Achères: tentative de passage en force

Malgré l’opposition massive des habitant.e.s, le maire d’Achères, l’intercommunalité GPS&O et Suez, annoncent le maintien du projet d’une nouvelle usine de traitement de l’eau au cœur d’un quartier pavillonnaire, à l’orée d’une forêt. L’association Achères Sources Nature souligne que ce projet augmenterait de 20% les prélèvements d’eau dans la nappe souterraine et dépassant sa capacité de renouvellement, selon une étude hydrogéologique réalisée pour … Suez. Ci-dessous comptes-rendus des deux dernières réunions rédigés par l’association Achères Sources Nature et lien vers le premier article de Maurice Martin.

Compte-rendu détaillé de la réunion du 17 octobre

Voici un nouveau communiqué suite à la réunion du bureau de l’association Achères Sources et Nature avec la municipalité d’Achères et GPS&O le 17 octobre dernier concernant le projet d’implantation d’une usine Suez Eau France de traitement des pesticides dans le quartier Montsouris à Achères. Cette réunion, à l’initiative de la Mairie et de GPS&O, avait comme ordre du jour: « un point sur le projet d’implantation de l’usine Suez ». Outre les personnes du bureau de l’association dont le secrétaire général (Lionel Euzet) et Bernard Dombret (président), étaient présents M. Marc HONORE, maire d’Achères, sa directrice de cabinet Audrey STITI-THIRION et M. Gilles LECOLE, maire d’Aubergenville et 9ème Vice-président GPS&O, délégué à l’eau et à l’assainissement. Voici le compte -rendu détaillé de cette réunion :

A défaut d’un point sur le projet, Marc HONORE débute la réunion en s’adressant à l’association par un « Alors… Je vous écoute » pour le moins déroutant. Aucune présentation n’était donc prévue pour un point sur le projet, à croire qu’il ne s’était rien passé depuis juin dernier sauf un email transmis à l’association par la directrice du cabinet du maire le 25 août 2023 et contenant les éléments suivants (en PJ) :
1. Une présentation du projet par Suez à GPS&O du 16 juin 2023
2. Un document « Analyse Productivité Forage ACHERES »

L’association Achères Sources et Nature prend donc l’initiative et présente les résultats de la consultation qu’elle a organisé le 22 juin 2023 auprès des adhérents de l’association et des habitants d’Achères, à savoir :

1. 316 avis exprimés
2. 4 avis en faveur d’une implantation dans le quartier Montsouris (projet initial)
3. 41 avis en faveur d’une implantation alternative sur la zone du centre sportif Georges BOURGOUIN
4. 271 avis pour un implantation sur les terrains de la SNCF du site de Grand Cormier (principe pollueur / payeur) et/ou sur une zone non résidentielle

Sur la base de ces résultats, très tendu, Marc HONORE intervient alors avec empressement, sort le seul courrier de la SNCF qu’il a obtenu en pars 2023 et qui refuse la concession de la moindre parcelle (Lire ici la réponse de la SNCF à Grand Paris Seine et Oise Achères du 28/03/2023), explique que Saint Germain en Laye n’acceptera jamais un équipement qui ne la concerne pas, et que l’installation proche du stade serait une gêne pour les enfants qui le fréquentent et serait, en outre, plus coûteuse que la solution de Suez, au cœur du quartier Montsouris. Et il annonce qu’il maintient tel quel le projet initial ! Comme on lui fait remarquer que cette « solution » n’a retenu que 4 voix sur 316 habitants concernés, il affirme sans sourciller que sa décision est « démocratique » puisqu’il est le maire de la commune. Puis, il détaille à nouveau les arguments de Suez et de GPS&O en faveur du projet. L’association exprime une nouvelle fois, son incompréhension face à l’interprétation de cette consultation faites par le maire et sa farouche opposition à l’implantation d’un site industriel à moins de 3 mètres des premières habitations de Montsouris et de la lisière de la forêt de Saint Germain en Laye.

Toujours face à l’absence du moindre élément nouveau proposé ou même exposé par Gilles LECOLE (en charge du projet par GPS&O) et Marc HONORE, l’association poursuit par les conclusions de la note « Analyse Productivité Forages ACHERES » qui lui avait été transmise le 25 août 2023 par la directrice du cabinet de Marc HONORE. Il s’agit d’une note « Note interne / Diffusion restreinte / Strictement confidentiel » datée du 21/06/2023 rédigée par Nicolas Defay, Ingénieur Hydrogéologue du Pôle Expertise (SDP-Suez Eau France), 16 ans et demi d’ancienneté chez Suez, à l’attention de Karl GLUCINA, Directeur des Usines Services et Innovations de Suez Eau France (il était présent lors des deux réunions publiques organisées par la GPS&O en 2022). Lorsque ce document est sorti, on s’aperçoit rapidement que :

1. Ce document nous a été transmis par erreur par la DIRCAB
2. Gilles LECOLE et Marc HONORE disent ne pas en avoir eu connaissance et parle d’un dysfonctionnement dans leurs services (je n’ai pas encore compris si le dysfonctionnement dont ils parlaient concernait le fait qu’ils n’en avaient soi-disant pas eu connaissance ou qu’il nous avait été transmis par la DIRCAB).

