Commentaire sur les jugements du Tribunal d’instance de Lens du 13 juin 2017 et du Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 août 2017 : la réduction de débit d’eau une nouvelle fois jugée illégale. Une jurisprudence opposée aux réductions de débit d’eau se confirme.
Par Daniel Kuri, Maître de conférences de droit privé, Université de Limoges (O.M.I.J.) EA 3177
- La confirmation d’un mouvement jurisprudentiel opposé aux réductions de débit d’eau
En effet, deux nouveaux jugements sont venus enrichir la jurisprudence considérant comme illégale les réductions de débit d’eau décidés par des distributeurs[1]. Il s’agit tout d’abord du jugement du Tribunal d’instance de Lens du 13 juin 2017 (A), puis du jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre rendu le 17 août 2017 (B).
- le Tribunal d’instance de Lens, le 13 juin 2017, condamne une telle pratique
Les faits à l’origine de la saisine du Tribunal étaient d’une cruelle banalité.
En raison d’un impayé d’eau de 269 euros, la société VEOLIA EAU avait procédé le 6 février 2017 à une réduction de débit d’eau au domicile de M. X. Informées de cette affaire, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE ont, par assignation en référé en date du 2 mai 2017, attrait la société VEOLIA EAU devant le Tribunal d’instance de Lens. Les demandeurs sollicitaient du Tribunal qu’il dise et juge que la réduction de débit d’eau effectuée par la société VEOLIA EAU au domicile de M. X constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser, et en conséquence d’ordonner la réouverture du branchement d’eau à débit normal de la résidence de M. X sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir. Les mêmes parties demandaient également au Tribunal d’interdire à la société VEOLIA EAU de procéder à la coupure du branchement ou à une réduction du débit d’eau au domicile de M. X sous astreinte de 200 euros par jour de retard en cas de violation de cette interdiction, et ce pendant une durée de deux ans.
Enfin, les auteurs de l’assignation demandaient la condamnation de la société VEOLIA EAU
au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour le préjudice subi par M. X du fait de la réduction de l’alimentation en eau de sa résidence principale. Par ailleurs, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE sollicitaient de Tribunal qu’il condamne la société VEOLIA EAU à leur payer à chacune la somme de 1 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens de la procédure.
Ces groupements exposaient notamment, au soutien de leurs demandes, que la pratique de la réduction de débit d’eau est prohibée par la loi n° 20l3-312 du 5 avril 2013, codifiée à l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), qu’il s’agit d’un trouble manifestement illicite en raison de l’atteinte au droit fondamental à l’eau indissociable du droit à la vie et à la dignité, à valeur constitutionnelle et reconnue au niveau supra national, qu’enfin la réduction du débit en eau par lentillage est assimilable à une interruption de fourniture d’eau compte tenu de la faiblesse du débit. Ils soulignaient également, qu’en dépit de nombreuses condamnations, la société VEOLIA EAU poursuivait ses comportements illicites en la matière. Enfin, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE rappelait que M. X a subi des préjudices en lien avec la réduction du débit d’eau, en ayant du exposer des dépenses pour vivre dans un logement devenu indécent en raison de la réduction de la fourniture en eau potable. De surcroit, la machine à laver et le cumulus ne pouvaient plus fonctionner, et M. X avait des difficultés considérables pour assurer une hygiène normale, faire la cuisine, laver la vaisselle et nettoyer son logement.
Par ailleurs, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE alléguaient qu’elles subissaient, elles-mêmes, un préjudice en raison de l’atteinte aux intérêts collectifs qu’elles défendent.
À l’audience de plaidoirie du 18 mai 2017, M. X, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE ont maintenu leurs prétentions mais se sont désistés de leurs demandes de rétablissement de la fourniture en eau sous astreinte dans la mesure où le débit d’eau avait été rétabli.
- X insistait sur les préjudices qu’il a subis, ayant été contraint d’aller laver son linge à l’extérieur, et ayant vécu une quasi coupure d’eau en raison de la faiblesse du débit. Il soulignait « qu’il fallait 3 heures pour prendre une douche et qu’il n’avait pas d’eau chaude, le chauffe-eau ne pouvant plus fonctionner».
Il indiquait ainsi avoir subi un important préjudice moral, dans la mesure où cette situation humiliante faisait obstacle à toute vie sociale.
La société VEOLIA EAU, quant à elle, sollicitait du Tribunal qu’il rejette les demandes d’injonction de rétablir le débit normal du branchement et d’interdiction pendant deux ans de fermer ou réduire le débit du branchement pour cause d’impayés, et qu’il ramène à de plus justes proportions le montant de l’indemnisation du préjudice moral subi par M. X, la Fondation FRANCE LIBERTES et l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE.
