eau ne soit acheminée grâce à de gigantesques pompes vers les usines d’assainissement de Colombes, d’Achères et de Triel (Yvelines).

Le projet de modernisation a notamment pour objectif d’augmenter la capacité de filtrage de l’usine. Car en cas d’orage ou d’inondation, les quantités d’eau à traiter sont tellement importantes qu’une partie est rejetée à la Seine. Un bassin de stockage de 70 000 m3, soit 25 piscines olympiques, doit être aménagé.

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