Le projet du SEDIF rejeté par des conseils municipaux

Vendredi 9 juin, les conseils municipaux de plusieurs villes ont adopté des vœux pour l’abandon du projet du SEDIF de généraliser l’osmose inverse basse pression dans ses principales usines. C’est le cas notamment de Bagnolet et de Fresnes. Cette dernière ville a également décidé de devenir membre de la Coordination EAU IDF. Au vu des enjeux du projet pour les usagers et pour l’environnement, il serait normal que les conseils municipaux des villes, en particulier celles membres du SEDIF, en débattent aussi et se prononcent.

Vœu du conseil municipal de Bagnolet

Le 6 avril, le rapport de la dernière campagne de l’Anses révélait la présence du résidu d’un fongicide, le Chlorothalonil, dans de nombreuses eaux potables en France. Personne ne sait vraiment l’effet de ce produit sur la santé humaine mais il y a toutes les raisons de de penser qu’il est néfaste. Le seuil d’alerte (détection) a été franchi mais on reste encore assez loin du risque sanitaire.

Dans les jours qui suivent,  on a pu entendre une petite musique sur les investissements nécessaires et forcément très importants pour traiter l’eau potable afin d’éliminer ce résidu (et bien d’autres).

Le 20 avril était lancé un débat public sur l’eau potable en Île-de-France, en fait sur la généralisation de l’osmose inverse basse pression dans le traitement de l’eau potable dans les usines du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF). Ce procédé équivalent pour l’eau douce à la désalinisation de l’eau de mer, élimine tous les  résidus et les sels minéraux, à tel point que l’eau doit être reminéralisée en la mélangeant avec une eau traitée par un autre procédé.

Et le 19 avril, la même Anses recommandait de ne plus consommer les œufs et les volailles issus d’élevages domestiques en Île-de-France. Là, les polluants organiques persistants, contenus dans l’air, sont en cause.

Le problème de fond, c’est bien la pollution généralisée de notre environnement, par les pesticides notamment. C’est à cela qu’il faut s’attaquer, maintenant. Malheureusement le SEDIF ne s’y attaque pas : en dix ans, deux millions d’euros ont été consacrés au plan préventif éco-phyto (pour inciter à réduire l’utilisation des pesticides) mais c’est près d’un milliard d’euros d’investissements qui sont prévus pour généraliser l’OIBP à ses trois usines! On voit clairement où se situent ses priorités.

Bien sûr, les efforts pour arrêter l’utilisation des pesticides ne se retrouveront dans la qualité de l’eau que plusieurs années plus tard. Raison de plus pour commencer tout de suite. A noter cependant que des résultats sont d’ores et déjà visibles dans les eaux issues de l’aire d’alimentation de captage de la Vanne où les mesures écologiques prises par Eau de Paris sont les plus avancées.

Le SEDIF prend prétexte du temps nécessaire pour que l’arrêt des pesticides se retrouve dans les analyses de l’eau pour imposer l’OIBP, en attendant. Mais de toute façon la mise en place de l’OIBP prendra une dizaine d’années, elle n’aura pas d’effet immédiat.

De plus la généralisation de l’OIBP est un voyage sans retour. On ne revient pas d’investissements aussi importants qui vont structurer la filière de production d’eau pour des dizaines d’années.

Et c’est maintenant qu’il faut agir. Il ne faut plus laisser la contamination des eaux brutes augmenter. A cette condition,  on pourra voir la présence des résidus dans l’eau potable décliner et disparaitre dans quelques années. Mais si on n’agit pas maintenant, la contamination de l’eau potable va continuer à croitre et il sera toujours plus difficile d’inverser la tendance.

Motivé par des raisons économiques dictées par Veolia, le projet du SEDIF  détourne l’opinion et les ressources provenant des usagers, de l’essentiel, c’est à dire de la lutte contre la pollution massive de l’eau et de l’environnement, et incite à continuer à faire  comme si de rien n’était : c’est un permis de polluer.

Certes Est Ensemble ne fait plus partie du SEDIF et a créé sa propre régie. Mais pour autant, nous ne sommes pas indifférents au sort des usagers du SEDIF. En outre, le projet du SEDIF rendrait plus difficile les échanges d’eau et les secours entre les différents opérateurs en Île-de-France. Tout le monde en subirait les conséquences.

Bannir l’usage des pesticides sur les aires de captage permettrait d’améliorer considérablement la qualité de l’eau. Nous savons que cela fonctionne. A l’instar d’Eau de Paris, des régies publiques d’eau en France mettent en place des programmes de protection de la ressource en accompagnant les agriculteurs vers des modes de culture biologiques ou durables sur les aires d’alimentation et de captage. Les résultats sont sans appel : sur les secteurs où les pratiques agricoles durables sont anciennes, l’eau y est moins polluée qu’ailleurs.

Pourtant, le gouvernement continue de protéger les intérêts du lobby des pesticides contre l’intérêt général et la santé des populations. Cela s’illustre récemment par  l’absence totale de mesures ambitieuses sur ces enjeux dans le “plan eau” du Président de la République et la demande du Ministre de l’Agriculture formulée à l’Agence de Sécurité Sanitaire (ANSES) de revenir sur sa décision de bannir l’herbicide S-Métalochlore, l’un des plus utilisés en France.

Le gouvernement doit protéger l’eau que nous buvons, la qualité des aliments que nous mangeons et la santé des agriculteurs qui nous nourrissent. Et puisque les maires qui ont pris des arrêtés anti-pesticides ont été déboutés par la justice, c’est bien au gouvernement d’agir.

