Eau osmosée: les arguties de M. Santini

André Santini (UDI), patron du syndicat des eaux d’Ile-de-France, répond aux accusations qui visent son projet de traitement de l’eau  du robinet pour la rendre sans chlore et sans calcaire, jugé trop coûteux et pas nécessaire. Par Olivier Debruyne, dans le Parisien du 17 décembre.

Nos commentaires sont en gras dans l’article ci-dessous.

Le SEDIF, syndicat des eaux d’Île-de-France, qui gère l’eau de 135 communes, soit 4,7 millions d’usagers, a voté jeudi 16 décembre son plus gros programme d’investissement depuis la création du syndicat. Une somme de 2,5 milliards d’euros sur 10 ans, dont 800 millions rien que pour son projet pionnier intitulé « Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore ». Un procédé révolutionnaire de traitement de l’eau (osmose inverse basse pression – OIBP – en jargon technique) très controversé, qui doit entrer en service en 2030.

Un projet dénoncé par plusieurs élus locaux, notamment Olivier Faure, député PS, qui explique : « Cette technologie est totalement absurde puisqu’elle consomme davantage d’eau, davantage d’énergie, elle rejette dans la Seine un concentrat polluant et cela coûte plus cher. » L’Agence de l’Eau Seine Normandie a, de son côté, refusé de subventionner le projet, expliquant qu’il « présente des effets sur l’environnement qui ne semblent pas suffisamment contrebalancés ».

Des critiques qui laissent de marbre le président du SEDIF depuis 1983, André Santini (UDI), qui les qualifie de « bisbilles politiques » et de « querelles picrocholines (insignifiantes) ». Le projet a été voté ce jeudi matin par 150 élus au SEDIF avec une voix contre.

Il n’y avait que 62 élu.e.s présent.e.s (et 11 pouvoirs) au comité syndical du SEDIF du 16 décembre et deux voix se sont prononcées contre le projet, comme en atteste le compte-rendu sommaire en ligne sur le site du syndicat. Que pensent les 63 élu.e.s absent.e.s et non représenté.e.s? Il est incroyable que des décisions budgétaires d’une telle ampleur (plan de 2,5 milliards d’euros pour les dix prochaines années) soient prises dans ces conditions. Cela en dit long sur le verrouillage et la crise de gouvernance traversée par le SEDIF. 

Le Parisien. Que répondez-vous à vos détracteurs qui estiment que la qualité de l’eau du robinet est déjà suffisante ?
ANDRÉ SANTINI. C’est la question de la seule élue qui a voté contre le projet au SEDIF. C’est une fronde purement politique. La contestation est arrivée juste après les élections municipales… Aujourd’hui notre eau est parfaite, c’est vrai. Mais il ne faut pas avoir peur du progrès. L’insatisfaction des clients vient du goût de chlore et la présence de calcaire, qui seront éliminés avec l’OIBP. Avec cette technique, qui existe déjà en Suisse, on élimine aussi tous les micropolluants comme les résidus médicamenteux ou les perturbateurs endocriniens. Et il faut anticiper les futures normes qui seront plus sévères à l’avenir. La conclusion du rapport du commissaire enquêteur est claire. Il écrit que ce projet « constitue une avancée technologique considérable dans le domaine de la distribution d’eau potable, jamais égalée à ce jour ». Si on peut supprimer les micropolluants, il faut le faire.

En réalité, le chlore subsistera dans l’eau distribuée aux usagers. Car les règlements sanitaires imposent d’en ajouter pour le transport quand l’eau séjourne plus de 24h dans les canalisations avant de parvenir aux usagers, ce qui est le cas en région parisienne. Les perturbateurs endocriniens et autres micropolluants aussi, car l’eau osmosée est impropre à la consommation et le SEDIF prévoit de la couper avec 30% d’eau provenant de la filière classique qui contient des perturbateurs endocriniens selon le SEDIF. Cela ne changera donc rien au final car l’action des perturbateurs endocriniens n’est pas proportionnelle à la dose ingérée. Quant au calcaire, sa présence n’est problématique que dans quelques localités de la région parisienne et d’autres techniques permettent déjà  d’en venir à bout. La question reste entière : quel est l’intérêt de cette technologie pour les usagers?

Le Parisien. Vos opposants évoquent une consommation d’électricité supplémentaire et un pompage plus important dans la nappe phréatique…
ANDRÉ SANTINI. Nous allons pomper environ 10 % de plus dans la nappe de Champigny, mais on respectera toujours toutes les normes en vigueur. Et le surcoût en énergie est réel, la consommation du site pilote de Savigny-le-Temple doit passer de 4 400 à 7 700 MWh par an. Mais c’est insignifiant pour le consommateur, ça représente une hausse de 1,40 euro par an et par personne. En face, il fera de réelles économies sur sa facture.

André Santini passe rapidement sur les conséquences environnementales: elles ne sont pourtant pas négligeables! La nappe du Champigny est surexploitée et en situation de tension quantitative structurelle avérée depuis … 2013, selon la préfecture de Seine et Marne qui l’a classé en zone de répartition des eaux pour limiter les prélèvements. Si le projet d’eau osmosée était appliquée à toutes ses usines, comme le prévoit le SEDIF, cela augmenterait les prélèvements dans le milieu naturel de 33 millions de m3 par an, soit l’approvisionnement actuel de 570 000 habitant.e.s. La consommation d’énergie, ce n’est pas seulement un coût supplémentaire, c’est aussi une pression supplémentaire sur les ressources, des émissions supplémentaires de CO2, etc.

Enfin concernant l’augmentation des tarifs, les documents fournis au comité syndical du SEDIF en mai dernier évoquaient une augmentation comprise entre 15 et 37 centimes d’€/m3 HT, soit pour les usager.e.s domestiques (qui paient la TVA) entre 16 et 39 centimes d’€/m3 HT. (Voir ici le rapport sur le futur mode de gestion de l’eau potable p24). Soit entre le double et le quadruple de ce qu’évoque à présent M. Santini. 

Le Parisien Justement, comment pouvez-vous affirmer que l’usager fera, à terme, une économie de 100 euros par an sur sa facture ?
ANDRE SANTINI C’est ce qui ressort d’une étude du cabinet d’audit Deloitte, qui est bien plus compétent que nos opposants politiques. Avec cette eau pure, les clients n’auront plus besoin de produits anticalcaire et consommeront moins de bouteilles d’eau en plastique, ce qui est aussi bon pour l’environnement. C’est un pari sur un changement de comportement des consommateurs. Il faudra faire des opérations de pédagogie pour expliquer.

L’étude Deloitte est une étude de marché qui répond aux attendus de son commanditaire, le SEDIF. Son volet « bénéfice économique » s’exonère de toute méthodologie ainsi que l’ont montré les associations dans leur recours contre les conclusions de l’enquête publique. (Lire ici pp 9 à 12.) 

Le Parisien Vous êtes encore en attente de la décision du préfet de Seine-et-Marne qui doit donner son feu vert…
ANDRE SANTINI. Oui, il s’est donné deux mois supplémentaires pour accorder le permis de construire, mais nous sommes confiants. Dès que nous aurons son accord, nous lancerons les travaux.

Le courrier du Préfet de Seine-et-Marne adressé le 18 novembre  à M. Santini  indique clairement « votre demande doit donc faire l’objet d’une décision de rejet ». D’où la fébrilité de M. Santini et du SEDIF. 

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