L’économie de la sécheresse

Un rapport de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) alerte sur les risques de sécheresse en Île-de-France. Des constats de la situation, des évaluations des impacts économiques, sociaux et environnementaux, des recommandations concrètes qui méritent discussion. La vision développée privilégie les activités économiques au détriment de la sécurité d’accès à l’eau pour les populations et de de l’environnement.

Résumé

Longtemps perçue comme une région bien pourvue en ressources hydriques, l’Île-de-France est pourtant de plus en plus exposée aux sécheresses. La hausse des températures et la variabilité des précipitations induites par le changement climatique accentuent les pressions socio-économiques croissantes exercées sur les ressources en eau de la région. Dans ce contexte, ce rapport évalue le coût économique des risques de sécheresse liés au changement climatique. Il présente les résultats d’une évaluation des impacts environnementaux et sociaux potentiels des sécheresses futures, ainsi qu’une analyse de la capacité de la région à s’adapter à ces changements rapides. Il formule des recommandations concrètes pour adapter les politiques et pratiques existantes afin de maintenir le niveau de résilience développé jusqu’à présent face aux sécheresses.

Lien vers la synthèse et le rapport

Nos commentaires

La région Île-de-France ou région parisienne est exposée à un risque croissant de sécheresse, indique le rapport (…) Le changement climatique est l’une des principales causes des tendances observées (…) Outre la modification du climat, le développement socio-économique accentuera le risque de sécheresse à l’avenir. 

Le changement climatique est présenté comme un phénomène explicatif global, venu d’ailleurs et d’en haut, sans véritables causes locales. Certes les activités économiques, considérées sous l’angle de la demande en eau, sont vues comme un facteur aggravant. Mais la destruction des sols vivants et leur imperméabilisation par l’agro-industrie, tout comme la croissance urbaine ne sont pas compris comme des causes importantes de la dégradation des cycles de l’eau et des dérèglements du climat.  Au contraire, les demandes économiques sont encore et toujours privilégiées. Par exemple, il est indiqué que « l’agriculture, qui occupe 50 % de sa superficie, a vu ses besoins en eau plus que doubler depuis 2012 et ceux-ci devraient encore accroître de 45 % d’ici à 2050« . Or il ne s’agit nullement de besoins, mais d’appropriation et de demande de la part non pas de l’agriculture mais d’acteurs agro-industriels dominants. A l’inverse, pour le rapport, « Les efforts de lutte contre les îlots de chaleur urbains, par exemple par la création d’espaces verts, est également de nature à faire augmenter la demande en eau ». Mais là, il ne s’agit pas d’une demande économique d’intérêts privés, mais de nécessités si on veut garder la ville vivable pour tous.tes.

Le rapport évalue en détail les coûts économiques induits par un épisode de sécheresse majeur, c’est la principale activité de l’OCDE. Outre ces considérations économiques,  le rapport joue à se faire peur : « les importations d’eau potable dans la région risquent de provoquer des conflits avec les agriculteurs d’autres régions« . Avant d’en arriver là, il faudrait prioriser les prélèvements d’eau pour la production d’eau potable et l’environnement et restreindre ceux pour les activités économiques dans notre région, ce qui n’a jamais été fait! C’est dire que la crise n’est pas encore à notre porte.

Que faire pour limiter les impacts des sécheresses futures? Le rapport reconnait que  le volume total des prélèvements d’eau a diminué de 14 % depuis 2012. Cette réduction provient pour l’essentiel de la production d’eau potable, car on estime que la consommation baisse de 1% à 2% par an depuis vingt ans. En 2023, ce serait même une baisse de 3à 4% qui serait intervenue, liée justement à un épisode de sécheresse…

Le rapport ne s’émeut pas du déploiement par le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) et Veolia de l’osmose inverse basse pression qui va conduire à une augmentation de 15 à 20% des volumes prélevés pour produire la même quantité d’eau potable. Il ne s’émeut pas davantage de la perspective de multiplication des réacteurs de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine qui utilisent l’eau de la Seine pour leur refroidissement.

Le rapport s’inquiète, à juste titre, du manque de données sur les usages et les prélèvements. Mais là encore, en réalité, la situation n’est pas du tout la même suivant les secteurs. Pour la consommation domestique, les prélèvements et la consommation des usagers sont bien connus. Il n’en est pas de même pour l’agriculture et l’industrie. Outre les quantités prélevées qui ne sont pas contrôlées, tous les forages ne sont pas déclarés. Prenons l’exemple de l’aquifère de l’Ypresien qui fournit une eau d’excellente qualité, considérée comme une réserve d’ultime secours pour l’eau potable en région parisienne. Les prélèvements pour l’eau potable y sont limités et contrôlés. Pour les autre usages, ils ne sont pas répertoriés et connus publiquement. Nous ne serions pas à l’abri d’une mauvaise surprise si un jour nous en avions réellement besoin.

Pour répondre aux défis de la sécheresse, le rapport évoque plusieurs pistes. « Le recours aux ressources en eau non conventionnelles pourrait grandement contribuer à l’efficacité d’utilisation de l’eau à l’avenir. La réutilisation des eaux industrielles et la collecte des eaux de pluie et de drainage pour l’irrigation communale et domestique et le nettoyage des rues se popularisent. » Ce avec quoi nous sommes bien d’accord. La régie Eau de Paris le fait déjà à grande échelle avec son réseau d’eaux brutes. La régie Eau publique par Est Ensemble s’engage dans la même voie. Du côté de Veolia avec le SEDIF ou encore de Suez dans l’Essonne, cela contrevient à leur modèle économique de vente d’eau industrielle à prix élevé. Cela pose donc la question du retour à la gestion publique, une réflexion qui n’est toutefois pas abordée par le rapport.

En toute fin est abordée la question des financements: le rapport prône sans surprise et sans imagination l’augmentation des tarifs de l’eau. Et c’est encore une fois les usagers domestiques qui sont visés, pas les autres…

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