La régie d’eau potable parisienne est la seule collectivité à avoir fait notifier son régime d’aides sur les paiements pour services environnementaux (PSE) par la Commission européenne en janvier 2020. Son dispositif s’adapte aux particularités locales des agriculteurs sur ses aires d’alimentation de captages les plus vulnérables. Par Alexandra Delmolino.
Les aires d’alimentation de captage de la capitale s’étendent sur 240 000 hectares, au sud-est de Paris, vers Fontainebleau, Sens et Provins, et à l’ouest, en Normandie. Entre 2007 et 2015, le recours aux mesures agroenvironnementales (MAE) par les agriculteurs a permis à certains territoires d’être couverts jusqu’à 40 % de la surface agricole utile (SAU), entraînant une forte réduction de l’usage des pesticides et avec des premiers effets visibles sur la qualité de l’eau.
Mais à partir de 2015, la fin des premiers contrats de cinq ans et l’évolution des cahiers des charges nationaux ont provoqué le désengagement progressif des exploitants en agriculture conventionnelle. « Quand nous avons constaté la perte d’efficacité des MAE sur les aires d’alimentation de nos captages, nous avons décidé de construire notre propre cahier des charges pour coconstruire des aides adaptées aux agriculteurs avec des objectifs de résultats. C’est le concept des paiements pour services environnementaux », souligne Manon Zakeossian, responsable du service protection de la ressource et biodiversité chez Eau de Paris.
La régie parisienne a construit son propre régime d’aides agricoles
Territoire pilote participant au projet Interreg CPSE entre 2017 et 2020 avec l’agence de l’eau Seine-Normandie, Eau de Paris profite de cette expérience pour élaborer à partir de 2018 son cahier des charges avec un comité technique rassemblant l’agence de l’eau, des experts techniques, des chercheurs et les agriculteurs locaux. Soutenue par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, la régie parisienne construit sur cette base son propre régime d’aides agricoles, compatible avec la réglementation européenne sur les aides d’État. Présenté par le ministère de l’Agriculture à Bruxelles en juin 2019, le régime d’aides est notifié par la Commission européenne le 13 janvier 2020.
Le dispositif d’Eau de Paris est autorisé pendant cinq ans (2020-2025). Il repose sur une enveloppe de 47 millions d’euros attribuable jusqu’en 2032 grâce à des contrats PSE signés avec les agriculteurs pour six ans en agriculture conventionnelle et sept ans en bio. Il est financé à 80 % par l’agence de l’eau Seine-Normandie, Eau de Paris apportant le reste.
Polyculture-élevage
Trois mesures sont accessibles aux agriculteurs. La première vise les systèmes de grandes cultures économes en intrants (nitrates, pesticides) avec une rémunération à hauteur de 230 euros l’hectare. Sur l’azote, elle introduit un objectif de résultats assorti d’un bonus sur la mesure du reliquat à l’entrée de l’hiver dans les sols afin de respecter la norme pour l’eau potable sous la parcelle (50 mg/l). La deuxième mesure est relative au système de polyculture-élevage et conduit à réduire les intrants et à maximiser les prairies pour protéger l’eau. Le paiement associé est de 300 euros à l’hectare.
Enfin, la dernière mesure concerne le bio en grandes cultures et la polyculture-élevage, avec des exigences supplémentaires à celles du cahier des charges national, notamment sur la durabilité du système et les nitrates. Ces aides vont de 150 euros à l’hectare pour le maintien durant quinze ans à 450 euros à l’hectare pour la conversion d’une exploitation située sur une aire d’alimentation de captage et où l’agriculture biologique représente moins de 15 % de la SAU. « Pour l’agriculture biologique, nous avons voulu être plus incitatifs que les aides nationales sur les territoires où elle reste peu développée. Si nous aidons les agriculteurs à passer ce seuil, leur transition pourra perdurer plus facilement », explique Manon Zakeossian.
En 2020, 49 agriculteurs exploitant 8 200 ha ont déjà répondu à l’appel d’Eau de Paris pour une enveloppe de contrats de 14,6 millions d’euros sur sept ans. Le vivier potentiel est de 200 agriculteurs présents sur les quatre aires d’alimentation de captages prioritaires.