Alors que le gouvernement a annoncé la mise en pause du plan Ecophyto, le président d’Eau de Paris et des acteurs de l’agriculture et de l’environnement appellent, dans cette tribune publiée dans « l’Obs », le président de la République à sanctuariser les aires d’alimentation de captage d’eau en y interdisant l’usage des pesticides.
Il y a un an, le président de la République présentait un plan eau dont l’objectif était de garantir à tous les Français un accès à une eau potable de qualité et en quantité suffisante pour les besoins essentiels. Cet objectif, auquel nous ne pouvons qu’adhérer, est gravement mis à mal par l’annonce du Premier ministre intervenue début février de mettre en pause le plan Ecophyto.
En dépit du lancement de ce programme il y a quinze ans, l’objectif de réduction massive de l’utilisation des pesticides est un échec. Reposant uniquement sur la bonne volonté des acteurs, sans ambition réglementaire, la baisse visée de 50 % de l’utilisation de produits phytosanitaires en dix ans fixée en 2008 n’a pas été atteinte. Une commission d’enquête parlementaire ayant travaillé sur ce sujet a remis un rapport en décembre dernier et dresse un constat au vitriol sur un « échec collectif à réduire notre empreinte chimique ». Il y a pourtant urgence à agir, et notamment pour prévenir les pollutions diffuses dans les aires d’alimentation des captages d’eau potable.
Car dans toute la France, les collectivités puisent dans les sources, rivières et nappes phréatiques, de l’eau largement contaminée par les pesticides et leurs métabolites. Cette contamination menace notre capacité collective à distribuer de l’eau respectant strictement les normes de qualité de plus en plus exigeantes imposées par les autorités sanitaires. Elle entraîne des coûts supplémentaires portés par les usagers, pour des traitements de potabilisation énergivores, et éveille la défiance des consommateurs vis-à-vis de la qualité de l’eau qui sort de leur robinet.
Pourtant, des solutions existent. Des initiatives portées par des régies publiques d’eau en France, à l’instar d’Eau de Paris, démontrent qu’il est possible d’accompagner les agriculteurs vers des pratiques durables, en favorisant les cultures biologiques et la réduction des pesticides sur les aires qui alimentent les captages d’eau. Les bénéfices sont multiples : une eau de meilleure qualité, nécessitant moins de traitements, la préservation des écosystèmes et de la biodiversité, et des agriculteurs mieux rémunérés et protégés.
Mais les programmes que nous mettons en place restent tributaires du bon vouloir des opérateurs locaux et des agriculteurs. De plus, le soutien financier de l’Etat reste précaire et limité. Enfin, le levier réglementaire, pourtant efficace et nécessaire, n’est pas suffisamment actionné.
Beaucoup d’agriculteurs ne parviennent plus à se rémunérer ni à vivre dignement. Leur colère est légitime. Le gouvernement doit l’entendre sans céder aux intérêts du lobby des pesticides qui, sans considération pour l’intérêt général, agit contre la santé des personnes et de l’environnement. Nous ne pouvons plus sacrifier la qualité de notre eau et la santé de nos concitoyens au nom d’intérêts économiques à court terme.
Il est de la responsabilité de l’Etat de permettre aux collectivités de garantir l’accès à une eau potable de qualité pour tous. Plutôt que d’acter un recul sans précédant dans la lutte contre les pesticides, le gouvernment doit prendre des mesures concrètes pour sanctuariser les aires d’alimentation de captage d’eau en y interdisant l’usage des pesticides. Cette évolution des pratiques agricoles doit être soutenue financièrement, avec force et dans la durée. A cette condition, les intérêts des agriculteurs, pour beaucoup persuadés qu’il faut changer de modèle, rejoindront ceux des populations, des services d’eau potable et de l’environnement.
L’eau est un bien commun qui doit être préservé. Sacrifier cette ressource vitale sur l’autel de l’agro-business laisserait une tache indélébile sur le mandat du président de la République. Il est encore temps de ne pas commettre l’irréparable et de mettre fin au scandale des pesticides dans l’eau potable en France.
Premiers signataires :
Dan Lert, président d’Eau de Paris
Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’Agriculture biologique (FNAB)
Antoine Gatet, président de France Nature Environnement
Nadine Lauverjat, déléguée générale de Génération Futures
Pour avoir des nappes saines il faut des sols sains et vivants donc toujours couverts et JAMAIS secs !
https://www.mediaterre.org/scientifiques/actu,20230623081123,9.html