Elle exposait notamment qu’elle reconnait l’irrégularité de la pratique de la réduction de débit d’eau et que le branchement normal a été rétabli le 4 mai 2017. Elle précisait que la demande d’interdiction pour l’avenir de procéder à des réductions de débit en cas d’impayé ne relève pas de la compétence du juge des référés, les dispositions de l’article 809 du Code de procédure civile ne pouvant être appliquées pour faire cesser un trouble éventuel et à venir. Elle estimait, enfin, les demandes indemnitaires excessives et précisait que les sommes allouées varient beaucoup dans la jurisprudence, le montant médian des indemnités étant de 10 euros par jour.
À la suite de cette audience, le Tribunal s’est prononcé sur les différentes demandes des parties.
Ainsi, à propos de la demande visant à faire interdiction à la société VEOLIA EAU de procéder à la coupure du branchement ou à une réduction du débit d’eau du domicile de M. X sous astreinte pendant une durée de deux ans, le Tribunal rappelle la lettre du texte de l’article 809 du Code de procédure civile, alinéa 1er.
En application de ce texte, dit le Tribunal, « le président du tribunal peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »[2]
En conséquence, selon le Tribunal, « Cet article, relatif à la compétence du juge statuant en référé, ne permet pas de prescrire des mesures pour l’avenir afin de faire cesser un trouble simplement éventuel et non avéré. »
Le Tribunal se déclare donc incompétent pour statuer en référé sur la présente demande.
En ce qui concerne les demandes de dommages et intérêts, le Tribunal souligne que « L’article 809 du Code de procédure civile, alinéa 2, dispose que le président du tribunal peut, dans le cas l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier. »
Le Tribunal observe, ensuite, qu’en l’espèce « la société VEOLIA EAU ne conteste pas le principe de sa responsabilité », et il rappelle opportunément que « les dispositions de l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles, interdisant l’interruption de la fourniture d’eau pour une résidence principale et ce durant toute l’année – interruption à laquelle la réduction drastique du débit en eau par lentillage, empêchant un usage normal de l’installation, est assimilable – [n’ont] pas été respectées. »
S’agissant de l’indemnisation du préjudice de M. X, il convient, d’après les juges, de tenir compte :
« – d’une réduction majeure du débit d’eau pendant une durée de 88 jours (du 6/02/2017 au
4/05/2017), ayant pour conséquences, constatées par huissier, que seul un très mince filet d’eau s’écoule aux robinets, ce qui empêche la chaudière de produire de l’eau chaude et la machine à laver de fonctionner, et ce en partie en période hivernale,
– de l’impact évident sur la dignité de la personne et les répercussions morales, étant précisé que M. X est titulaire du RSA et vit dans un logement social, dans une situation de précarité,
– de la perte de jouissance de son logement dans une large mesure, [car] un logement où le débit en eau est très faible ne peut être considéré comme décent, la production d’eau chaude n’étant plus fonctionnelle notamment,
– de la répercussion sur la vie sociale, cette situation entrainant un important préjudice d’agrément et social au quotidien. »
Le Tribunal estime que « Compte tenu de ces éléments, il sera alloué la somme de 1 000 euros à titre provisionnel à M. X en réparation de ses préjudices. »
À propos du préjudice allégué par la Fondation FRANCE LIBERTE et La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE, le Tribunal va considérer qu’ « Il est établi que le but de Fondation FRANCE LIBERTE est notamment d’assurer un soutien matériel à tous ceux qui sont exposés au dénuement et à la misère ». De même, le Tribunal estime que « Selon ses statuts, l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE vise à promouvoir une gestion démocratique soutenable et équitable de l’eau, bien commun universel auquel tous les habitants de la planète ont droit d’accéder. »
En conséquence, le Tribunal décide que « La situation qui [lui] est soumise a porté un préjudice direct à l’objet social défendu par ces deux entités. Dans ces conditions, elles se verront accorder chacune la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. »
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens, le Tribunal déclare, enfin, que la société VEOLIA EAU, qui succombe au principal, sera condamnée au paiement des dépens, y compris les frais du constat d’huissier, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
En définitive, dans le dispositif de son jugement, le Tribunal s’est donc logiquement déclaré incompétent – eu égard à la lettre de l’article 809 du Code de procédure civile, alinéa 1er – pour statuer sur la demande visant à interdire à la société VEOLIA EAU de procéder à la coupure du branchement ou à la réduction du débit d’eau de M. X, sous astreinte, pendant une durée de deux ans.
Il a, par ailleurs, condamné la société VEOLIA EAU à payer des dommages-intérêts à M. X, à la Fondation FRANCE LIBERTE et à La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE.
Enfin, la société VEOLIA EAU a été condamnée à payer aux mêmes parties les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Outre le Tribunal d’instance de Lens, le 13 juin 2017, le Tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement rendu le 17 août 2017, a également condamné un distributeur ayant procédé à une réduction de débit d’eau.
