Inquiétudes autour du service de distribution d’eau

Déjà ultraconcentré, le secteur de la distribution de l’eau potable pourrait encore se tendre. Veolia, l’un des deux principaux distributeurs, a lancé une opération pour prendre le contrôle de son concurrent Suez. Communiqué de l’UFC Que Choisir du 19 septembre 2020.

Le géant du traitement de l’eau Veolia a présenté une offre de rachat à la société Engie des 32 % de parts qu’elle détient dans le groupe Suez. L’annonce a fait naître de nombreuses inquiétudes chez les salariés de Suez qui craignent des réductions d’effectifs. Selon les syndicats, 4 000 emplois seraient menacés. L’alerte a aussi été lancée par un certain nombre d’élus locaux, qui s’inquiètent des conséquences de la disparition de l’un des deux principaux acteurs du traitement et de la distribution de l’eau potable en France. Aujourd’hui, ce sont les collectivités territoriales qui possèdent la compétence du traitement et de la distribution de l’eau. Elles peuvent exercer en direct ce rôle (en régie) ou le déléguer à un prestataire public ou privé. En pratique, aujourd’hui, trois prestataires se partagent le marché des délégations : Veolia, Suez et, plus loin derrière, la Saur.

APPEL À L’ÉTAT

Pour de nombreux élus, la fusion de Veolia et de Suez aurait pour conséquence de donner naissance à un gigantesque pôle de distribution de l’eau, quasi monopolistique. Pour ces derniers, la promesse prise par Veolia de confier la filiale eau de Suez à un acteur tiers ne représenterait pas une garantie sérieuse. François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne, s’est notamment déclaré opposé à la prise de contrôle de Suez par Veolia, qui reviendrait selon lui à instaurer un monopole de fait. Il appelle l’État à ne pas rester neutre pour garantir l’intérêt général. Le député du Nord, Fabien Roussel, a de la même façon pointé une OPA menée par Veolia qui contribuerait à éliminer son principal concurrent dans les métiers de l’eau et des déchets : « Dès lors, les collectivités locales et leurs administrés seraient soumis au bon vouloir d’un groupe dont le monopole est assuré. Quelles garanties de ne pas avoir à payer plus cher tous ces services au quotidien ? »

POINTS DE VIGILANCE

La question du prix de l’eau est en effet particulièrement sensible. En 2012, par exemple, l’Autorité de la concurrence européenne avait mené une enquête sur les trois acteurs français pour abus de position dominante et entente sur le prix de distribution de l’eau potable. Ce dernier avait enregistré une augmentation moyenne de 3,3 % par an entre 2004 et 2009. Actuellement, l’eau coûte en moyenne 7 % moins cher dans les communes en régie (gestion publique) que dans celles délégataires (gestion privée).

La question vient en tout cas d’émouvoir les députés qui ont annoncé jeudi « une audition conjointe formelle de Veolia et de Suez le 23 septembre prochain ». Roland Lescure, le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, explique que les députés souhaitent notamment identifier certains points de vigilance, notamment les retombées sur l’emploi et le rapport qualité/prix du service de l’eau et des déchets. Car, pour l’instant, l’opération n’est pas encore faite ! En effet, depuis son annonce, plusieurs obstacles se sont levés devant Veolia. À commencer par la contre-attaque de Suez, qui n’a pas l’intention de se laisser faire sans réagir. La direction du groupe, héritier de la Lyonnaise des Eaux, a en effet annoncé un plan de restructuration, avec ventes de filiales étrangères et économies à la clé pour faire bondir le prix de ses actions. Engie en profite déjà pour faire monter les enchères. Il faut enfin attendre la position de l’Autorité de la concurrence en France qui pourrait retoquer le projet, comme elle l’a déjà fait en 2002, vis-à-vis des filiales communes à Suez et Veolia…

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