La troisième édition du printemps de l’eau s’est inscrite dans l’actualité brûlante du déni démocratique face à la mobilisation sociale et politique contre la réforme des retraites et du déni écologique face à une sécheresse hivernale qui annonce la sécheresse estivale et à la mobilisation nationale et internationale à Sainte-Soline contre les méga-bassines, la présentation du Plan Eau (décevant!) par le président de la République, en étant la dernière péripétie.
Face à ces dénis, face au système d’exploitation du vivant et des humains, les usager.e.s, les citoyen.ne.s, les associations et collectifs, les politiques s’expriment en faveur de l’eau, comprise comme un commun NATUREL et PUBLIC. Retour sur les évènements de ce printemps …
C’est ce qu’il nous faudra retenir de cette troisième édition du Printemps de l’eau : l’intelligence collective et bienveillante du peuple de l’eau s’exprime, se consolide ! Par Maelis Biennait, volontaire en service civique.
Pour une gestion publique, citoyenne et écologique de l’eau !
Fer de lance d’une gestion publique et citoyenne de l’eau, la Coordination EAU Île-de-France et ses partenaires du Printemps de l’eau ont organisé plusieurs initiatives pour informer et mobiliser les citoyen.ne.s sur l’eau dans toutes ses dimensions, de la place de l’eau dans la ville à la tarification sociale… Ou contre des projets néfastes comme l’eau osmosée, l’entrepôt Green Dock, les méga-bassines, répondant à une logique du “toujours plus”, d’une approche techno-solutionniste et éloignée du citoyen.
L’eau dans la ville
Le 4 avril, la Coordination EAU Ile-de-France a organisé à la maison de quartier de la Dhuys, à Bagnolet, une rencontre avec Alban Morand et Alexandre Nezeys sur l’eau dans la ville. Alban Morand a présenté son mémoire de fin d’études à l’ESAJ, l’école des paysages de la transition écologique, rue de Santeuil à Paris: « Comment remettre les eaux pluviales dans le vallon de Bagnolet? » En discutant, Alexandre Nezeys, principal auteur du Plan Paripluie (le zonage pluvial de la ville de Paris), a expliqué comment cette utopie est possible et nécessaire. Alban Morand a imaginé de reconnecter l’ensemble des eaux pluviales au sol bagnoletais. Qu’il s’agisse du domaine privé ou de l’espace public, l’enjeu est de ne pas rejeter l’eau de pluie au réseau de collecte mais de la retenir intégralement à l’endroit où elle tombe pour favoriser son infiltration et son évaporation ou évapotranspiration par les végétaux. Le public, composé d’habitant.e.s et d’experts, a ensuite largement commenté et pris position en faveur des propositions d’Alban Morand. Des personnes issues d’un large éventail d’institutions étaient présentes : le SIAAP, le département de la Seine Saint-Denis, l’Établissement Public territorial Est Ensemble, le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).
Vers le débat public sur l’eau osmosée
Cette troisième édition du Printemps de l’eau se situe aussi dans la période précédant les débats publics organisés par la CNDP du 20 avril au 20 juillet 2023, concernant le projet de généralisation du procédé d’osmose inverse basse pression (OIBP) dans les usines franciliennes du SEDIF. (Voir ici)
La Coordination EAU Île-de-France et les partenaires du Printemps de l’eau s’opposent à ce projet nuisible pour les usagers (tarification, surconsommation énergie) & pour le vivant (prélèvement accru de la ressource eau, rejet d’un concentrat de polluants).
Les objectifs de la Coordination EAU Île-de-France? Informer et mobiliser les citoyen.ne.s pour qu’il.elles participent aux débats publics. Aussi l’association a organisé une matinée de formation des militant.e.s, samedi 4 mars. Sont intervenus Jean-Claude Oliva (directeur de la CEIDF et président de la régie publique d’Est Ensemble), Luc Allard (conseiller du Président de Grand Paris Sud) et Luc Blanchard (co-président de France Nature Environnement IDF). Cela a été un franc succès avec une vingtaine de participant.e.s de tous les territoires directement touchés par le risque OIBP.
Coupons l’herbe sous le pied aux sceptiques qui tenteront de justifier l’OIBP comme (seule!) solution à la pollution généralisée de l’eau avec les métabolites du Chlorothalonil. Nous pensons à vous ! Voici un superbe article avec l’éclairage de Luc Allard et le communiqué de la Confédération paysanne. L’OIBP n’est pas la solution.
Vers une tarification « sociale » de l’eau
Une gestion publique et citoyenne de l’eau met au cœur de sa politique les usager.e.s : cela pose la question de la tarification ! Lors d’une conférence-débat, le mercredi 22 mars, l’Association mantevilloise citoyenneté et culture interroge la disparition du tarif “social” à la suite d’un changement de délégataire survenu en février 2022, passé de Suez à la Société des Eaux de Fin d’Oise. Maurice Martin réagit : l’AREP Val de Seine exige le rétablissement du tarif préférentiel.