- Le Tribunal de grande instance de Nanterre, le 17 août 2017, confirme le mouvement jurisprudentiel opposé aux réductions de débit d’eau
Les faits à l’origine du litige étaient, comme le plus souvent, d’une triste banalité.
À la suite d’une facture impayée, la société SAUR avait procédé, le 15 février 2016, à une réduction de débit de l’alimentation en eau au domicile de Mme Y.
Contestant cette décision, Mme Y, la Fondation FRANCE LIBERTES ainsi que l’association La Coordination EAU- ILE- DE-FRANCE avaient, par acte du 17 mai 2017, assigné en référé la société SAUR.
Aux-termes de leurs conclusions, reprises à l’audience de plaidoirie du 4 juillet 2017, les parties demandaient au juge des référés de :
« Dire et juger que la réduction de débit d’eau effectuée par la société SAUR au domicile de Mme Y constitue un trouble manifestement illicite et en conséquence,
– Faire interdiction à la société SAUR de procéder à la coupure du branchement ou une réduction du débit d’eau de Mme Y sous astreint de 200 euros par jour de retard en cas de violation de cette interdiction, et ce pendant une durée de deux ans ;
– Condamner la société SAUR au paiement de 12 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour le préjudice subi par Mme Y du fait de la réduction de l’alimentation en eau de sa résidence principale ;
– Condamner la société SAUR au paiement de 1 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour la Fondation FRANCE LIBERTES, et La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE ;
– Condamner la société SAUR au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. »
Les demandeurs exposaient que Mme Y est âgée de 56 ans et perçoit comme seul revenu le RSA et que la société SAUR a procédé à une réduction du débit d’eau au domicile de Mme Y alors qu’elle était au courant de la proposition d’effacement de la dette proposée par la commission de surendettement puisqu’elle figurait sur la liste des créanciers.
Ils ajoutaient que le débit de l’alimentation en eau a été rétabli le 22 mai 2017 suite à la délivrance de l’assignation.
Enfin, ils soulignaient que l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles n’évoque la possibilité de réduction de puissance que pour les seuls fournisseurs d’électricité et que l’interdiction de la pratique du lentillage – en raison de son assimilation à une interruption au vu du faible débit qui porte atteinte aux caractéristiques du logement décent – a été reconnue par la jurisprudence.
Par ailleurs, les demandeurs soutenaient que le risque d’un comportement illicite de la société SAUR faisait craindre un dommage imminent pour Mme Y qui justifiait d’interdire à la société SAUR, sous astreinte de 200 euros par jour de retard en cas de manquement à cette interdiction, de couper le branchement en eau ou réduire le débit en eau de sa résidence principale.
Ils concluaient en estimant que Mme Y a subi un préjudice moral à hauteur de 12 000 euros dans la mesure où la réduction de fourniture en eau a rendu son logement indécent.
Aux termes de ses conclusions, également reprises à l’audience de plaidoirie, la société SAUR demandait au juge des référés de :
« Rejeter la demande de rétablissement du débit normal du branchement ;
Rejeter la demande d’injonction de ne plus procéder à l’avenir à des mesures d’interruption ou de réduction de débit ;
Ramener à de plus justes proportions le montant de l’indemnisation du préjudice moral subi [par les demandeurs] ».
La société SAUR faisait valoir qu’elle n’avait pas été informée de la proposition d’effacement de la dette de Mme Y et que celle-ci n’avait jamais sollicité le rétablissement du débit normal de son branchement qui avait d’ailleurs été rétabli le 22 mai 2017.
Par ailleurs, elle « ne [contestait] pas qu’à ce jour, l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles interdisant les interruptions de fourniture d’eau potable en cas d’impayés pour les résidences principales [soit] également applicable aux mesures de réduction de débit ; »
Enfin, la société SAUR estimait que la demande d’interdiction de procéder à l’avenir à des mesures de réduction de débit en cas d’impayés était infondée « au motif que, si le tribunal devait juger la réduction de débit d’eau illégale, cela n’aurait juridiquement pas de sens de la condamner à respecter la loi. »
À la suite de cette audience de plaidoirie, tenue le 4 juillet 2017, le Tribunal s’est donc prononcé sur les différentes demandes des parties[3].
Ainsi, s’agissant de la demande d’interdiction sous astreinte de procéder pour l’avenir à des mesures de réduction de débit en cas d’impayés, le Tribunal va rappeler tout d’abord que selon les dispositions de l’article 809, alinéa 1er , du Code de procédure civile, le président du tribunal peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il va considérer, ensuite, qu’il « n’est pas contesté que les dispositions de l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles interdisent au distributeur la réduction du débit d’alimentation en eau pour les résidences principales ».
