ÉLUS ET USAGERS ENSEMBLE POUR EN FINIR AVEC LE RACKET DE SUEZ

Le conseil d’exploitation de la Régie de Grand Paris Sud (GPS) unanime appuie le Syndicat Eau du Sud francilien (SESF) dans son combat face aux actionnaires de la multinationale. Une déclaration et une note explicative, préparées en commun par des représentants des collèges élus et usagers ont été votées à l’unanimité moins une abstention ( lire à la suite de l’article). Par l’Association Eau Publique Orge Essonne.

Un vote historique commun des élus et usagers pour la maitrise publique de l’eau, ça s’arrose!

Avec 19 communes et 300 000 habitants desservis , la Régie de l’Eau de Grand Paris Sud (GPS) est aujourd’hui le premier opérateur public de distribution d’eau potable dans le sud de l’Ile de France. De ce fait, c’est aussi aujourd’hui la première victime du racket de la multinationale Suez, détentrice des 3 usines de potabilisation de l’eau de la Seine qui alimentent la Région.

C’est dire l’importance du vote du Conseil d’exploitation de la Régie de GPS, intervenu le 4 juin 2024. Un vote qui associe pour la première fois élus et usagers pour exiger ensemble la restitution aux collectivités par Suez du RISF (usines de production et canalisations de transport) largement payé par les factures des usagers.

Une déclaration et une note explicative préparées en commun par des représentants des collèges élus et usagers du Conseil de la Régie (Pierre Prot, en charge des réseaux et de l’énergie au Bureau de Grand Paris Sud et Jean-Pierre Gaillet du comité Attac centre Essonne).Et donc un vote à l’unanimité moins une abstention ce mardi 4 juin (voir textes au bas de cet article)

Le temps béni du secret des affaires

Jusqu’alors, Suez était parvenue à confiner « dans les coulisses » les informations et discussions sur son scandaleux abus de position dominante. Au prétexte du « secret des affaires », et à grands coups de « clauses de confidentialité », elle comptait mener les élus locaux par le bout du nez jusqu’à la nuit des temps . Au prétexte qu’il s’agit de questions techniques et comptables inaccessibles au commun des mortels, la presse et les institutions s’accordaient à présenter l’affaire comme une bataille d’experts, à peine troublée par une minorité militante.

480 millions de profit depuis 40 ans: stop ou encore?

Entre intimidations et lobbying, les nouveaux actionnaires de Suez (Blackrock, Méridiam et Caisse des dépôts) prévoyaient de tirer profit, plus de 20 ans encore, de la « poule aux œufs d’or » que représente le RISF (réseau interconnecté sud Francilien), générateur d’une marge de profit estimé à 480 millions d’euros à l’échelle des 40 dernières années.

Résumé de leurs derniers faits d’arme et propositions:

  • Débauchage comme lobbyiste d’une élue essonnienne (Daphné Ract-Madoux) pour opérer « d’amicales pressions » et semer la division entre ses collègues;
  • envoi fin mai d’un courrier au Syndicat ESF, pour lui « offrir » désormais l’eau en gros au double du prix coûtant jusqu’en 2044 (!!!) et lui demander son accord pour embarquer d’autres collectivités dans cette arnaque (à commencer par l’Etablissement du Grand Paris « Sud est avenir » GPSEA dans le Val de Marne);
  • Proposition dans ce courrier de Suez de substituer à la maitrise publique du réseau attendue, une prise d’otage consentie : « Le SESF sera impliqué dans la gouvernance du réseau, dans le respect des mécanismes de différé de transfert de propriété et de jouissance ».

Les collectivités ne veulent plus être collectrices de dividendes

Décidément , Suez accro depuis 120 ans à l’abus de pouvoir, a du mal à comprendre que les temps ont changé et la motion votée en réplique par la régie de GPS vient utilement ramener la multinationale à la réalité du 21ème siècle.

La réalité, à l’échelle de la planète, c’est que l’accès à l’eau a été reconnu par l’ONU comme un droit universel qui relève de la puissance publique .

C’est que l’eau est reconnue comme un bien commun placée sous la responsabilité et la protection des habitants et de leurs élus

Dans le sud francilien, la réalité, c’est que les collectivités et leurs régies ne veulent plus , à travers les factures d’eau, jouer les collecteurs de dividendes pour les actionnaires des multinationales

La note de présentation et la motion votée ce 4 juin : 6 minutes de lecture, mais qui en valent la peine pour être au top dans la bataille engagée, allez, courage!


Note de présentation

Pourquoi nous voulons que le RISF devienne une propriété publique.

  1. Le sud de la région parisienne est une exception : C’est une des très rares régions de France où les moyens de production d’eau potable (usines, forages, tuyaux) n’appartiennent pas à la collectivité. Paris est propriétaire de son réseau de production et, de même, le SEDIF (Syndicat des Eaux d’Ile de France) est propriétaire de ses usines de production. Tous les équipements qui permettent aux agglomérations du sud francilien d’alimenter en eau plus de 1 400 000 habitants constituent le RISF (Réseau Intégré Sud Francilien) dont la société Suez se présente comme la propriétaire.

