La loi NOTRe permet aux communes, via leurs territoires, de ne pas ré-adhérer au SEDIF (syndicat des eaux d’Ile-de-France). En cas de volonté d’adhésion, celles-ci doivent le manifester avant le 31 décembre 2017. Malgré de très nombreuses sollicitations pour ne pas dire pressions, à ce jour, trois établissements publics territoriaux n’ont toujours pas manifesté leur volonté d’adhésion. Il s’agit d’Est Ensemble, Plaine Commune et Grand Orly-Seine-Bièvre. Ces établissements publics regroupent 36 communes et 1,5 millions d’habitants, usagers du service de l’eau.
Par Jacques Perreux, président du groupe écologiste et citoyen au Conseil de l’Établissement public territorial Grand-Orly-Seine-Bièvre.
Que se passe t-il?
Une forte vague sans précédent s’exprime en faveur de la gestion publique de l’eau dans les territoires. Le président du SEDIF, Monsieur Santini, s’en inquiète et s’adresse par écrit aux trois présidents et aux maires de ces territoires (lire ici la lettre de M. Santini). Il les menace ouvertement de devoir supporter des coûts exorbitants de sortie du syndicat et il attribue cette soit disant » volonté de rupture de la solidarité intercommunale à des raisons idéologiques à l’initiative d’une minorité agissante »
Monsieur Santini fait fausse route.
Mais tout d’abord l’idéologie n’est pas en soit une tare ou un défaut. Monsieur Santini lui-même ne peut cacher qu’il a une idéologie qu’on appelle l’ultra-libéralisme et qu’il traduit dans sa ville par la privatisation maximum des services publics. C’est son droit, et laissons de coté la question de savoir si cette idéologie ultra-libérale est le fait d’une minorité agissante ou non. Monsieur Santini devrait plutôt se demander pourquoi des centaines et des centaines d’éluEs se mobilisent sur l’enjeu de la gestion de l’eau ? Pourquoi, dans au moins 20 villes, des réunions publiques se tiennent avec une affluence inhabituelle, des conseils municipaux extraordinaires se réunissent, des vœux se votent pour ne pas adhérer au SEDIF ?
Cela n’aurait-il pas quelque chose à voir avec une méfiance croissante de nos concitoyens vis-à-vis des agissements des multinationales, notamment dans le domaine alimentaire, de la santé, comme dernièrement l’affaire du glyphosate de Monsanto celle du diesel ? Ou encore celle du nucléaire avec ERDF ? Véolia, à qui le SEDIF a délégué la production et la distribution de l’eau en d’Ile-de-France depuis 100 ans sans discontinuer ne se conduit pas mieux ! Scandales à répétition: empoisonnement aux USA, corruption en Roumanie, soupçons de conflits d’intérêts en France…
Cette méfiance populaire est légitime et bonne conseillère
Qui peut croire que la chambre régionale des comptes qui a épinglé dernièrement le SEDIF sur les rémunérations trop importantes versées à Veolia, soit une minorité agissante animée par des considérations idéologiques ? D’ailleurs, de façon subite le SEDIF vient de baisser le prix de l’eau de 10 centimes au m3. Cette forme d’aveu devrait donner lieu à un remboursement rétroactif du trop perçu.
Qui peut croire que les maires de gauche et de droite qui par centaines en France et dans le monde décident de revenir en régie sont devenus des « gauchistes » ? Ils sont simplement des élus qui voient bien qu’à force de déléguer la gestion de l’eau au privé la puissance publique et les élus ne maitrisent et ne contrôlent plus rien.
Certains élus délèguent tout : les déchets, les crèches, la restauration scolaire et même comme à Issy les Moulineaux dont Monsieur Santini est maire, les ressources humaines. Nos concitoyens ne nous élisent pas pour que nous déléguions à des intérêts privés la gestion des biens communs. Ils nous élisent pour que nous prenions nos responsabilités, avec comme critères la justice sociale l’écologie et ils seront de plus en plus nombreux à vouloir être associés à une gestion respectueuse des générations futures. Qui peut croire que dans les conseils d’administration des multi nationales on se soucie des générations futures ?
Que demandent alors les élus – peut être majoritaires – des 3 territoires ? De rompre de façon intempestive avec le SEDIF ? Non. Ils demandent du temps. Simplement du temps pour réfléchir, pour explorer des possibles modèles alternatifs. Du temps pour travailler sur des périmètres hydrologiques cohérents économes et moins couteux. Ce temps a été évalué à deux ans par le cabinet indépendant Artelia pour notre territoire / le grand Orly – Seine – Bièvre.
le temps de la démocratie et de la confiance retrouvée
Je sais bien que pour certains » time is money », mais dans ce cas précis le temps c’est de la démocratie et aussi des économies éventuelles pour nos villes et nos habitants. Pendant ces 2 ans où un certain nombre de villes ne serait plus adhérentes du SEDIF, le contrat avec Veolia continuerait à être honoré et une convention partenariale pourrait être signée avec le SEDIF. Au bout de ces 2 ans les élus pourraient sereinement et pourquoi pas après référendum décider ou non de ré-adhérer au SEDIF et de créer ou non une régie publique en coopération intercommunale.
Ce temps de réflexion est indispensable. Nous le devons à nos concitoyens et nous le devons pour contribuer à reconstruire de la confiance . Ce temps ne nuit à personne, ni au SEDIF ni à Veolia et il peut profiter à tous, y compris aux villes qui jusqu’à présent ne se sont pas encore interrogées sur l’opportunité de marquer une pause dans leur adhésion au SEDIF.