Il va estimer, enfin, que « Le débit d’alimentation en eau du domicile de Mme Y ayant été rétabli avant l’audience, la preuve d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, qui ne peut se déduire du seul manquement passé de la société SAUR à ses obligations, n’est pas rapportée. »
La demande de Mme Y, de la Fondation FRANCE LIBERTES ainsi que de l’association La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE est en conséquence rejetée par les juges de Nanterre
En ce qui concerne les demandes de provision des mêmes parties, le Tribunal commence, en premier lieu, par énoncer que « Conformément à l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Le montant de la provision allouée en référé [n’ayant] d’autres limites que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Le juge des référés [fixant] discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant. »
Le Tribunal considère, ensuite, que « l’obligation de la société SAUR, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, n’est pas sérieusement contestable suite à la privation de Mme Y d’un accès à un débit normal d’eau courante pendant plus de 15 mois, en violation des dispositions précitées ».
Par ailleurs, selon le Tribunal, la société SAUR ne démontre pas l’existence d’une faute commise par Mme Y venant réduire son droit à indemnisation. Le Tribunal souligne, d’ailleurs, qu’ « il convient de rappeler que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. »
Enfin, d’après les juges, « Il résulte des pièces versées au débat, notamment le procès-verbal de constat d’huissier de justice du 4 mai 2017, que la réduction du débit d’alimentation en eau courante empêchait Mme Y de se servir de son lave-linge, ralentissait fortement la fourniture en eau chaude du logement et allongeait de plusieurs dizaines de minutes le temps de prise d’une douche, outre que l’utilisation de plusieurs robinets en même temps était rendue impossible. »
Ainsi, « Compte tenu de la durée de la réduction du débit d’alimentation en eau, [le tribunal a décidé qu’il sera alloué à Mme Y] une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral, d’un montant suffisant et non sérieusement contestable de 5 000 euros. »
Le Tribunal a considéré, ensuite qu’il y avait lieu de condamner la société SAUR à payer à la Fondation FRANCE LIBERTES et à la Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE, à titre provisionnel, la somme de 1 000 euros chacune au titre de leur préjudice respectif « En relevant que l’objet social de la Fondation FRANCE LIBERTES reconnue d’utilité publique et celui de La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE, ont pour but notamment d’assurer un soutien matériel aux personnes démunies et de promouvoir une gestion de l’eau ‘‘démocratique, soutenable et équitable […] en lien étroit avec les usagers’’ ».
Le Tribunal a décidé, enfin, que sur les autres demandes, il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les frais exposés à l’occasion de la présente instance et non compris dans les dépens. Il leur a, en conséquence, alloué la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Le Tribunal précise, à cet égard, que cette somme « prend en compte le coût du procès-verbal de constat d’huissier de justice, ce dernier ne relevant pas en l’espèce des dépens. »
Dans le dispositif de son jugement, le Tribunal reprend in extenso les diverses condamnations de la société SAUR mais prononce également le rejet « des autres demandes ». Le Tribunal vise ici, sans la citer, le rejet de la demande d’interdiction sous astreinte de procéder pour l’avenir à des mesures de réduction de débit en cas d’impayés, formulée par Mme Y, la Fondation FRANCE LIBERTES et La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE à l’encontre de la société SAUR.
Ce jugement, ainsi que celui du Tribunal de Lens, comportent plusieurs enseignements, certains n’appellent pas de précisions particulières, d’autres méritent davantage l’attention.
Si la condamnation des distributeurs d’eau ayant réduit le débit de celle-ci est désormais classique en jurisprudence[4], ce jugement – comme celui du Tribunal de Lens – est en effet intéressant pour plusieurs autres raisons.
D’abord car ces jugement révèlent une nouvelle stratégie des fournisseurs d’eau qui ne contestent plus l’illicéité des mesures de réduction d’eau…qu’ils pratiquent pourtant eux-mêmes ! Rappelons seulement à ce sujet que, dans ses conclusions, la SAUR « ne [contestait] pas qu’à ce jour, l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles interdisant les interruptions de fourniture d’eau potable en cas d’impayés pour les résidences principales [soit] également applicable aux mesures de réduction de débit ; ». Le Tribunal de Nanterre rappelait d’ailleurs lui-même qu’ « Il n’est pas contesté que les dispositions de l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles interdisent au distributeur la réduction du débit d’alimentation en eau pour les résidences principales ». Le Tribunal voyait d’ailleurs implicitement la preuve de cette non contestation dans le fait que « Le débit d’alimentation en eau du domicile de Mme Y [avait] été rétabli avant l’audience ».
On se souvient que déjà le Tribunal d’instance de Lens, le 13 juin 2017, avait relevé que « la société VEOLIA EAU ne [contestait] pas le principe de sa responsabilité », et avait rappelé que « les dispositions de l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles, interdisant l’interruption de la fourniture d’eau pour une résidence principale et ce durant toute l’année – interruption à laquelle la réduction drastique du débit en eau par lentillage, empêchant un usage normal de l’installation, est assimilable – [n’avaient] pas été respectées. »
Cette stratégie nouvelle a sans doute été décidée par les distributeurs et leurs conseils en raison de l’échec manifeste de celle consistant à considérer que l’interdiction de procéder à des coupures d’eau depuis la loi dite « Brottes » du 15 avril 2013[5], permettait aux fournisseurs de pratiquer des réductions de débit d’eau au sein du domicile des personnes en conflit avec eux[6].