  2. De ce fait, Suez décide seule des investissements et des tarifs. Les consommateurs, familles et entreprises n’ont aucun moyen d’agir sur ces choix. Ni directement, ni indirectement via leurs élus. Ils ne peuvent même pas décider de changer de fournisseur, Suez étant propriétaire des moyens de production est en situation de monopole. Inversement, concernant l’épuration des eaux usées, l’agglomération Grand Paris Sud est propriétaire des deux usines situées en bord de Seine à Evry et Corbeil et les élus ont pu faire un appel d’offre pour déterminer qui en assurerait l’exploitation et c’est ainsi que la société Saur en assure le fonctionnement depuis l’an dernier car elle a proposé une prestation plus performante pour un tarif plus bas. que ce que proposait Suez. La propriété publique des moyens de production d’eau potable est indispensable car il s’agit d’ « une partie du patrimoine commun de la nation » dont « la mise en valeur est d’intérêt général » comme le dit la loi. De plus l’article L 2224-7-1 du Code général des collectivités territoriales oblige celles-ci à un suivi détaillé de tous les équipements concernés. Comment le faire si ceux-ci sont totalement privés ?

  3. Le caractère insupportable de cette anomalie est particulièrement évident au niveau du prix de gros de l’eau : Suez entend vendre son eau à des prix qui varient entre 0.86€ et 1.29€ le mètre cube. Pourtant son prix de revient se situe – selon ses propres documents – autour de 0.29€. Même en incluant les amortissements et les frais financiers, ils n’ont jamais pu justifier un coût de production supérieur à 45 centimes du mètre cube. De ce fait, la décision unanime des Agglomérations clientes regroupée dans le Syndicat des Eaux du Sud Francilien (SESF) de bloquer unilatéralement le prix à 50 centimes est totalement justifié. Mais cela entraine, en attendant une décision de justice qui peut prendre des années, de continuer à faire payer les usagers en tenant compte du tarif de Suez et en plaçant la différence sur un compte bloqué. Quand le RISF appartiendra au public, le prix de l’eau sera fixé soit par la régie publique qui le gérera – si les élus font ce choix comme ils l’ont fait en partie pour la distribution – soit par une négociation après un appel d’offre s’ils choisissent une délégation de Service Public. Mais ce ne sera plus le choix arbitraire des actionnaires d’un groupe privé.

  4. Quelle compensation pour Suez ? Dans les premières négociations, Suez voulait que le RISF lui soit racheté 400 millions d’euros, soit au prix qu’il faudrait débourser pour le construire aujourd’hui. Les élus ont refusé cette offre, considérant, à juste titre, que ces équipements étaient largement amortis. Amortis via nos factures d’eau. En effet, si l’on ne prend que l’estimation la plus faible de Suez, c’est-à-dire le prix de 45 centimes par mètre cube dont un tiers (15 centimes) correspond à l’amortissement des investissements et qu’on multiplie ce chiffre par la consommation (78 millions de mètres cube) on arrive à presque 12 millions d’euros annuels. Comme cette situation date de plus de 40 ans, une nouvelle multiplication donne 480 millions d’euros, soit plus que l’estimation de Suez pour le prix du RISF Cela sans prendre en compte les prix plus élevés que 0.45€ pratiqués depuis des années. Les bénéfices réalisés par Suez dépassent sans doute le milliard d’euros. Et ils voudraient qu’on paye encore ! Puisque Suez semble accepter de reprendre les négociations nous ne pouvons qu’inviter les élus à ne pas oublier que Suez veut nous vendre ce que nous avons déjà payé. D’ailleurs la loi est avec nous. La jurisprudence rappelle que « les biens destinés à l’exploitation du service public, acquis en cours d’exploitation, nécessaires à son fonctionnement ne peuvent être inscrits à l’inventaire de la convention relatif aux biens appartenant à l’exploitant.»

Pierre Prot – Jean-Pierre Gaillet, membres du conseil d’exploitation de la régie publique de l’eau GPS.

Pour s’y retrouver dans tous ces sigles :

RISF : Réseau Intégré Sud Francilien : ce sont tous les équipement qui permettent de produire l’eau potable distribuée dans les communauté d’agglomération de Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine, Grand Orly Seine Bièvre et Paris Saclay. Cela inclus les usines et forages de Morsang sur Orge, Viry-Châtillon, Vigneux , Champigny et environ 500 km de tuyaux de gros diamètre.

ESP : Eau du Sud Parisien : C’est la filiale à 100% de Suez qui gère le RISF. Elle reverse la moitié de son chiffre d’affaire à Suez au titre de la location du RISF. Cela lui permet de ne pas faire apparaître de trop gros bénéfices.

