Avec la reprise de la gestion publique de l’eau par les neuf communes d’Est Ensemble, les tarifs de l’eau vont baisser à partir de janvier 2024. Un des effets, loin d’être le seul, de la sortie du SEDIF (Syndicat des Eaux d’Ile de France) et de son partenaire privé la multinationale Véolia, qui engrange des bénéfices record alors que l’eau est un bien commun et précieux pour l’humanité. Par Attac 93 sud.
Un « Forum Citoyen de l’eau » vient d’être lancé à l’appel des associations qui se sont battues pendant douze ans pour ce retour dans le public (*). Ouvert à toutes et tous, son objectif est d’associer les usagers aux choix qui seront faits par les élus via la Régie publique de l’eau d’Est Ensemble. Les premières réunions ont eu lieu en novembre à Bondy, Bagnolet et Les Lilas, pour débattre de la nouvelle tarification et comprendre en quoi elle marque une rupture avec l’ancienne.
Une trentaine de personnes étaient à chaque fois présentes. Jean-Claude Oliva, président de cette nouvelle Régie et élu de Bagnolet, a expliqué ce qui allait changer pour les usagers.
Dans la facture d’eau, plus de la moitié (55%) est consacrée à l’assainissement (la collecte, l’évacuation et le traitement des eaux usées). L’eau potable (qui inclut l’entretien du réseau de canalisations) représente 32% de la facture et les taxes prélevées par l’Agence de l’eau 13%. C’est d’abord le prix de l’eau potable qui va changer en janvier prochain, avec une tarification plus juste.
Aujourd’hui, pour les particuliers, les tarifs appliqués par Véolia favorisent les gros consommateurs d’eau car plus on consomme et moins on paye cher le m3 ! Une aberration face à l’urgence climatique. Les tarifs ne tiennent pas compte non plus des critères sociaux, le même tarif d’abonnement étant facturé à tous, quel que soit le nombre de personnes dans le foyer, il pèse davantage sur ceux qui consomment le moins.
Ainsi le tarif officiel du SEDIF était de 1,38€ le m3 d’eau. En réalité pratiquement personne ne payait ce prix. Dans l’habitat collectif (82,4% des habitant-e-s d’Est Ensemble), la facture était souvent basée sur la consommation d’un immeuble ou d’un groupe d’immeuble, c’est donc le tarif de la 2e tranche (+33% que la première qui s’appliquait) quelle que soit la consommation du ménage. Dans l’habitat individuel (15,6%), l’usager qui consommait 30 m3 d’eau par an payait jusqu’à 2,02€ le m3 du fait de l’abonnement.
Pendant ce temps les bénéfices de Véolia Eau d’Ile de France (VEDIF) n’ont cessé d’augmenter : 21,3 millions d’euros en 2021, 23,178 millions d’euros en 2022, ce qui n’a pas empêché le VEDIF d’augmenter ses tarifs de 5,5% le 1er janvier 2023.
Des nouveaux tarifs plus justes
A partir du 1e janvier prochain, l’abonnement sera supprimé, et la même tarification sera appliquée dans l’habitat collectif et dans l’habitat individuel. Une première tranche de 10 m3 par an sera gratuite, ce qui correspond à la consommation d’eau vitale, celle utilisée pour la boisson et la cuisine (ce volume d’eau est calculé sur la base d’une consommation de 150 m3 par an, correspondant à celle d’un foyer de 5 personnes).
Ensuite la tarification sera progressive avec une augmentation du prix du m3 en fonction des volumes consommés. La seconde tranche de 18 m3 par an, correspondant au volume d’eau utilisée pour le linge, sera facturée 1,20€ par m3. La dernière tranche, la 7e, considérée comme superflue (au-delà de 140 m3 par an) coûtera 1,54 € le m3.
D’après les calculs de la Régie, tous les usagers paieront moins qu’aujourd’hui, puisqu’avec Véolia la grande majorité payait son eau 1,57€ le m3. Cette nouvelle tarification favorise les personnes seules et les familles monoparentales, ce qui correspond à la sociologie du territoire (80% des ménages comptent 3 personnes au plus).
Quant aux tarifs professionnels, les 25 grosses entreprises du territoire (qui consomment plus de 660 m3 d’eau par an) auront maintenant un tarif unique, et non plus dégressif. C’est une première avancée. Toutes les autres, quelle que soit leur taille, bénéficient des tarifs des particuliers, alors que leurs charges sont déductibles de leurs impôts. La Régie envisage de modifier ces règles et sur ce point le débat reste ouvert.
Des tarifs plus justes et plus solidaires donc, et c’est un grand pas en avant. Cependant d’autres questions tout aussi primordiales ne sont pas tranchées, et c’est là que le Forum citoyen de l’eau a un rôle à jouer.
Notamment sur un point crucial : la gestion du patrimoine (réservoir, canalisations principales et usines de production) transféré par le SEDIF pour être assumée par la Régie publique. Celle-ci a pris du retard et une prolongation d’un an de la gestion par le SEDIF a été décidée. Pour le moment, la gestion de ces installations par la régie n’est pas à l’ordre du jour et ne semble plus prioritaire pour une partie des élus d’Est Ensemble. L’alimentation par Eau de Paris a aussi été reportée d’un an. Il faut donc se mobiliser pour l’obtenir, d’autres réunions du Forum sont prévues pour agir en ce sens.
(*) Coordination Eau IDF, Attac 93 sud, Bondy autrement, Bondy écologie, Collectif eau publique des Lilas et du Pré-Saint-Gervais, MNLE93, Fédération de Seine-Saint-Denis de la LDH, Bagnolet Initiative Citoyenne, Bagnolet en commun, Écolos Solidaires …
Un questionnaire pour collecter les idées
A la fin de ces trois premières réunions du Forum citoyen de l’eau, l’avis de toutes les personnes présentes a été sollicité via un questionnaire. Une grande majorité se prononce pour la suppression de l’abonnement et la mise en place d’une première tranche d’eau gratuite, ainsi que pour la tarification progressive et différenciée selon les usages (on paye plus cher l’eau quand on en consomme plus).
Des suggestions ont été faites, dont celles de faciliter l’accès au branchement en eau non potable, de mettre en place une aide pour récupérer l’eau de pluie et de supprimer les frais de dossier.