Dan Lert est Adjoint à la Maire de Paris chargé de la transition écologique, du Plan climat, de l’eau et de l’énergie, et Président d’Eau de Paris, le premier opérateur public d’eau en France. A la veille de l’anniversaire des 10 ans de France Eau Publique, il a livré dans cette tribune sa vision sur les enjeux à venir du financement des services publics d’eau et d’assainissement.
Avec l’inflation, le prix des matières premières et de l’énergie se répercute sur la facture d’eau des usagers partout en France. Avec France Eau Publique, nous formulons des propositions pour maîtriser le prix de l’eau pour qu’elle reste un bien commun, universel accessible.
L’eau doit rester un service public universel accessible, son prix doit être maîtrisé
Le prix de l’eau augmente partout en France pour deux raisons principales. Premièrement, le prix des matières premières et de l’énergie ont connu une hausse sans précédent. La facture d’électricité d’Eau de Paris a par exemple triplé entre 2021 et 2023, passant de 7 millions d’euros à 24 millions d’euros. Deuxièmement, les efforts nécessaires de sobriété hydrique tirent les prix vers le haut. La plupart des coûts des services étant fixes, la baisse des consommations risque d’entraîner mécaniquement une hausse des prix pour les usagers.
Pour faire face à l’augmentation du prix de l’eau, chaque centime de la facture d’eau doit être réinvesti dans les services d’eau. C’est le principe de la gestion publique de l’eau que je défends à Paris, où nous avons repris en régie ce service public essentiel en 2011, et que je partage avec tous les élus des territoires engagés en faveur de la remunicipalisation de l’eau au sein du réseau France Eau publique.
Pour aller plus loin, nous adressons avec ce réseau deux demandes au Gouvernement pour protéger les usagers.
La première est de réduire la TVA sur la facture d’eau. Le taux est actuellement fixé à 5,5% pour l’eau potable et à 10 % pour l’assainissement. Nous proposons de considérer l’assainissement comme un service essentiel et de passer le taux à 5,5 % également.
La deuxième proposition est d’appliquer un bouclier tarifaire sur l’énergie pour les services d’eau. Un bouclier tarifaire a été mis en place pour protéger les citoyens consommateurs de la crise du marché de l’énergie. Mais les collectivités qui achètent de l’énergie pour gérer des services publics essentiels tels que la gestion de l’eau ne disposent d’aucune possibilité d’absorber les augmentations de charge – sauf à les répercuter auprès des usagers.
Les usagers du service public d’eau ne doivent pas porter seuls les efforts financiers de la sobriété et de la dépollution
Depuis des décennies, les pesticides utilisés dans l’agriculture polluent nos ressources. Depuis des décennies, les services d’eau – et in fine les usagers – paient des centaines de millions d’euros pour traiter ces pollutions. C’est aux fabricants de pesticides et autres produits pharmaceutiques de payer les coûts induits par leurs pollutions. Il existe une redevance pour pollutions diffuses, mais à un niveau extrêmement faible au regard du coût pour la société. Appliquons vraiment le principe de pollueur-payeur, qui permettrait non seulement de financer la dépollution, mais aussi de dissuader les pollueurs, pour protéger la santé humaine, celle des milieux naturels et la biodiversité.
Enfin, le Plan Eau présenté par le Président de la République prévoit un déplafonnement des budgets des agences de l’eau, qui sont financées en grande partie par les redevances des usagers de l’eau potable. Il faut que les irrigants et les industriels payent le véritable prix de l’eau. Les redevances de prélèvement doivent refléter leur véritable poids dans les prélèvements en eau et leur véritable impact sur le milieu, ce qui n’est malheureusement pas du tout le cas aujourd’hui. Les efforts de sobriété hydrique doivent être répartis entre tous les secteurs, en appliquant le principe de « préleveur-payeur ».
Avec Eau de Paris, nous continuerons à nous engager pour protéger la ressource en eau, prévenir à la source les pollutions, et fournir aux Parisiennes et aux Parisiens une eau potable d’excellente qualité au juste prix. Pour protéger notre ressource en eau dans la justice sociale, il est essentiel qu’un véritable partage des financements entre acteurs soit posé. Le débat est lancé.