SESF : Le Syndicats des Eaux Sud Francilien, créé l’an dernier, regroupe les agglomérations de Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine, Grand Orly Seine Bièvre avec l’appui du conseil départemental de l’Essonne. Il a pour but officiel le retour sous maitrise publique du RISF qui assure la production et le transport de l’eau potable dans les communes concernées. Il est présidé par Michel Bisson, président de GPS. Il fait de la protection des ressources sa priorité. Il concerne environ 1 400 000 habitants

SEDIF : Syndicat des Eaux de l’Ile de France : Organisme public, il représente 133 communes d’Ile de France soit environ 4 millions d’habitants. Il assure à la fois la production et la distribution de l’eau et a confié celles-ci via une délégation de Service Public à Véolia


Déclaration des membres du conseil d’exploitation de la régie publique de Grand Paris Sud

Nous nous félicitons que le syndicat des eaux du sud francilien1 (SESF) ait décidé unilatéralement de fixer le prix du mètre cube d’eau à 0.50€ payé à Suez alors que cette société en réclame en moyenne le double. Nous apportons notre soutien total aux élus qui le composent et nous les félicitons pour leur fermeté.

L’eau n’est pas une marchandise destinée au profit financier, mais « une partie du patrimoine commun de la nation » dont « la mise en valeur est d’intérêt général » comme le dit la loi.

Ni le SESF ni nous n’avons vocation à collecter des fonds pour les actionnaires de Suez2 qui, profitant de leur situation de monopole, ont pratiqué des tarifs et des marges abusifs

Nous partageons l’exigence du SESF de voir tous les équipements qui constituent le Réseau Interconnecté Sud Francilien (RISF) être rendus au public (Usines, forages, tuyaux). Le RISF a été construit dans le seul but d’assurer le service public de l’eau potable. A ce titre il est légitime que les élus demandent qu’ils soient considérés comme des « bien de retour3 » et rendus à la collectivité.

Cette année, la décision du syndicat de fixer le prix de l’eau à son cout de production majoré des amortissements et des investissements4 (0.50€/m3) va se traduire par une économie de plus de 30 millions d’euros. 30 millions qui serviront ainsi aux citoyens au lieu d’enrichir indûment les actionnaires de Suez.

En 40 ans, combien ces actionnaires, ou leurs prédécesseurs les actionnaires de la Lyonnaise des Eaux ont-ils abusivement engrangés sur le dos des consommateurs, entreprises et familles sud franciliennes ? Nos estimations varient entre 400 millions et un milliard d’euros. Difficile d’être précis face à une entreprise qui cache ses comptes derrière le « secret des affaires »5.

Suez, dans ses pires exigences passées estimait la valeur du RISF à 400 millions. Suez a donc largement été payée pour ces équipements. Nous pensons que nous serions en droit d’exiger un remboursement pour l’enrichissement illicite de Suez qui a profité de sa situation de monopole pour abuser des besoins de service public.

Puisque Suez a annoncé son désir de reprendre les négociations en vue du retour à la collectivité du RISF nous encourageons les élus à veiller à ce que la réappropriation publique de l’usine se fasse à un prix qui tienne compte à leur juste valeur des sommes que les usagers du service public ont déjà versées.

1 : Le Syndicats des Eaux Sud Francilien, créé l’an dernier, regroupe les agglomérations de Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine, Grand Orly Seine Bièvre avec l’appui du conseil départemental de l’Essonne. Il a pour but officiel le retour sous maitrise publique du Réseau Interconnecté Sud Francilien qui assure la production et le transport de l’eau potable dans les communes concernées. Il est présidé par Michel Bisson, président de GPS. Il fait de la protection des ressources sa priorité. Il concerne environ 1 400 000 habitants.

2 : Les actionnaires de Suez sont Blackrock (le plus grand fonds financier du monde : 10 000 milliards de dollars d’actifs) pour 39%, Meridiam (gestionnaire de fond français, seulement 22 milliards d’actifs) pour 39% aussi, la caisse des dépôts et consignation (théoriquement l’Etat) pour 19%, les salariés de Suez (y compris la PDG) pour 3%.

3 : La notion de « biens de retour » concerne tous les biens indispensables à l’exécution du service public et qui doivent revenir au public en fin de contrat. La jurisprudence rappelle que « les biens destinés à l’exploitation du service public, acquis en cours d’exploitation, nécessaires à son fonctionnement ne peuvent être inscrits à l’inventaire de la convention relatif aux biens appartenant à l’exploitant.»

4 : Les documents internes de Suez montrent que le coût de production est d’environ 0.30€ par m3. Ils réclament entre 0.86€ et 1.29€. Les 0.50€ fixés unilatéralement par le SESF incluent les amortissements (quoi que tout soit déjà largement amorti) et les investissements nécessaires (que Suez ne semble pas envisager). En 2021 les représentants de Suez avaient estimé que le juste prix était de 0.45€ ce qui correspond à une marge nette, investissements déduits, de l’ordre de 35% à 50%. Habituellement, les Délégations de Service Public après mise en concurrence aboutissent à un niveau de marge nette autour de 5%.

5 : Aux élus qui demandaient des comptes, Suez, dans un premier temps, a opposé le silence du « secret des affaires » puis a avoué que la moitié de ce que touchait sa filiale (à 100%) chargée de la production d’eau, était reversé à la maison mère, sans bien sur que quiconque puisse s’y opposer.

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