Cette soirée a été un succès de mobilisation : plus d’une cinquantaine de personnes ont assisté à ce débat co-animé par la députée Catherine Couturier.
Contestation du projet Green dock
Le même jour, lors de la Journée mondiale de l’eau, les citoyen.ne.s se sont exprimé.e.s et ont pris place dans l’espace public pour s’opposer au projet Green Dock de construction d’un entrepôt géant à Gennevilliers sur les bords de Seine. Une performance artistique de la Compagnie l’Essoreuse a permis de matérialiser la taille de l’entrepôt, en dépliant quinze fois une immense bande de tulle bleu de 40m le long des quais de Seine parisiens. Voici un article du Parisien et la vidéo de la performance.
Les communs au centre du mouvement de l’eau national et international
Cette troisième édition du Printemps de l’eau a permis une grande diversité des modes d’actions, des lieux et des acteurs et actrices de ce mouvement. Cette diversité & cette intelligence collective font face au “vieux monde”, comme le dit l’anthropologue Philippe Descola. Le mouvement de l’eau s’organise et travaille pour créer un nouveau système, pour mettre les communs au centre de ce dernier.
Expériences internationales des luttes écologistes
Lors d’un séminaire organisé par la députée Lisa Belluco & la Fondation Danielle Mitterrand “la guerre de l’eau : expériences internationales”, plusieurs militant.e.s ont témoigné de leurs luttes. La première table ronde mettait en avant les luttes internationales avec des intervenant.e.s du Chili, de Colombie, du Canada, du Kurdistan, du Mali & du Bénin. Pour la deuxième table ronde, des militant.e.s de différentes luttes locales sont venu.e.s présenter leur objet de lutte dans leur territoire. Jean-Claude Oliva est intervenu pour présenter la mobilisation citoyenne francilienne depuis le début des années 2000 qui a mené à des victoires avec la création d’une nouvelle régie publique d’Est Ensemble qui donne la part belle aux citoyen.ne.s.
Nous remercions les organisateurs d’avoir permis ce pont entre des luttes nationales et internationales qui défendent un nouveau mode de gestion, un nouveau paradigme de l’eau. Les débats se sont ouverts sur les alternatives au système actuel : ce n’est pas sans rappeler la conférence de Daniel Hofnung au côté de la Fabrique de Vitry. Daniel nous rappelle le rôle primordial de l’eau dans la restauration du climat.
#Nous sommes l’eau qui se défend.
Convergence du mouvement à Sainte-Soline
Ce mouvement de l’eau s’est exprimé très fort lors de la mobilisation à Sainte-Soline, le week-end du 24, 25 et 26 mars.
En amont, une réunion débat avait été organisé à Montreuil le 17 mars pour préparer la mobilisation internationale : plus d’une centaine de personnes étaient présentes. Cela laissait à prévoir une forte mobilisation pour le week-end d’après.
La Coordination a participé à la mobilisation à Sainte-Soline, au côté des 30 000 personnes qui ont montré leur détermination à construire un avenir écologique et solidaire autour de l’eau.
Sainte-Soline est devenu un tournant dans la mobilisation du mouvement de l’eau. Tout d’abord, un tournant dans les modes d’organisation et d’action où les maitres mots sont bienveillance et diversité. Beau de sa diversité … Beau et massif … Beau et touchant par le respect et le soin donné à l’autre. Une manifestation d’intelligence collective, de maturité. De cette façon-là, le mouvement n’est pas près de s’arrêter, nous irons loin ensemble, c’est sûr!
Puis, un tournant de par la réponse violente et démesurée donnée par l’Etat face à cette mobilisation. Face à cette répression, une magnifique idée courante des mouvements écologistes résonne : “Ils ont essayé de nous enterrer mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que nous étions des graines !”
#Nous sommes les soulèvements de la terre !
La mobilisation continue …
Suite à Sainte-Soline, nombreux événements, soirées de soutiens, conférences sont organisés pour faire un contre-poids au discours officiel du récit de la mobilisation. Il s’agit aussi de continuer de réfléchir à de nouveaux imaginaires et de nouvelles pratiques alternatives. Université Bien Commun a organisé une session “ Des méga-bassines à l’eau Bien Commun”, à l’Académie du Climat (75). Jean-Claude Oliva est intervenu au côté de Joëlle Lallemand (APIEEE) et de Jean-Jacques Guillet (Bassines Non Merci). Le principe même des méga-bassines est interrogé sous le prisme des modes de gestion de l’eau. Cette session a reçu une forte mobilisation avec 120 personnes (minimum) et un échange très riche avec le public tout au long des interventions.
La Coordination EAU île-de-France remercie tous les partenaires du Printemps de l’eau & les nombreux militant.e.s présent.e.s. Cette troisième édition du Printemps de l’eau est arrivée à un tournant des mouvements écologistes de l’eau : c’est un constat plein d’espoir.
Nous sommes l’eau qui se défend !