E. Macron a annoncé dans son plan eau la généralisation de la tarification progressive. Le Monde et Libération ont publié des articles sur son fonctionnement avec les exemples notamment de Dunkerque et de Montpellier. Nos explications pour éviter de prendre des vessies pour des lanternes (magiques) et les liens vers les articles et la présentation détaillée de la tarification de Montpellier.
Comme l’indique le Monde, la tarification progressive ne concerne qu’une partie de la facture d’eau. En effet, avec la facture d’eau, vous payez le service de production et de distribution d’eau potable, le traitement des eaux usées (ou assainissement qui tend à devenir la partie la plus importante de la facture) et des taxes collectées par les agences de l’eau. La tarification progressive ne concerne que l’eau potable, ce qui pose déjà question. Mais cette partie se divise elle-même en deux : une part fixe (ou abonnement) non concernée par la progressivité et une part variable concernée par la tarification progressive. Le poids de la part fixe pèse forcément davantage sur les petits consommateurs: de fait, si l’on intègre cette part fixe pour calculer le tarif réellement payé par les usagers, on constate que les tarifications soi-disant progressives sont souvent en réalité dégressives!
C’est le cas de de la régie publique de Montpellier Métropole qui affiche la gratuité (de la part variable) pour les 15 premiers mètres cube. Mais le prix réel pour l’usager comprend aussi la part fixe! Un usager qui consomme 15 m3/an paie l’eau au tarif de 1,2 €HT/m3 . A 30 m3/an, il paie 1,07 €HT/m3. A 80 m3/an, cela fait un tarif de 0,99 €HT/m3. A 120 m3/an, 0,98 €HT/m3. Cependant l’abonnement est remboursé à une personne vivant sous le seuil de pauvreté. Dans ce cas, il y a vraiment gratuité des 15 premiers mètres-cube d’eau potable.
A l’actif de cette régie, il faut mettre aussi un tarif plus élevé pour les usages économiques. 1,03 €HT/m3 (auquel il faut rajouter l’abonnement, soit 0,15 €HT/m3 pour une consommation jusqu’à 120 m3). Le tarif professionnel est donc quasiment toujours plus élevé que le tarif domestique, ce qui est positif, même si l’écart pourrait être plus sensible. Pour des consommations supérieures à 1200 m3/an, le tarif est de 1,19 €HT/m3 (dans ce cas, ramené au mètre-cube, l’abonnement devient négligeable). La tarification différenciée selon les usages est une piste intéressante pour faire avancer les objectifs de solidarité et d’écologie dans la gestion de l’eau tout en gardant l’équilibre économique.
Un des écueils de la tarification progressive, c’est de pénaliser les familles plus nombreuses. A Dunkerque, une des villes citées par l’article du Monde, un chèque eau a été mis en place pour les familles nombreuses qui doivent faire une démarche pour l’obtenir, le résultat est un non-recours massif : moins de 10 % des bénéficiaires pouvant y prétendre, s’en sont saisis! A Montpellier, la régie a mis en place un versement eau solidaire selon le quotient familial et le nombre de personnes au foyer. Mais là, le versement est automatique, ce qui garantit une aide effective.
Le défi est de garantir que le droit humain à l’eau sera bien respecté et que chacun.e quelque soit sa situation sociale pourra bénéficier de l’eau. Le versement eau solidaire de Montpellier répond à cette préoccupation; il y a également un tarif préférentiel pour les usagers en dessous du seuil de pauvreté.. A Dunkerque, les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS ex-CMU-C) ont un tarif réduit mais il n’est pas certain que cela couvre toutes les personnes en difficultés économiques. D’une façon générale, les distributeurs peinent à trouver tous les usagers qui ne peuvent faire face à leurs factures d’eau…
Il y a aussi une difficulté pour la tarification progressive avec l’habitat collectif où il n’y a pas toujours de compteur individuel. Comment dans ce cas favoriser les consommateurs les plus sobres? La pose d’un compteur individuel n’est pas forcément une bonne solution car elle ajoute des frais pour les abonné.e.s et elle provoque une consommation supplémentaire de ressources et d’énergie.
La baisse de la consommation d’eau due à la mise en place d’une tarification progressive reste à démontrer. La tendance générale étant de toute façon à la baisse de la consommation d’eau dans les villes. La sensibilisation des usagers est sans doute un levier plus efficace que le prix pour faire changer les comportements, comme l’avait montré une étude réalisée à Paris, il y a quelques années.
Pour espérer réduire de façon significative les prélèvements, il faut se pencher aussi sur la façon dont est produite l’eau potable. Une technique comme l’osmose inverse basse pression (OIBP) que le SEDIF veut généraliser conduirait à un prélèvement accru de 15% de l’eau dans le milieu naturel pour produire la même quantité d’eau potable.
Enfin il faut regarder aussi le tarif en valeur absolue. Celui de Dunkerque est considérablement plus cher que celui de Montpellier: de 35% à 142% de plus, selon les tranches, un record! Dunkerque est en délégation de service public avec Suez, Montpellier est une régie publique, ceci explique cela. La tarification progressive est pour Suez un argument commercial lui permettant de vendre ses services au prix fort. Le moyen le plus simple d’obtenir des tarifs à la fois sociaux et écologiques, c’est de passer en gestion publique!
Voir la présentation détaillée de la tarification « éco-solidaire » de Montpellier
Comment fonctionne la tarification progressive de l’eau, déjà expérimentée à Dunkerque, Montpellier et Libourne ?
Distinguant les usages de nécessité et ceux relevant de la commodité, les trois communes, parmi d’autres villes, tentent d’inciter à la sobriété. Un système qu’Emmanuel Macron veut généraliser. Par Fatoumata Sillah.
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Qu’est-ce que la tarification progressive de l’eau, que Macron veut voir généralisée ?
Déjà utilisé dans une dizaine de communes en France, ce levier encourage la sobriété et pénalise les gaspilleurs. Pour le rendre équitable, la ville pionnière de Dunkerque l’a ajusté aux besoins des familles nombreuses.
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