L’avenir dira si cette stratégie nouvelle réussira davantage aux distributeurs d’eau que la précédente[7].
L’autre intérêt de ces jugements concerne la question des demandes d’interdiction sous astreinte de procéder pour l’avenir à des mesures de réduction de débit en cas d’impayés, formulées, dans ces affaires, par les abonnés ainsi que la Fondation FRANCE LIBERTES et La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE.
Le Tribunal de Nanterre va, à propos de cette demande, prononcer son incompétence à partir du constat selon lequel « Le débit d’alimentation en eau du domicile de Mme Y [avait] été rétabli avant l’audience ».
Les juges vont, en effet, estimer que « Le débit d’alimentation en eau du domicile de Mme Y ayant été rétabli avant l’audience, la preuve d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, qui ne peut se déduire du seul manquement passé de la société SAUR à ses obligations, n’est pas rapportée. ».
Les juges de Nanterre ont ici une interprétation traditionnelle de la compétence du juge des référés et de l’interprétation de l’article 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile.
Le Tribunal de Lens était arrivé à la même conclusion en considérant que « Cet article, relatif à la compétence du juge statuant en référé, ne permet pas de prescrire des mesures pour l’avenir afin de faire cesser un trouble simplement éventuel et non avéré. »
Les juges lensois s’étaient, en conséquence, également déclarés incompétents pour statuer en référé sur cette demande.
Enfin, et c’est le dernier intérêt de ces deux jugements, les dommages intérêts accordés aux requérants le sont sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile qui dispose que : « le président du tribunal peut, dans le cas l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier. ».
Le Tribunal de Lens évoque cependant, en plus, le fait que les dispositions de l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles « n’ [ont] pas été respectées. »
On ne voit pas ainsi apparaître dans ces jugements d’autres motifs à l’appui de la condamnation des fournisseurs d’eau.
Sur le fond du droit, on peut donc observer que les deux jugements sont moins motivés que le jugement du Tribunal d’instance de Limoges du 6 janvier 2016 ou que les arrêts de la Cour d’appel de Limoges du 15 septembre 2016 et de la Cour d’appel de Nîmes du 9 février 2017.
Les conseils de M. X, de la Fondation FRANCE LIBERTE et de La Coordination EAU-ILE-DE-FRANCE avaient pourtant exposé, au soutien de leurs demandes, devant le Tribunal de Lens, que la pratique de la réduction de débit d’eau est prohibée par la loi n° 20l3-312 du 5 avril 2013, codifiée à l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles, qu’il s’agit d’un trouble manifestement illicite en raison de l’atteinte au droit fondamental à l’eau indissociable du droit à la vie et à la dignité, à valeur constitutionnelle et reconnue au niveau supra national, qu’enfin la réduction du débit en eau par lentillage est assimilable à une interruption de fourniture d’eau compte tenu de la faiblesse du débit.
Plus modestement, les avocats de Mme Y, de la Fondation FRANCE LIBERTES et de La Coordination EAU-ILE-DE-France, devant le Tribunal de Nanterre, soulignaient que l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) n’évoque la possibilité de réduction de puissance que pour les seuls fournisseurs d’électricité et que l’interdiction de la pratique du lentillage – en raison de son assimilation à une interruption au vu du faible débit qui porte atteinte aux caractéristiques du logement décent – a été reconnue par la jurisprudence.
En dépit de ces conclusions, et tout en accueillant les demandes, les juges ont motivé de façon minimale leurs jugements. Cette moindre motivation des jugements du Tribunal de Lens et surtout du Tribunal de Nanterre est donc à noter, notamment si on compare ces jugements avec les décisions des juridictions limousines et de la Cour d’appel de Nîmes.
Ainsi, les juridictions limougeaudes et la Cour d’appel de Nîmes avaient fondé leur condamnation des distributeurs d’eau en ayant recours à l’article L 115-3 du CASF et « En considération des dispositions législatives en vigueur qui ne prévoient pas la possibilité d’une réduction de fourniture d’eau au contraire de l’électricité »[8].
De même, la Cour d’appel de Limoges, dans son arrêt du 15 septembre 2016, avait observé qu’une réponse ministérielle allait en ce sens[9].
Enfin, la même juridiction avait noté que « D’une manière plus générale, [l’interdiction de la réduction de la distribution d’eau] correspond à la tendance vers l’évolution d’un droit à l’eau potable ». La Cour, à cet égard, n’avait pas hésité à affirmer que cette évolution vers « un droit à l’eau potable » s’est traduite par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 28 juillet 2010 qui reconnaît l’accès à l’eau comme étant un droit fondamental[10].
