Olivier Dussopt, ministre du travail, et l’un des principaux promoteurs de la réforme des retraites, est mis en cause par le Parquet national financier dans un marché truqué conclu avec la Saur lorsqu’il était député et maire d’Annonay, selon des révélations de Mediapart. Les affaires de l’eau empoisonnent toujours la vie politique française. Il faut maintenant en tirer les leçons.
Selon des informations de Mediapart, le ministre du travail, en première ligne politique et médiatique avec la réforme des retraites, a reçu ces derniers jours un rapport d’enquête accablant du Parquet national financier (PNF), qui le soupçonne d’un délit de favoritisme sur un marché truqué avec l’un des géants français de l’eau, le groupe Saur.
Le ministre a tenté sur France Inter de minimiser l’affaire, le PNF n’ayant pas retenu de poursuite pour corruption. Favoritisme, corruption, quelle différence? Selon Anton Rougett, un journaliste qui mène cette enquête pour Mediapart, « le favoritisme concerne le marché public remporté par la Saur, et dont le PNF estime qu’il a été truqué par O.Dussopt. Pour la corruption, il faut prouver que les cadeaux sont corrélés à l’octroi du marché. »
À la suite de révélations de Mediapart (principaux extraits ici) en mai 2020 sur des libéralités de la Saur en faveur d’Olivier Dussopt, le PNF avait ouvert en juin 2020 une enquête préliminaire pour vérifier la nature exacte des relations entre l’homme politique, du temps où il était député et maire d’Annonay (Ardèche), et le groupe privé.
D’après Mediapart, la perquisition réalisée chez le ministre par les enquêteurs financiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) a mis à jour « des échanges entre Olivier Dussopt et (la Saur) semblant laisser peu de doute sur l’existence d’un arrangement autour d’un marché public daté de 2009-2010 ».
Vingt ans après la première loi Sapin, et sept ans après la seconde, cette affaire montre que ces lois ne sont pas parvenues à moraliser le marché de l’eau. Il faut donc s’y prendre autrement.
Depuis vingt ans, les multinationales de l’eau sont en perte de vitesse en France. Le nombre de leurs contrats a été divisé par deux. La volonté de transparence et de reprise du contrôle et de la maîtrise du service public qui anime de nombreux élu.e.s, doit maintenant conduire à mettre hors la loi ce type de relations (DSP, SEMOP ou contrat général de prestations de services, dite régie de marchés) entre collectivités et multinationales.
L’association des usagers de l’eau de la région d’Annonay a critiqué le coût pour les usagers du contrat avec la Saur (reconduit sans mise en concurrence de 1998 à 2008) puis la situation de forte dépendance pour la commune induite par un contrat de prestation de services reprenant toutes les missions auparavant en DSP. Ces usager.e.s-citoyen.ne.s ont joué un rôle majeur dans la mise au grand jour du scandale actuel. Les citoyen.ne.s même quand ils ou elles ne gagnent pas tout de suite une gestion publique, ont toujours le pouvoir de ne rien lâcher et de changer le cours (de la gestion) de l’eau!
Les journalistes de Médiapart ont fait un travail d’investigation bien utile, montrant une nouvelle fois tout l’intérêt de médias indépendants des puissances financières. Le Parquet national financier a ouvert et mené une enquête : on peut se féliciter que la justice joue pleinement son rôle. Il est intéressant de noter que le « favorisateur » (O. Dussopt) et la favorisée (la Saur) sont tous les deux poursuivis, l’un n’existe pas sans l’autre.
Une réflexion sur « Les déboires du ministre qui voulait essorer les salarié.e.s »