Face à leur apparente méconnaissance d’un document au combien important dans la compréhension du dossier, l’association Achères Sources et Nature leur expose une synthèse dont voici les points les plus importants :

Sur la capacité de la ressource

1. Les 4 forages (F2,F3,F4 et F5) captent une nappe libre des calcaires lutétiens qui est principalement alimentée par l’infiltration des eaux de pluie (page 4)
2. L’aire d’alimentation des forages est principalement couverte par la forêt (note de ma part : surtout F4 et F5). Une large part des précipitations est captée par le couvert forestier, ce qui limite la recharge naturelle de la nappe (page 5). Le volume annuel de la recharge des forages est estimé à 1,5 millions de m3 par an (page 5)
3. Conclusion de l’ingénieur Hydrologue de Suez (en gras page 5) : « Le prélèvement d’un volume supérieur à la recharge annuelle mettrait en péril la ressource à court terme, en érodant le stock. Le volume annuel autorisé de 2,55 Mm3/an paraît surévalué au regard de la capacité réelle de la ressource. » (note de ma part : on comprend mieux le caractère confidentiel de cette note)
4. le volume annuel maximal a été prélevé en 2022 avec 1,55 Mm3, cette valeur reste très inférieure au volume autorisé soit 2,55 Mm3/an (page 8).
5. Cette solution à 3 racks (note de ma part : l’usine), si elle devait être utilisée de façon durable sur l’année, conduirait à un prélèvement 2,4 Mm3 dans la nappe, valeur compatible avec l’autorisation mais qui semble nettement supérieure au fonctionnement actuel et important au regard de la ressource disponible (page 14).

CONCLUSION : on comprend donc que la mise en place de cette usine d’un coût d’environ 8 millions d’euros permettra à l’exploitant d’atteindre le volume maximum de prélèvement légal de 2,5 millions de m3 pour des puits ou le même document indique « qu’un prélèvement au-delà du volume annuel de la recharge qui est de 1,5 millions de m3 mettrait en péril la ressource à court terme ». Ce projet est une fuite en avant technologique qui à terme asséchera la ressource en eau. Il s’agit maintenant de préserver la ressource en luttant contre la mise en place, ou que ce soit, d’une usine couteuse, gourmande en énergie (électricité x 3), polluante (gestion des déchets nécessitant une modification du diamètre du réseau des eaux usées, non chiffrée à ce jour).

Sur le puits F5

1. La justification principale de ce projet d’usine est l’exploitation du Puits F5, aujourd’hui inutilisé. Or, on s’aperçoit que l’on ne sait a peu près rien de ce puit :

L’impact de la piézométrie (volume des précipitations) sur la productivité de F5 n’est pas connu (page 12).
L’évolution de la productivité de F5 n’est pas connue (page 16)
La capacité de production du forage F5 n’a pas été testée depuis sa création (1999). L’incidence de sa mise en exploitation sur les autres forages et notamment F4 n’a pas été testée (page 16).
CONCLUSION : GPS&O et la Municipalité d’Achères s’apprêtent à autoriser la construction de cette usine sans mener les études préalables et indispensables sur le puits F5

A cela, il faut ajouter le problème de la gestion des rejets (slides 23 et 24 de la présentation de Suez), je cite : « Le réseau EU actuel n’est pas en mesure d’accepter le rejet de la future usine de traitement d’eau potable à Achères : ni la pointe (60 m3/h) ni la moyenne (45 m3/h) ». On peut en déduire que soit les rejets pollués seront stockés sur place et évacués par camions (comme nous le dénonçons depuis le début) soit cela va nécessiter d’important travaux de rénovation du réseaux des eaux usés pour passer d’un diamètre 150 à un diamètre 300 (slide 24). Ces travaux ne sont chiffrés nulle part et il n’en a jamais été fait mention par la municipalité ou GPS&O.

Sur les actions préalables à engager

La note est très claire sur les actions préalables à mener avant :

1 – Réduction des débits d’exploitation du forage F4 (en priorité), mais aussi de F2

Objectifs : limiter le rabattement et prévenir la dégradation de la qualité des eaux (turbidité)

2 – Réalisation de travaux de régénération du forage F4

Un diagnostic de l’état du forage par ITV et un pompage d’essai seront réalisés en préalable aux travaux de régénération.

3 – Essai de pompage sur le forage F5

Objectifs : contrôler la capacité actuelle de ce forage et évaluer l’interférence sur les autres forages

4 – Evaluation de la ressource disponible

Sur les bases de l’étude en cours, réaliser un bilan hydrique et une évaluation de la ressource disponible.

Nous avons donc demandé en séance de mettre ce projet à l’arrêt et de mener les actions préconisées par cette note.
En l’état actuel, nous sommes favorables à l’abandon pur et simple de ce projet qui, outre tous les autres aspects déjà évoqués (risque, pollution, coûts pour les usagers), apparait maintenant comme mettant en danger la ressource en eau à Achères. Nous ne comprenons pas l’entêtement de GPS&O et de la Mairie d’Achères qui, jusqu’à présent refusent de prendre en compte ces éléments et sont dans une attitude de « fuite en avant »
A l’issue de cette présentation, Marc HONORE et Gilles LECOLE ont mis rapidement fin à la réunion en proposant une nouvelle réunion en présence de Suez, et notamment de Karl GLUCINA.
Cette réunion est prévue le 9 novembre 2023.

Nous pensons qu’il est urgent que la municipalité et la CU soient interpellées sur les éléments révélés par la note « confidentielle / diffusion restreinte » qui montrent la mise en danger à court terme de la ressource en eau par ce projet d’usine.