Intervention éclairante de Gilles Robel au conseil de territoire d’Est Ensemble le 24 septembre 2018 au sujet du rapport annuel 2017 du Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF).
« L’année 2017 a été riche en événements dans le secteur de l’eau
Elle nous montre que la pression des usagers et des élus est efficace : l’année a été marquée par une nouvelle baisse du prix de l’eau de 10 centimes, et par l’extension à du dispositif eau solidaire. Rappelons que l’UFC Que Choisir a révélé il y a quelques années qu’une surfacturation d’une ampleur considérable (40%) était opérée par le Syndicat. Rappelons encore que le délégataire Veolia a été condamné 10 fois ces dernières années pour des pratiques illégales que sont les coupures d’eau et la réduction de débit pour les plus démunis. Sans parler des marges et frais de siège exorbitants… Le rapport de la Chambre Régionale des Comptes publié le 30 juin 2017 qui pointe ces dérives est d’ailleurs passé opportunément sous silence dans le rapport d’activité du SEDIF. C’est donc sous le feu des critiques mais également face à la non ré-adhésion de certains territoires comme Est Ensemble que les tarifs baissent et les pratiques évoluent, et cela doit nous inciter à maintenir la pression.
On peut en effet se demander si ces baisses vont se poursuive dans les prochaines années. Le projet de grand « ring de l’eau » mis en valeur dans ce rapport, qui consiste à connecter entre elles toutes les usines de production de la région parisienne pourrait coûter entre 500 millions d’euros et son utilité est loin d’être avérée. La ville de Paris l’a d’ailleurs qualifié de « grand projet inutile ». A cela pourrait s’ajouter le surcoût de l’eau adoucie que le SEDIF expérimente dans une petite unité et qu’il souhaite généraliser (34 millions d’euros pour 5 villes! ).
Des efforts sont réalisés pour sensibiliser les acteurs du monde agricole et industriels à l’utilisation néfaste de pesticides dans la Basse vallée de l’Yerres et pour préserver la ressource en amont. Mais ces captages représentent moins de 3% de la production d’eau potable en IDF. C’est la Seine, la Marne et l’Oise qui devraient être protégés. Cela ne fait que souligner a contrario l’absurdité du système actuel: des eaux puisées dans des rivières parmi les plus polluées de France comme la Marne, qui sont ensuite dépolluée à grands frais, répercutés sur la facture du consommateur. Et pour rentabiliser cette eau, Véolia propose aux collectifs des tarifs avantageux pour qu’elle soit utilisée pour nettoyer la voirie!
Enfin les indicateurs présents dans le rapport montrent que le réseau est mal entretenu même si des progrès ont été enregistrés depuis 2011. Le rendement du réseau est à la baisse par rapport à 2013, les fuites plus importantes, et le renouvellement des canalisations plus lié aux grands travaux d’infrastructures de transport qu’au remplacement des canalisations les plus anciennes. Ce sont plus de 130 millions d’euros qui sont affectés à ces travaux, passé par les usagers dans leur facture d’eau.
Dernier point sur la tarification sociale : on remarque que 435 foyers ont été aidés à payer leur facture d’eau. Il y a du progrès, puisqu’il n’était que 279 en 2015, mais cela reste très peu et ne représente que 2% environ des bénéficiaires du RSA sur le territoire. On cherche d’ailleurs en vain les chiffres précis dans le rapport du SEDIF. C’est tout l’inconvénient de ces dispositifs curatifs: on sait qu’un nombre important de bénéficiaires potentiels, en raison même de leur situation précaire, passent à côté des programmes d’aide qui les concernent. La question de la gratuité du premier mètre cube reste plus que jamais d’actualité.
Changer de sytème reste plus que jamais une priorité. Dans son récent rapport sur l’alimentation en eau de la Métropole du Grand Paris publié en juin 2018, la Chambre Régionale de Comptes semble préconiser l’adoption d’une compétence de l’eau en Ile de France et rejeter la création de régies de plus petites tailles, plus proches des usagers. Le SEDIF aussi plaide pour un rapprochement entre les grands syndicats urbains et la Métropole du Grand Paris. C’est la voie ouverte à tous les accords entre grandes usines, grands marchés et grandes multinationales, qui se fait sur le dos des usagers. Big is not beautiful! Ce modèle écarte les citoyens et concentre le pouvoir entre les mains de quelques grands élus. Si cela conduit à continuer de déléguer à une entreprise privée ce service public essentiel, ces préconisations ne permettront en rien d’améliorer le système.
Nous nous sommes donné deux années de réflexion pour approfondir ces questions et consulter nos concitoyens. Il n’en reste bientôt qu’une. Nous espérons que le rythmes des travaux va s’accélérer, que le Conseil de Développement abordera en priorité ces questions, et réitérons notre souhait d’avoir des compétences en interne plutôt que de nous appuyer sur des bureaux d’études extérieurs pour pouvoir avancer. »