FOOD CHECKING. Le prix de l’eau en bouteille est plus de 36 fois supérieur à celui de l’eau du robinet ! Est-ce un gage de qualité ? On a mené l’enquête dans une usine de traitement, auprès d’un hydrologue et d’une dégustatrice professionnelle. Par Hadrien Gonzales, dans le Parisien du 16/09/2020.
« Vous allez me faire virer », rigole Pierre Alban, en montrant la bouteille de Cristaline qu’on lui a demandé de tenir pour les besoins du tournage de cet épisode de Food Checking.
Et pour cause : face à nous se tient le directeur de la recherche d’Eau de Paris, l’opérateur de la Ville de Paris.
Il nous a donné rendez-vous à L’Haÿ-les-Roses, dans l’usine de traitement d’eau potable qui dessert un quart de la population parisienne.
« L’eau qui est produite par cette usine, comme, probablement l’eau dans cette bouteille, répond aux critères de qualité très stricts fixés par le Code de la santé publique », affirme-t-il.
Pour en avoir le cœur net, suivez le guide ! L’eau est puisée dans la région de Sens (Bourgogne) et conduite sur place par aqueduc. Là, elle est traitée avec des réactifs, décantée et « ultrafiltrée » dans des modules dotés de centaines de membranes filtrantes. « A ce stade, l’eau présente la même composition qu’une eau de source en bouteille », précise notre expert.
« Cette étape est suivie d’une dernière étape pour garantir en permanence une qualité d’eau irréprochable. Voici un poste d’injection d’hypochlorite de sodium, c’est-à-dire d’eau de javel, dit-il en montrant un panneau de relié à des tuyaux, dans le sous-sol de l’usine. On met l’équivalent d’une demi-goutte par litre d’eau. C’est une étape que l’on ne retrouve pas dans les eaux de source et dans les eaux minérales. »
Attention aux eaux très minéralisées
Acheminée jusque dans Paris, cette eau se révèle parfaitement saine, tout comme l’eau du robinet distribuée dans l’immense majorité des communes française.
Pour s’en assurer, il suffit de consulter le site du ministère de la Santé qui publie, ville par ville, les dernières analyses de l’eau courante.
Mais attention : « L’eau du robinet étant chlorée, on peut y retrouver des sous-produits de chloration qui sont en lien notamment avec le cancer de la vessie, explique Jean-François Munoz, directeur du laboratoire d’hydrologie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Il faut éviter d’en donner aux enfants en bas âge. »
Eau en bouteille : minérale ou de source
Et les eaux en bouteille, alors ? En magasin, on distingue deux grandes catégories : les eaux minérales naturelles, majoritaires, et les eaux de source. « Attention, seules les eaux de sources précisant qu’elles sont compatibles avec l’alimentation des nourrissons peuvent effectivement leur être servies »prévient à nouveau Jean-François Munoz.
Ainsi, Cristaline se révèle impropre. Volcania, en revanche, n’est pas contre-indiquée.
Parmi les eaux minérales, enfin, il faut distinguer deux sous-catégories : d’une part, celles qui sont faiblement minéralisées, comme Volvic, et qui ne présentent donc aucun danger ; d’autre part, celles qui sont fortement minéralisées, comme Hépar ou Contrex, à réserver à une consommation épisodique, par exemple après un effort sportif.
Mais alors comment faire la différence entre les deux ?
Simplement en consultant sur l’emballage le taux de résidus de sels minéraux : en-dessous de 1000 mg par litre, feu vert ; au-dessus, en revanche, prenez garde aux calculs rénaux.
Et que penser des filtres à eau du robinet destinés à un usage domestique ? Prudente, la dernière étude de l’Anses datant de 2017 ne les déconseille pas… mais ne les recommande pas non plus.
On a fait goûter de l’eau à Maître Tseng
Ces nombreuses eaux présentent-elles des différences de goûts ? Pour le savoir, on a fait déguster quatre échantillons à une des plus grandes expertes mondiales du thé : Yu-Hui Tseng, dite Maître Tseng, est maître de thé, à la tête de la superbe maison des Trois Thés, à Paris.
« Le goût est doux et sucré », déclare-t-elle, sans savoir qu’elle vient de tremper ses lèvres dans une tasse de Cristaline.
En testant l’Hépar, elle fait la grimace : « J’ai le palais qui est masqué. C’est à cause des sels minéraux. » Et au classement, surprise : selon notre experte, c’est l’eau du robinet (0,003 € / litre) qui trouve grâce à son palais, et s’accorderait « le moins mal » à la préparation du thé.
Distribué dans le XIXe arrondissement de Paris, l’échantillon avait reposé plus de deux heures afin de perdre son éventuel goût de chlore. Derrière, on trouve la Volvic (0,31 € / litre), la Cristaline (0,11 € / litre) et enfin l’Hépar (0,47 € / litre). L’eau du robinet se révèle 36 fois moins chère que la moins chère des eaux en bouteille !