Sans reprendre ces bons arguments, la Cour d’appel de Nîmes considérait également que la
réduction du débit d’eau effectuée par la société Avignonnaise des Eaux au domicile d’un abonné constituait un trouble manifestement illicite « en l’absence de norme réglementaire encadrant la technique du ‘‘pastillage’’ et fixant un seuil de débit et de pression de nature à garantir la préservation du droit à caractère constitutionnel à un logement décent ». L’absence de réglementation administrative en la matière était donc directement invoquée pour dire que le droit constitutionnel à un logement décent ne serait alors pas garanti. Comme nous l’avions écrit, ce nouveau fondement, dans l’esprit de la Cour, était destiné à renforcer le fondement plus classique de l’article L 115-3 du CASF. Il ne signifiait en aucun cas que la seule présence d’une norme réglementaire encadrant la technique du « pastillage » et fixant un seuil de débit et de pression serait de nature à garantir la préservation du droit à caractère constitutionnel à un logement décent. En réalité, dans ce motif, les magistrats dénonçaient directement et en tant que telle la pratique non encadrée de la technique du « pastillage ».
Comme nous l’avions déjà écrit en commentant l’arrêt limougeaud, on aimerait, à propos de ce principe du droit fondamental à l’accès à l’eau, trouver dans les décisions de justice des motivations plus fortes fondées notamment sur des textes européens voire internationaux.
Ainsi, devant la Cour d’appel de Limoges, l’avocate des personnes victimes de la réduction de débit d’eau avait invoqué dans ses conclusions une résolution du Conseil des droits de l’homme adoptée le 30 septembre 2010[11]. De même, elle avait rappelé que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies avait précisé, le 20 janvier 2002, dans son Observation n° 15[12], le contenu du droit à l’eau à propos de la mise en œuvre du Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (P.I.D.E.S.C) du 16 décembre 1966. On peut, à cet égard, noter que le Comité, dans cette Observation, qualifiait l’eau d’«indispensable à la vie et à la santé » et affirmait que « le droit de l’être humain à l’eau est donc fondamental pour qu’il puisse vivre une vie saine et digne », avant de conclure « que c’est la condition préalable à la réalisation de tous les autres droits »[13].
Le Comité avait également précisé que « les éléments constitutifs du droit à l’eau doivent être adéquats au regard de de la dignité humaine, de la vie et de la santé, conformément aux articles 11, § 1 et 12 du Pacte [PIDESC]. La notion d’approvisionnement en eau adéquat doit être interprétée d’une manière compatible avec la dignité humaine, et non au sens étroit, en faisant simplement référence à des critères de volume et à des aspects techniques »[14].
À l’occasion du colloque « Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), 50 ans après, des avancées ? »[15] », P. Texier, ancien président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans sa Conclusion du colloque, avait d’ailleurs souligné que le Comité, sur la base du PIDESC, avait créé « le droit à l’eau » qui n’existait pas en tant que tel dans le PIDESC[16].
On pourrait également se souvenir que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le 18 décembre 2013 une résolution intitulée « Le droit de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement »[17]. De même, lors du Sommet sur le développement durable de 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le 25 septembre le texte « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » dont l’Objectif n° 6 est de « Garantir l’accès de tous à l’eau et l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau » et notamment « 6.1. D’ici à 2030, assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable »[18]. Dans le même sens que l’Assemblée Générale des Nations unies ou le Comité, l’OMS, en partenariat avec l’UNICEF, s’est beaucoup investi dans le domaine de l’accès à l’eau dans le monde. Ces organisations ont ainsi publié le 30 juin 2015 un rapport sur l’accès à l’eau et à l’assainissement[19].
On signalera également qu’au niveau du Conseil de l’Europe, la Charte européenne des ressources en eau adoptée le 17 octobre 2001[20] mentionne, quant à elle, dans son article 5, que « toute personne a le droit de disposer d’une quantité d’eau suffisante pour satisfaire à ses besoins essentiels ». Enfin, on ajoutera que l’Union européenne a abordé la question de l’eau, mais d’abord du point de vue de l’écologie et du développement durable et non comme un droit fondamental de l’Homme[21]. Plus récemment, cependant, une initiative citoyenne européenne « Right2Water » portant sur le thème de « L’eau, un droit humain » a été adoptée par le Parlement européen[22]. Il faut toutefois relever que le Parlement européen, très favorable à la reconnaissance d’un droit à l’eau, s’est heurté aux réticences de la Commission européenne[23].
Ainsi, tant au niveau international qu’européen, il est régulièrement souligné que l’accès à l’eau est un droit fondamental, mais, comme en France, il n’est pas précisé de façon concrète quels sont les besoins vitaux de chaque individu ni comment on peut concilier cet impératif avec les considérations d’ordre économique[24]. En définitive, et malgré ces lacunes, les sources autres que nationales sont nombreuses et les juges pourraient, d’une manière générale, fortifier davantage l’autorité de leurs décisions en les utilisant.
