Les nouvelles big bosses de Veolia et Suez, réconciliées pour restaurer leur commune emprise sur nos services publics locaux, s’étaient lancé fin 2022 un pari audacieux, mais jouable. Par Pascal Grandjeat.
Quel pari?
Celui que les 3 mois de débat public sur « l’eau potable en Ile de France » se déroulent et s’achèvent sans que soit prononcés une seule fois les mots « capitalisme » et « actionnaires » . Des mots pourtant essentiels pour comprendre les enjeux et les intérêts mobilisés dans le projet écoterroriste d’OIPB porté par le SEDIF en attisant les peurs des populations….
Un pari audacieux, si peu de temps après l’OPA hostile lancée et gagnée par Veolia contre Suez, illustrant l’importance persistante du marché des services publics locaux pour les multinationales leaders en ce domaine; pas simple, dans ces conditions, de nous conter que ce projet n’est motivé que par notre santé et celle de nos bouilloires….
Mais un pari jouable, tant est solide la bienveillante connivence qui réunit les acteurs politiques économiques et médiatiques de l’aménagement du Grand Paris pour garder le silence sur les modalités de partage des rentes et des profits organisé sur le dos des franciliens.
Les choses avaient bien commencé
L’affaire paraissait bien enquillée: ni dans le volumineux dossier de présentation du projet, ni dans ses annexes, ni dans les communiqués, grilles de lectures et ordres du jour des débats prévus par la CNDP pour faire la lumière sur le projet, les mots clés en question n’étaient prononcés: on discutait avec entrain de membranes, de concentrats, de micro-polluants, d’électricité, choix techniques.
N’est pas Georges Perec qui veut
Mais n’est pas George Perec qui veut, la disparition est un art difficile.
Alors, patatras! Fin avril, un acteur non convié au débat et s’y invite et l’éclaire en prononçant les mots tabous qui fâchent et qui tâchent dans le scénario prévu, mais qui nous permettent enfin, à nous humbles quidams, de comprendre de quoi il en retourne
Il s’agit de l’ Observatoire des multinationales, qui publie, à l’occasion de l’AG des actionnaires de Veolia son rapport commandé par l’internationale des services publics « Retour sur l’affaire Veolia-Suez, monopole contre service public »
Un rapport qui permet de comprendre l’enjeu pour Veolia d’imposer l’OIBP pour son plus gros contrat mondial à valeur de vitrine en matière d’eau potable , le contrat du SEDIF.
Un rapport qui, sapristi, parle du capitalisme et des actionnaires en 2023. Purée, ohlala!
Les solutions technologiques pour en revenir au bon vieux temps : bon sang mais c’est bien sûr
Pour Veolia, entreprise rentière basée sur l’accaparement de fonds publics dédiés aux services essentiels, l’OIBP est l’illustration d’un changement obligé de stratégie face au mouvement de municipalisation de la distribution de l’eau potable: le passage d’une captation de la « rente de l’eau » à la captation de la nouvelle « rente du climat ».
L’une des raisons de l’OPA hostile de Veolia sur Suez était d’imposer son récit sur l’avenir des services de l’eau et des déchets et sur la crise climatique, à savoir que les solutions technologiques (propriétaires et coûteuses) seraient le seul moyen de faire face aux crises
écologiques et que le prix de l’eau, des déchets et d’autres services essentiels doit augmenter de manière drastique pour relever ces défis. Il s’agit d’une stratégie de « privatisation par la technologie ».
Merci à l’ODM pour ce recentrage du débat sur ce qui compte! Que la parole soit enfin donnée aux actionnaires, oubliés dans les coulisses, pour qu’ils nous expliquent enfin comment la fuite en avant technologique du SEDIF est vitale pour la préservation de leurs dividendes à venir.
Pour une synthèse du rapport , c’est ici
Pour télécharger le rapport complet, c’est ici (il faut compter une demi-heure de lecture, mais franchement, le jeu en vaut la chandelle, pour ne pas être les dindons de la farce et ne pas être complice de non-assistance à planète en danger )
Merci à l’ODM pour sa contribution salutaire