Eau de Paris offre le meilleur tarif pour les usagers en région parisienne, loin devant le syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) et le Syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers (SEPG). Le constat n’est pas nouveau. Mais le rapport de la chambre régionale des comptes du 30 juin 2017 apporte des explications, en chiffrant les différents éléments qui concourent à cette différence. Principaux extraits et commentaires.
« L’étude comparée des prix au 1er janvier 2014 a fait apparaitre que Paris offre l’eau la moins chère ; le tarif appliqué par le SEDIF (syndicat des eaux d’Île-de-France) était supérieur de 0,30 € par m3, celui du syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers de 0,56 €. » (source chambre régionale des comptes)
Pourquoi cette différence de 0,30€ entre Eau de Paris et le SEDIF ?
« L’analyse réalisée par la chambre a identifié l’origine d’un certain nombre des surcoûts supportés par le Sedif : des différences structurelles surenchérissent ses coûts, notamment la plus faible densité de population sur son territoire qui impose un réseau plus étendu et plus coûteux à renouveler ainsi que les choix retenus en matière de politique d’investissements (+ 0,15 €) ; les charges liées à la gestion déléguée (+ 0,10 € de recettes pour le délégataire et de pilotage de la délégation) ou le régime fiscal auquel le service est soumis et qui ne s’applique pas aux régies (+ 0,05 €). » Ainsi, pour la Chambre régionale des comptes, la moitié du surcoût constaté au SEDIF provient bien du choix de déléguer le service public à une entreprise privée! Ce qui constitue une évidence pour les tenants du retour à la gestion publique, est démontré par l’organisme de contrôle.
Des raisons objectives, vraiment?
Mais il faut regarder de près aussi « les différences structurelles » qui constituent la moitié de la différence de tarif. Car elles reflètent pour une part des réalités territoriales différentes (densité de la population, longueur du réseau) mais pour l’autre, des choix différents selon les opérateurs.
« Le Sedif a l’intensité capitalistique la plus élevée des trois établissements contrôlés, tout d’abord pour des raisons structurelles objectives. Le syndicat est le propriétaire du réseau de canalisations enterré de loin le plus étendu et d’un appareil productif aux capacités devenues excédentaires permettant de traiter des eaux de surface exclusivement, provenant de la Seine, de la Marne et de l’Oise. Cet important patrimoine industriel nécessite des moyens financiers élevés pour en assurer le renouvellement et l’amélioration. »
Dit autrement, le SEDIF a des installations surdimensionnées pour la production d’eau potable qui ne répondent en rien aux besoins de la population d’aujourd’hui et sans doute, encore moins à ceux de la population de demain. Car la consommation d’eau potable par habitant baisse de façon sensible et inéluctable dans les grandes villes depuis 25 ans. De plus, comme il utilise les eaux les plus polluées, celles des cours d’eau, les traitements nécessaires pour rendre l’eau potable sont plus importants et plus …onéreux! Tout cela se retrouve dans l’addition présentée aux usagers. Faut-il considérer cela comme « des raisons structurelles objectives » ou plutôt comme des mauvais choix d’un organisme incapable de prévoir et de s’adapter aux évolutions sociales et urbaines?
Des investissements, pourquoi faire?
« En tant que premier service de l’eau en France, avec un plan d’investissements pour la période 2015-2020 de 760 M€ en progression de 60 % sur le précédent, le Sedif tient à mettre en œuvre un service à la pointe de la modernité, des choix techniques innovants, des réalisations de qualité, qui s’ajoutent à une politique soutenue de renouvellement de ses installations. En conséquence, au cours de la période étudiée, les investissements représentent 0,51 € par m3 d’eau vendu au Sedif, contre 0,36 € à Paris et 0,26 € au syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers.«
En réalité, la progression des investissements est liée pour l’essentiel à la mise en place du Grand Paris. En effet, 103 millions d’euros sont destinés à des travaux de déplacement des tuyaux pour le réseau de transport, le Grand Paris Express. 60 millions d’euros sont destinés à la création d’une station de pompage sur le plateau de Saclay, nouvelle expansion urbaine prévue dans le cadre du Grand Paris. Si vous ne saviez pas qui finance la mise en place du Grand Paris, vous le savez maintenant: c’est les usagers de l’eau! Cette progression des investissements est donc la conséquence d’une contrainte extérieure qui pèse sur le SEDIF, plutôt qu’un signe de dynamisme du syndicat.
Un renouvellement des canalisations a minima
Un des axes majeurs du plan serait, selon le SEDIF, le renouvellement des canalisations.; le SEDIF prévoit de renouveler 88 km de canalisations par an, ce qui représente en réalité à peine 1% du réseau. Chaque tuyau sera donc renouvelé au bout de … cent ans. Or la durée moyenne de vie d’une canalisation est de 75 ans. Cherchez l’erreur! Ce n’est donc pas demain que le SEDIF va réduire son taux de fuite.
Le tarif d’Eau de Paris surévalué
Pour les usagers, le tarif d’Eau de Paris est encore plus bas que celui indiqué par la Chambre régionale des comptes: il est de 1,08€/m3 et non de 1,19€/m3. La différence provient du mode de calcul national qui reconstitue le prix du m3 sur la base du prix de l’eau HT auquel est ajouté le prix de l’abonnement annuel rapporté à une consommation de 120m3 pour une famille. Il est considéré qu’il y a un abonnement complet derrière chaque facture, ce qui est erroné en qui concerne Paris où il y a, en moyenne, 21 unités de consommation pour un abonnement ; d’où le calcul d’Eau de Paris qui ajoute 1/21 de la part abonnement ce qui donne 1,08 €/m3, abonnement compris, pour 120m3. La situation est différente au SEDIF où un abonnement correspond en général à une unité de consommation. Cette fois, la Cour des comptes applique la même règle aux deux opérateurs, sans tenir compte… des différences objectives!