À la lumière de cette observation, il n’en demeure pas moins que les jugements des tribunaux de Lens et de Nanterre confirment l’émergence d’un mouvement jurisprudentiel opposé aux réductions de débit d’eau.
Au-delà de ces solutions issues du droit positif, et comme nous l’avons déjà souligné[25], peut-être faudrait-il – et le débat actuel sur les biens communs nous y invite – reconsidérer la question de l’eau et du droit à celle-ci en prenant en compte dans l’aspect économique de la fourniture d’eau que l’eau – de surcroit de qualité – est un besoin essentiel de l’Homme. Dans cet esprit, le droit à une eau propre à la consommation humaine pourrait alors être garanti pour toute personne, à la fois par la précision des besoins vitaux de chaque individu, mais aussi par l’adoption d’une tarification progressive qui offrirait la gratuité des premiers mètres-cubes d’eaux dits « vitaux »[26]. Cette philosophie ne semble, cependant, pas être celle de la Cour de cassation qui – à propos de l’application de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques enjoignant aux communes de mettre fin aux conventions antérieures prévoyant la fourniture gratuite d’eau – a considéré, dans un arrêt du 8 novembre 2017[27], que « […] la loi nouvelle enjoint expressément aux communes de mettre fin, à compter du 1er janvier 2008, aux stipulations contraires à l’obligation de facturation de la fourniture d’eau qu’elle édicte, de sorte qu’elle s’applique aux effets futurs des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur, [En conséquence], la juridiction de proximité a violé les textes susvisés »[28]. Comme pouvait le résumer une commentatrice de l’arrêt « L’eau doit toujours être payante »[29]. Espérons que ce principe comportera des exceptions.
[1] Il semble, selon la Fondation France-Libertés, que le TI de Lyon fut le premier, le 13 mars 2015, à condamner un distributeur d’eau pour une réduction du débit de l’eau. Le TI de Limoges, le 6 janvier 2016, condamna également une telle mesure (voir à propos de ce jugement notre article « La petite affaire et les grands principes ou la réduction d’eau jugée illégale, commentaire sur le jugement du Tribunal d’instance de Limoges du 6 janvier 2016 », site lagbd), confirmé par CA de Limoges, 15 septembre 2016 (voir à ce sujet notre article, « La petite affaire et les grands principes ou la réduction du débit d’eau une nouvelle fois jugée illégale, commentaire sur l’arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 15 septembre 2016 », site lagbd).
De même, le TI de Puteaux, le 15 janvier 2016, a condamné la Société VEOLIA pour une réduction de débit d’eau illégale à Toulon. La CA de Nîmes, le 9 févier 2017 a également jugé illégale une réduction de débit d’eau (Les petites affaires et les grands principes, commentaire sur l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 9 février 2017 (la réduction de débit d’eau une nouvelle fois jugée illégale) et sur les jugements du Tribunal d’instance de Limoges du 25 janvier 2017 (le droit à une eau de qualité), site lagbd ; site de la Fondation France-Libertés, https: //France-libertés ; site de La Coordination Eau Île-de-France, https:// eau-iledefrance.fr
Enfin, récemment, le TI de Toulon, le 10 avril 2017, a encore confirmé cette solution. Selon le Tribunal d’instance de Toulon les « nombreuses décisions intervenues en la matière [vont] toutes dans le même sens pour considérer que cette pratique est soit illicite soit à minima non légalisée » et il condamne, en conséquence, la Société VEOLIA pour avoir réduit le débit de l’alimentation en eau chez un de ses usagers.
Les décisions peuvent être consultées et téléchargées sur le site de la Fondation France-Libertés, https: //France-libertés.
[2] Le Tribunal reprend in extenso le texte de l’article 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile.
[3] Sous un « chapeau » curieusement intitulé « Motivation ».
[4] Cf. supra, n. 28.
[5] Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. Cette loi, dans son article 19, interdit à tout distributeur de couper l’alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d’impayé et cela tout au long de l’année. C’est le même texte qui a institué aussi le principe de trêve hivernale pour l’électricité et le gaz, au bénéfice de tous les consommateurs sans distinction de revenus. Le décret n° 2014-274 du 27 février 2014 modifiant le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau, pris pour l’application de l’article 19 de la loi précitée, de l’aveu de plusieurs commentateurs, n’a donné aucune explication concernant la portée de la disposition législative sur les coupures d’eau, voir en ce sens https:// eau-iledefrance/les-coupures-deau-pour-impayes-sont-illegales/ pour qui « Le décret a d’ailleurs été rédigé de manière à ne pas dire que les coupures d’eau sont désormais interdites ou qu’elles sont autorisées dans certains cas. Ceci résulte du fait que la disposition législative est parfaitement claire : la loi exclut toutes les coupures sans prévoir d’exception ».