Le conseil municipal de Bagnolet

Demande au SEDIF d’abandonner son projet de généralisation de l’osmose inverse basse pression ;

Appelle le gouvernement à interdire sans délai l’utilisation de produits phytosanitaires sur les aires de captage d’eau et à soutenir financièrement les agriculteurs et agricultrices pour assurer cette transition.

Vœu du Conseil Municipal de Fresnes

Eau du robinet : pour la justice sociale et climatique, l’Île-de-France pas besoin du projet d’Osmose Inverse Basse Pression

La Commission Nationale du Débat Public vient d’ouvrir un débat public intitulé « L’eau potable en Ile-de-France » qui est consacré au projet de filtration « Vers une Eau Pure » porté par le Syndicat des Eaux d’Île-de-France. Il s’agit d’un projet industriel et technologique qui est questionné à travers cette enquête : une nouvelle technique de filtration onéreuse et énergivore appelée l’Osmose Inverse Basse Pression (OIBP).

Ce projet du SEDIF pose un débat sur l’avenir du service public de l’eau à l’échelle de la métropole francilienne et donc pour notre commune. Cette nouvelle technologie, proche de celles utilisées pour désaliniser l’eau de mer en pays arides, portera un fort impact social et environnemental en Ile-de-France.

Son installation sur les 3 usines du SEDIF nécessitera un investissement de 800 millions d’euros financés par une augmentation du prix de l’eau payé par les usagers et par une baisse de l’entretien du réseau. L’impact économique pour les usagers pourrait aller entre 0,30 €/m3 et 0,40 €/m3, hors taxes et redevances, soit jusqu’à 50 € nets par ans et par foyer alors que l’inflation galope.

Au moment où le Président de la République vient d’appeler les opérateurs de l’eau à un plan massif d’économie d’eau pour agir face aux enjeux de sécheresse, sur le périmètre du SEDIF, la baisse de l’entretien des canalisations entraînera mécaniquement une augmentation des fuites.

D’autre part, le projet représente un doublement de la consommation électrique des usines de production d’eau potable, soit la consommation électrique d’une ville de 40.000 habitants alors que tout nous appelle à la sobriété énergétique.

Si cette technique de filtration vise avant tout à produire une eau pure et débarrassée de tout pesticide et polluant, l’installation industrielle qu’elle nécessite est nettement plus consommatrice en termes de captage dans la Seine, dans la Marne et dans l’Oise. D’après les prévisions du SEDIF, 15% des volumes d’eau à traiter seront rejetés à la rivière en concentrant les particules filtrées. Soit 42 millions de m3 d’eau filtrée, ou la consommation d’une métropole comme Bordeaux ou Toulouse qui sera rejetée dans les cours d’eau. Ces rejets d’eau seront chargés de tous les polluants. Le SEDIF met en avant qu’il ne rejette dans les cours d’eau que des polluants qui s’y trouvaient déjà. Certes, mais la question n’est pas tant l’ajout de polluants dans les cours d’eau que leur concentration.

Alors que le changement climatique et la croissance démographique de l’Ile-de-France entraînent une pression croissante sur la ressource en eau, ce projet va à l’encontre de la logique de préservation de la ressource en eau, indispensable à la vie. Pourtant, c’est bien une protection de l’eau sur tout son cours qu’il faut affirmer en déployant une politique de lutte contre les pesticides, les pollutions urbaines et industrielles.

C’est par ailleurs le travail engagé par de multiples collectivités actuellement mobilisées autour de la dépollution de la Seine dans l’optique des Jeux Olympiques.

Dans la perspective d’une réforme métropolitaine, c’est aussi le sujet de l’avenir du service public de l’eau en Ile-de-France qui se joue avec cette nouvelle technologie. Elle pourrait en effet permettre au SEDIF et à son délégataire de défendre la mise en place d’un monopole privé menaçant les services publics alternatifs aux concessions naissant depuis 2010.

La régie des Eaux de la Seine et de la Bièvre et ses 9 communes, et plus largement, l’Etablissement Public Grand Orly Seine Bièvre qui accueille la première usine de production d’eau potable d’Europe à Choisy-le-Roi, sont au centre politique et géographique de ce débat.

Considérant

  • Que les communes d’Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Fresnes, Gentilly, Orly, Ivry-sur-Seine, le Kremlin-Bicêtre et Vitry-sur-Seine, constituées en régie publique de l’eau, achètent et ce jusqu’en 2029, de l’eau au Syndicat des Eaux d’Ile-de-France et qu’elles sont donc directement concernées par ce projet.

  • Que l’impact environnemental du projet de filtration du SEDIF, et notamment le rejet d’un concentrat pollué dans les cours d’eau, va à l’encontre des engagements indispensables que prennent de multiples acteurs en matière de transition écologique et de préservation de la ressource en eau.

  • Que l’impact pour le pouvoir d’achat des habitants n’est pas acceptable pour notre commune populaire.

Le conseil municipal, par le présent vœu, affirme son opposition à la mise en place de l’Osmose Inverse Basse Pression.

Copie du présent vœu est envoyé à :

Monsieur Christophe BECHU, Ministre de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires de France ; Madame Chantal JOUANO, Présidente de la Commission Nationale du Débat Public ; Monsieur Marc GUILLAUME, Préfet de la Région Ile-de-France ; Monsieur André SANTINI, Président du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France ; Mesdames et Messieurs les membres du Bureau du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *