Des territoires essonniens déterminés face à Suez

Bien décidées à reprendre le contrôle de la production et de la distribution de l’eau potable sur leur territoire, les trois communautés d’agglomération essonniennes de Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne et Val d’Yerres Val de Seine sont en négociation serrée avec Suez.

Les discussions vont bon train entre Suez et ses clients essonniens. Très implantée dans le sud francilien, à travers son entité Eau du Sud Parisien, la major est en effet confrontée à la volonté de plusieurs territoires de reprendre en main la gestion de leur eau potable. « Nous souhaitons maîtriser ce bien commun, à la fois pour des raisons de financiarisation de gestion de l’eau et pour des raisons écologiques », explique Michel Bisson, président de Grand Paris Sud (Essonne/ Seine-et-Marne). Cette communauté d’agglomération s’est certes déjà dotée d’une régie publique de l’eau. Mais celleci n’est, pour l’instant, compétente qu’en matière de distribution. La production reste confiée à Suez et à sa filiale Eau du Sud Parisien par l’intermédiaire d’une délégation de service public.

En matière d’eau potable, le sud francilien est un territoire complexe : les principaux ouvrages de production et de transport d’eau qui se sont constitués au fil du temps sont interconnectés pour mieux mutualiser les besoins des territoires. Ils forment le RISF ou « réseau interconnecté du Sud francilien » qui approvisionne environ 1,4 million d’habitants.
Et c’est, aujourd’hui, ce patrimoine, que les communautés d’agglomération de Grand Paris Sud, mais aussi de Cœur d’Essonne, présidée par le socialiste Eric Braive, et de Val d’Yerres Val d’Essonne, dirigée par le président LR du département François Durovray, souhaitent racheter à Suez.

Syndicat mixte fermé

Pour ce faire, elles ont réaffirmé, dans une communiqué commun publié le 16 juillet 2021, également cosigné par le département, leur volonté de créer un syndicat mixte fermé. « Trois premières intercommunalités – Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne et Val d’Yerres Val de Seine – travaillent ensemble sur la création d’un syndicat mixte fermé de production et transport d’eau potable. Des délibérations de principe ont d’ailleurs déjà été présentées, ou le seront très prochainement, dans toutes leurs instances respectives », précise le texte, qui poursuit : « il a vocation à accueillir progressivement l’ensemble des collectivités alimentées par le RISF, d’autres établissements publics, tels que le SIARCE (Syndicat intercommunal d’aménagement des rivières et du cycle de l’eau), et se substituera en toute propriété à terme à l’entreprise Eau du Sud Parisien pour la fourniture d’eau en gros aux collectivités concernées des trois départements de l’Essonne, de Seine et Marne et du Val de Marne ». L’idée est en effet de convaincre la communauté d’agglomération de Paris Saclay, ainsi que Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne/ Essonne) dont certaines communes sont reliées au RISF, tout comme Grand Paris Sud Est Avenir (Val-de-Marne) de rejoindre le futur syndicat mixte fermé. Ce dernier pourrait être constitué d’ici la fin de l’année 2021.

Reste à convaincre Suez, acteur incontournable du territoire. « Nous menons des échanges réguliers avec Suez depuis longtemps », explique Michel Bisson. « Depuis maintenant 18 moins environ, l’entreprise a accepté le principe de dissocier la propriété, dans un premier temps de l’usine de Morsang-sur-Seine, dans un second temps de la totalité du RISF, de l’exploitation et, donc, de devenir un opérateur exploitant ».

Trois points de négociation

Plusieurs sujets ont cependant émergé. Celui de la durée pendant laquelle le futur syndicat mixte confiera à Suez l’exploitation de son patrimoine. « Nous étions partis sur 5 ans, Suez souhaitait 20 ans. Mais nous pensons que nous trouverons un compromis », assure le président de Grand Paris Sud. Deuxième sujet : la détermination d’un prix péréqué de l’eau. En effet, ont souligné les élus essonniens dans leur communiqué, les différences des prix facturés à différentes collectivités sont importantes, le tarif allant de 0,57 à 0,85 euro HT par m3. « Cependant, nous sommes désormais à peu près d’accord », assure Michel Bisson. « Nous estimons que la somme de 0,43 euros HT/m3 couvre les coûts d’exploitation et d’investissement du RISF, et les calculs de Suez sont très proches ».

Le dernier point d’achoppement concerne le prix de cession du patrimoine du RISF. « Jusqu’à présent, Suez nous proposait une valorisation à la valeur d’usage. Cela peut être recevable en cas de
revente à une autre société, mais non lorsque l’acheteur est une collectivité : en effet, les usagers de nos territoires ont déjà payé tous les investissements réalisés dans leur facture d’eau », estime l’élu.

Pour lui, et ses collègues, seule la valeur nette comptable peut constituer une base de discussion. Une valeur nette que les territoires évaluent, pour leur part, entre 0 et 60 millions d’euros contre les quelque 400 millions qu’aurait demandé Suez (qui ne souhaite, pour l’instant, s’exprimer, NDLR). En outre, la propriété réelle de certains éléments d’infrastructure reste à préciser.

Une étape a cependant été franchie mardi 20 juillet lors de la dernière rencontre entre les élus et Maximilien Pellegrini, directeur général délégué en charge des activités Eau France de Suez. « Il a accepté que Suez travaille sur ses comptes pour évaluer la valeur nette comptable des actifs concernés », relate Michel Bisson. Le travail devrait durer jusqu’à la fin de l’année. La décision de prendre l’une ou l’autre notion comme base de négociation ne relèvera cependant pas du directeur général délégué de Suez, mais des nouveaux investisseurs (Meridiam, GIP et la Caisse des Dépôts) qui, fin 2021 ou début 2022, devraient prendre en charge le « Nouveau Suez » issu du processus de fusion avec Veolia.

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