L’article 19 a lui-même été intégré dans l’article L. 115-3 du Code de l’action sociale et des familles.
[6] La Coordination Eau Île-de-France estime, à ce propos, que « Le décret du 27 février 2014 n’autorise pas les réductions de débit pour l’eau et doit être interprété comme excluant cette possibilité. De toute façon, depuis 2008, ces réductions étaient devenues totalement illégales », https:// eau-iledefrance.fr
[7] Est-ce seulement pour adoucir leur condamnation ou s’agit-il d’une « conversion » sincère ?
[8] CA de Nîmes, 9 février 2017, mais déjà TI de Limoges, 6 janvier 2016 et CA de Limoges, 15 septembre 2016.
[9] Réponse du Ministre du Logement sur question 91628 du 8 décembre 2015, J.O.A.N, 10 mai 2016.
[10] Résolution n° 64/ 492 du 28 juillet 2010, « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement », de l’Assemblée générale des Nations unies qui reconnaît l’accès à l’eau comme étant « un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme ».
[11] Résolution n° 15/9 du 30 septembre 2010 du Conseil des Droits de l’homme.
[12] Observation générale n° 15 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies – relative au droit à l’eau (articles 11 et 12 du P.I.D.E.S.C.) –, Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies du 20 janvier E/C.12/2002/11, 20 janvier 2003.
[13] Ibid, p. 1, § 1.
[14] Ibid, p. 5, §11.
[15] Colloque, « Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), 50 ans après, des avancées ? », Paris, 27 octobre 2017.
[16]Selon P. Texier, « Le PIDESC n’évoque pas l’eau, notamment dans les § 11 et 12 ».
[17] Résolution n° 68/ 157 du 18 décembre 2013, « Le droit de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement », de l’Assemblée générale des Nations unies.
[18] Résolution n° 70/1 du 25 septembre 2015, « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».
[19]« Rapport 2015 sur les progrès en matière d’assainissement et d’alimentation en eau : les principaux faits », site O.M.S. Selon l’O.M.S, la généralisation de l’accès à l’eau et à l’assainissement a vocation à permettre l’éradication de certaines maladies (le choléra notamment) et s’inscrit « par ricochet » dans l’aide au développement des populations (accès à l’éducation, progrès dans l’agriculture). Les objectifs sont plus que sanitaires car en ayant accès à l’eau du robinet ou à des fontaines publiques situées à proximité des logements, en particulier en zones rurales, les femmes comme les enfants se voient ainsi dispensés de la « corvée d’eau ».
[20] Recommandation N° R (2001) 14 sur la Charte européenne des ressources en eau adoptée par le Comité des Ministres le 17 octobre 2001.
[21] A titre d’exemple, en 2012, lors de la 7ème édition du Programme d’Action pour l’Environnement (PAE), la Commission européenne a ainsi proposé le rapport « Bien vivre, dans les limites de notre planète », adopté par le Parlement et le Conseil européen en novembre 2013,
https://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/7eap/fr.pdf
[22] Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur le suivi de l’initiative européenne citoyenne, « L’eau, un droit humain », www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2015-0294&language=FR&ring=A8-2015-0228
[23] La Commission européenne est restée en partie sourde à la demande des parlementaires européens, alors que ceux-ci l’invitaient à revoir rapidement les dispositions de sa directive-cadre sur l’eau. La Commission a finalement accepté de retirer l’eau et l’assainissement des objets visés par son projet de directive sur les contrats de concessions. La version finale adoptée de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession, précise que « le secteur de l’eau [est exclu] du champ d’application de la présente directive ».
[24] En France, ces considérations d’ordre économique sont certainement présentes avec la crainte d’entraver l’initiative économique ou les marges de manœuvre des distributeurs d’eau en adoptant des règles plus dissuasives ou plus restrictives que la loi dite « Brottes » du 15 avril 2013.
[25] Articles précités, cf. supra, n. 28.
[26] Nous faisons nôtre cette réflexion d’une jeune doctorante, E. Broussard, ancienne conseillère municipale en charge des questions de l’eau, qui, dans un courrier privé, ajoutait que « ce système déjà adopté par certaines villes (Dax) a l’avantage d’offrir aux plus précaires un accès sans condition à l’eau tout en responsabilisant les consommateurs les plus gourmands en eau ». Nous remercions, par ailleurs, E. Broussard pour son aide renouvelée à notre recherche documentaire, notamment à propos des sources internationales et européennes.
[27] Civ. 1ère, 8 novembre 2017, Suez eau France, n° 16-18.859 (F-P+B+I).
[28] Nous reviendrons ultérieurement sur cette décision.
[29] M-C de Montecler, « L’eau doit toujours être payante », Obs. sur Civ. 1ère, 8 novembre 2017, AJDA, 2017, n° 39, p. 2223.
Une réflexion sur « La jurisprudence contre la réduction de débit d’eau se confirme »